Ce mercredi 2 juillet, un quart d’heure avant le débat en séance publique de la pétition 3409, une trentaine de personnes se sont rassemblées devant la Chambre des députés à Luxembourg. À l’appel de l’association La Voix des Survivant(e)s (LVDS), militantes, victimes, professionnels du droit et citoyens solidaires ont voulu rappeler l’urgence de réformer en profondeur les politiques de lutte contre les violences fondées sur le genre. Présente sur place, la ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité, Yuriko Backes, a tenu à exprimer son soutien à cette mobilisation.
Rédaction : Alina Golovkova
« J’espère que les politiciens vont oublier qu’ils sont des politiciens, qu’ils réfléchissent avec leur cœur et pas avec leur tête », a déclaré Ana Pinto, présidente de LVDS, ce matin. « Et qu’ils s’imaginent que cela touche leur fille, leur mère, leur frère. Et qu’ils pensent à ce qu’ils auraient aimé que la justice fasse pour leur famille. C’est tout. »

La pétition 3409, clôturée début janvier avec 5009 signatures, appuie un texte de réforme porté par l’association, élaboré par un groupe pluridisciplinaire composé de juristes, de victimes et de professionnels. Le document complet, déjà remis aux députés le 27 février 2025, propose notamment d’introduire de nouvelles infractions dans le Code pénal – féminicide, contrôle coercitif, violence économique –, de créer un tribunal spécialisé, et de renforcer les droits des victimes grâce à un statut administratif inspiré du modèle espagnol.
Parmi les soutiens présents, Charel Schmit, défenseur des droits de l’enfant, s’est réjoui que la mobilisation des survivantes trouve aujourd’hui un écho dans l’espace public : « C’est une voix extrêmement importante, et c’est nouveau dans le paysage luxembourgeois. Les politiciens et les acteurs institutionnels ne peuvent plus ignorer les injustices qui perdurent dans le système. Il faut s’aligner sur les politiques européennes et internationales plus ambitieuses. La protection des enfants et des adolescents devrait être une priorité nationale. »
“Il faut s’aligner sur les politiques européennes et internationales plus ambitieuses. La protection des enfants et des adolescents devrait être une priorité nationale. »
Charel Schmit, défenseur des droits de l’enfant
De son côté, Me Stéphanie Makoumbou, avocate engagée dans la démarche, a salué l’ouverture du débat en Chambre : « On est très contents que le jour J soit enfin arrivé et qu’on puisse enfin débattre de nos propositions qui sont vraiment vitales pour la plupart des victimes. »
La ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité, Yuriko Backes, a reconnu la réalité et l’ampleur des violences au Luxembourg : « La violence est une réalité ici comme ailleurs. Il faut l’adresser. Il y a beaucoup de différentes sortes de violences. Ici, il s’agit surtout de la violence domestique à laquelle on est confronté, mais certainement pas seulement. » Elle a rappelé que « La Voix des Survivant(e)s donne une voix à beaucoup de victimes qui ne se sentent pas écoutées ». Quelques jours plus tôt, elle a présenté « le tout premier Plan d’action national contre la violence », comportant 62 mesures concrètes à mettre en œuvre par plusieurs ministères.
Elle a également souligné la création, fin avril, du Centre national pour victimes de violence (CNVV) : « C’est la première fois qu’on a un centre où l’aide vient chez la victime, au lieu que ce soit elle qui doive chercher de l’aide à différents endroits. C’est une avancée majeure au Luxembourg. »
« C’est la première fois qu’on a un centre (ndlr : Centre national pour victimes de violence) où l’aide vient chez la victime, au lieu que ce soit elle qui doive chercher de l’aide à différents endroits. C’est une avancée majeure au Luxembourg. »
Yuriko Backes, Ministre de l’Égalité des genres et de la Diversité
LVDS a profité du rassemblement pour rappeler ses principales revendications : création d’une cyberpolice dédiée à la lutte contre la pédocriminalité en ligne, formation obligatoire des professionnels, transparence sur les méthodes du Service Central d’Assistance Sociale (SCAS), et renforcement des moyens de la justice.
L’association tire aussi la sonnette d’alarme après des déclarations du procureur adjoint David Lentz, entendues début juin. Celui-ci affirmait notamment que retirer un enfant du domicile familial reviendrait à « le punir à nouveau ». LVDS dénonce un discours dangereux : « Protéger un enfant, ce n’est pas le punir : c’est un devoir impérieux de la société et des institutions. » L’association estime par ailleurs que certains services de protection, notamment le SCAS, manquent d’expertise spécifique en matière de pédocriminalité.
La réforme proposée s’inspire des modèles les plus avancés d’Europe. Elle vise à répondre à une urgence : celle d’entendre enfin les voix trop longtemps ignorées des survivant(e)s. Comme l’a résumé Ana Pinto, « la protection de l’enfance est non négociable ». Ce matin, devant la Chambre, les voix des survivantes ont brisé le silence. Reste à savoir si elles seront enfin entendues.
Plus d’informations sur le site de l’association La Voix des Survivant(e)s.