Par Cadfael
Jusqu’à l’invasion de l’Ukraine, les oligarques russes menaient une vie somme toute très agréable à condition de maitriser les arcanes du Kremlin. Depuis lors, leur petit monde doré, que le président Biden qualifie de « Kleptocratie », s’est effrité à grande vitesse. Dans le monde des alliés du maitre du Kremlin même une fidélité « perinde ac cadaver » n’est plus une garantie de survie…
Née sur les cendres de l’empire
L’oligarchie possède une longue tradition. En 375 av. J.-C., Platon, disciple de Socrate, la définit dans « la République » comme « la forme de gouvernement/…/où les riches commandent et où les pauvres n’ont point de part à l’autorité ».
C’est Boris Eltsine, premier président d’une Russie non communiste, qui à partir de 1991 crée le terreau du système oligarque russe, même si sous le régime soviétique les réseaux corrompus de partage de pouvoir étaient bien actifs. En libéralisant une économie d’état particulièrement inefficiente par le biais de privatisations massives, il a permis l’appropriation des tranches les plus juteuses de l’ancienne économie soviétique par des intérêts privés et cela à bas prix. Dans les années 1990, il y a même eu des ventes aux enchères, assez curieuses, de biens étatiques. Ont ainsi été vendues, les grandes entreprises de l’industrie des hydrocarbures et du gaz, de l’industrie minière et sidérurgique. Officiellement, ces ventes étaient destinées à remplir les caisses déficitaires de l’état. De ce mécanisme est issue une « élite » économique aux racines profondément maffieuses. À travers un système sophistiqué de capture d’intérêts, leur pouvoir s’est étendu au-delà de l’économie vers la sphère politique pour en faire les vrais maitres de la Russie.
Différencier l’argent du pouvoir
Dans une série d’interviews qu’il a donnés au cinéaste Oliver Stone entre 2015 et 2017, Poutine définissait le système Eltsine comme « l’intégration de l’argent au pouvoir avec comme objectif d’influencer les décisions prises. Ma fonction était de différencier l’argent du pouvoir. Il apparaissait que les personnes en charge du système économique étaient de grande qualité ». L’arrivée de Poutine au pouvoir a domestiqué le processus d’immixtion des oligarques dans la vie politique. En contrepartie de leur soumission, ils ont libre cours en matière économique, le tout sous le contrôle étroit du maitre. Ceux qui n’ont pas compris se sont retrouvés au frais, soit en Sibérie, soit sous terre. Les oligarques qui pensent et expriment que la guerre n’est pas bonne pour les affaires ont une fâcheuse tendance à décéder, ces dernières semaines encore plus qu’avant.
Un hasard ou un message aux anciens amis ?
Il y a quelques jours, le président de Lukoil, Maganov, est mort d’une défenestration malencontreuse d’un hôpital en voulant fumer une cigarette. Lukoil annonçait qu’il était « décédé après une longue maladie », d’autres sources officielles parlent d’un suicide. C’est le second décès d’un des oligarques de Lukoil.
Le 30 janvier, Shulman, un des managers de Gazprom Invest est retrouvé mort, les veines ouvertes dans son cottage près de Saint-Pétersbourg, en laissant selon la police une lettre de « suicidé ». Il était précédé, le 25 février dernier, par Tyulakov, un autre manager, de Gazprom en charge de la sécurité interne du groupe. Celui-ci a été trouvé pendu dans le garage de sa maison de Saint-Pétersbourg, le jour après l’invasion de l’Ukraine. Watford, un oligarque actif dans le gaz qui préférait vivre en Grande-Bretagne, a été découvert pendu dans sa propriété du Surrey en février dernier.
Melnikov, actif dans l’industrie pharmaceutique, aurait d’abord poignardé son épouse de 41 ans et ses deux enfants de 4 et de 10 ans avant de se suicider.
Ce sera au tour d’Avayev, ancien conseiller de Poutine et vice-président de Gazprom Bank, de se suicider le 18 avril dans son appartement russe après avoir abattu sa femme et sa fille de 13 ans.
En Espagne, à Lloret de Mar le même jour, Protosenya, oligarche, actif dans les gaz liquéfiés, se serait pendu après avoir poignardé deux des membres de sa famille.
En mai Subbotin, un des tops managers de Lukoil sera retrouvé mort dans le garage souterrain d’une résidence appartenant à un shaman qui a atteste qu’il avait eu une consultation pour le guérir de l’emprise des drogues. La cause officielle est un « arrêt cardiaque » ! Les autorités enquêtent pour savoir s’il y aurait implication de « rituels jamaïcains de Voodoo » selon la presse russe.
Voronov, armateur actif dans les contrats d’exploration dans l’Arctique pour Gazprom a été découvert en juillet mort dans sa piscine avec une balle dans la tête, suicide ?
En août dernier, Rapaport, oligarque tombé en discrédit au Kremlin, est mort. Ce financier plutôt respecté, ancien propriétaire d’une boite de nuit à la mode, à Moscou et supporter de Navalny, est trouvé défenestré à Washington. Il a chuté d’un appartement de luxe. Son partenaire a eu le même accident en 2017.
Tout le monde peut être infecté ?
On notera, à toutes fins utiles, qu’en octobre 2021 un diplomate russe a été trouvé, défenestré au pied de son ambassade à Berlin. Il serait le fils du numéro deux du FSB (ancien KGB, le corps d’origine de Poutine) en charge des menaces politiques internes. En décembre de l’année dernière, le fondateur d’un blog d’opposition d’extrême droite est mort en tombant, nu, d’une fenêtre à Moscou.
Du personnel soignant et des médecins, à Moscou, avaient osé protester durant la phase la plus lourde du Covid. Ils ont également été touchés par le virus de la défenestration. En décembre de la même année, un scientifique de très haut niveau travaillant sur un vaccin antiCovid s’était « défenestré » à Saint-Pétersbourg. Si selon des sources financières, un tiers des oligarques les plus riches avaient des intérêts à Luxembourg, l’épidémie de suicides n’est pas encore apparue au sein de la communauté russe à Luxembourg. Existe-t-il un vaccin ?