Après les événements ayant une fois de plus révélé un degré de corruption certain au Parlement européen (PE), les déclarations de bonnes intentions n’ont pas manqué de fleurir. Au vu de l’historique des institutions communautaires, l’éradication de cette peste semble problématique.
Par Cadfael
Comment construire des réseaux ?
La création de l’ONG « Fight impunity » par l’eurodéputé Panzeri, personnage clef du Qatargate, précédait la naissance d’une autre ONG : « No Peace without justice » de l’eurodéputé Nicolo Figa-Talamanca, embastillé pour avoir trop fréquenté la nébuleuse autour de la vice-présidente grecque déchue. Depuis, il a été relâché par le parquet fédéral belge. « No peace » a comme présidente la très respectable Emma Bonino, ancienne ministre des affaires étrangères italienne et ancienne commissaire européenne. « No peace » semble, comme « Fight Impunity », avoir été créée avec un double agenda afin de pouvoir être instrumentalisée à des fins moins orthodoxes. Les observateurs constatent une absence totale de contrôle.
Co-fondateur avec Panzeri de « Fight Impunity » Dell’Alba, membre du PE, ancien chef de cabinet de Bonino et ancien directeur de la délégation de la Cofindustria à Bruxelles, le puissant lobby patronal italien, se lave ses mains dans l’innocence. Il aurait été dupé. Ses interventions devant la commission des droits de l’homme présidée par Panzeri étaient de bonne foi selon lui. La vice-présidente de ce comité, la socialiste italienne Maria Arena proche de Panzeri et de « Fight impunity », qui avait pris la succession de Panzeri à la tête de cette commission, a préféré démissionner.
Elle s’était volontairement « mise en retrait » en décembre après des fuites dans la presse sur une vaste enquête de corruption au sein du Parlement européen. Selon la presse belge, elle aurait eu 389 coups de téléphone avec Panzeri entre mi-décembre 21 et mi-septembre 22. Sa démission s’est faite au motif d’avoir « oublié » de déclarer un voyage au Qatar. Aucune inculpation n’a été formulée à son égard. On notera également la présence de Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération internationale des Syndicats qui a avoué avoir reçu et encaissé 50.000 euros. Un autre italien, Cozzolino, a été arrêté vendredi dernier en Italie lorsqu’il était à l’hôpital pour des problèmes cardiaques, selon son avocat. Il présidait au PE la commission des relations avec le Maroc.
Que du beau linge
Selon la presse, des personnalités intéressantes sont ou étaient membres de l’une ou de l’autre de ces ONG : on y cite le nom de Bernard Cazeneuve, ancien premier ministre socialiste, qui selon Le Point est « une perle rare : il est bon partout où il passe ». Membre du Conseil Honoraire de « Fight Impunity », il se déclare furieux qu’on veuille l’impliquer. On y trouve un ancien commissaire grec qui a avoué avoir perçu 60.000 euros entre février 2021 et février 2022. Le tout aurait en arrière-fonds les candidatures au poste de représentant spécial de l’Union européenne dans le golfe Persique.
Serait-ce un hasard de retrouver dans les personnalités citées la très ambitieuse Federica Mogherini, ancienne responsable des affaires étrangères de l’UE qui s’est fait parachuter à la tête du collège de l’Europe dans des conditions qui avaient fait les gros titres de la presse à l’époque. « Copinage accompli » titrait Libération du 17 mai 2020. « Et qu’importe qu’elle n’ait jamais été formellement candidate et qu’elle ne remplisse aucune des qualifications requises (niveau de diplôme, expérience, etc.) …donnant ainsi un magnifique exemple de morale élastique à ses élèves » selon Libé, ses parrains étaient Von der Leyen, et l’ineffable politicien belge Van Rompuy tous deux membres de la démocratie chrétienne. Honnis soient ceux qui penseraient y voir la main de la très discrète diplomatie vaticane. Ces politiciens sont innocents dans l’affaire Qatargate. Malgré tout ils sont symptomatiques des réseaux d’influence couvrant les intuitions européennes.
Money get back
A une époque, les plus gros revenus secondaires des eurodéputés allaient aux Français avec le cas emblématique de Dati, cette ancienne ministre devenue eurodéputée par la grâce des réseaux des hommes de l’Élysée. Parmi ses frasques de l’époque, elle avait entre autres, selon la presse, oublié de déclarer 800.000 euros reçus de Renault. Ses revenus de consultance du gazier GDF Suez, aujourd’hui Engie, faisaient jaser. Aujourd’hui selon Transparency International et Integrity Watch (www.integritywatch.eu/mepincomes) on trouve en première place un Polonais, ensuite un Danois et un Français Jérôme Rivière, un proche d’Éric Zemmour transfuge de chez Le Pen. Le belge Guy Verhofstadt, personnage médiatique par excellence, est crédité de revenus complémentaires d’au moins 204 000 annuels en provenance de ses activités sein de société d’investissements et de conseils financiers, tous déclarés selon les règles.
La notion d’intégrité n’a jamais été définie par la cour de justice européenne selon les spécialistes. Ce qui vaut pour le parlement devrait également être de mise pour la Commission. Une étude de Transparency International a montré que 50% des ex-commissaires européens et 30 % des anciens parlementaires ayant quitté la politique se retrouvent dans des organisations listées comme lobbies. On se souvient de l’ancien président de la commission, le portugais Barroso, qui de marxiste-léniniste lors de la révolution portugaise de 1975 a su se recycler via les cercles proches de l’Opus Dei pour se retrouver président non exécutif de Goldmann Sachs International.
Dans une interview de 2014, Michel Barnier cite deux extraits de la prestation de serment d’un commissaire européen :« Je m’engage solennellement à exercer mes responsabilités en pleine indépendance, dans l’intérêt général de l’Union. » Et également à respecter « les devoirs d’honnêteté et de délicatesse ». Dont acte.