Nestlé, géant de l’agro-alimentaire se veut « améliorer la qualité de vie et contribuer à un avenir plus sain » selon son rapport annuel 2019. La réalité semble bien différente. 

« Good Food, Good Life »

Cette devise du groupe est mise à mal par le « Financial Times » du 31 mai qui faisait éclater la nouvelle suite à un document interne du groupe Nestlé qui avait fuité :

Celui-ci informait que plus de 60% des produits de sa gamme de produits alimentaires et de boissons obtiennent un mauvais score alimentaire et ne sont pas sains selon le système australien de critères nutritionnels. En 2014 le gouvernement australien a mis en place le très rigoureux « Health Star Rating System » afin de lutter contre la malbouffe et ses conséquences dramatiques sur la santé de ses citoyens. Les producteurs et vendeurs de nourriture sont responsables pour l’utilisation correcte du calculateur dont les résultats reposent sur un algorithme développé par des médecins et des nutritionnistes. Ils sont légalement responsables d’une information correcte étiquetée sur les produits mis en vente. Le système est volontaire mais vu son impact il est devenu quasi nécessaire pour vendre. Il fonctionne sur une échelle allant d’un demi-point à cinq points. Le maximum est largement utilisé par les consommateurs pour comparer des produits. Il est actuellement en train d’être révisé après le constat que des produits malsains ont eu des résultats élevés. Parmi les produits manufacturés seuls 11% des produits de viande et de poisson obtiennent un rating de 5,  de même que 11% des légumes et fruits travaillés et 7% des snacks. 

Un résultat destructeur

Selon le document de Nestlé seuls 37% des produits du groupe atteignent un score de 3.5, score moyen considéré par Nestlé comme une « définition reconnue d’un produit sain ».

Comme l’écrit de « Financial Times », selon le document fuité 70% des produits alimentaires de Nestlé n’atteignent pas ce rating et 96 % des boissons (café exclu) ainsi que 99% des glaces et confiseries. Par contre 89% des eaux et 60 % des produits laitiers atteignent ce seuil.

Ces données ne concernent pas les produits pour nourrissons, les aliments pour animaux et les produits de la division santé, mais elles touchent la moitié des 72,7 milliards d’euros de revenus du groupe. Le document nomme des produits comme certaines pizzas dont une seule contient entre 40 et 48% de la dose journalière en sel ou une boisson orange de San Pellegrino avec un rating désastreux. 

Dans ce document le groupe reconnait que certaines de ses gammes de produits ne seront jamais saines quelle que soit la manière dont le groupe les reformule. Malgré des batteries de chercheurs, de laboratoires et de travaux de pointe sur les OGM, les résultats sont décevants.

Après des années de réticence, Nestlé avait récemment déclaré vouloir adopter les système français Nutriscore qui traduit la valeur nutritionnelle d’un produit en ces chiffes associés à une couleur. Son calcul repose également sur un algorithme à l’instar de l’australien.

Cherchez l’erreur

Tout ceci ne colle pas avec les belles phrases que l’on peut trouver dans le bilan 2019 du groupe, le dernier de disponible. En seconde page il annonce : « Qualité de l’alimentation et qualité de vie vont de pair. Ce que nous mangeons et buvons, et comment, est fondamental pour la santé et le bien-être. Nous créons des aliments sains et nutritifs pour un avenir plus heureux et en meilleure santé.

Nos engagements en faveur de la santé, la société et l’environnement orientent nos actions de manière à devenir une force au service du bien commun »

D’autres sentences toutes aussi romantiques suivent mais la réalité est ailleurs. La responsabilité du groupe face à l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, les  diabètes pour ne citer que les plus fréquents, est engagée, sans parler de publicité mensongère.

Des financiers là où il devrait y avoir des nutritionnistes

Lorsque l’on analyse les cv du personnel en charge du groupe que ce soit au niveau du comité consultatif, du conseil d’Administration on trouve soit des ingénieurs soit des diplômés de business school. Le CEO / administrateur délégué de Nestlé en est l’exemple type. Il a gagné 9.9 millions de FS en 2019 ce qui signifie un plus de 5.5 % par rapport à l’année précédente avec la part fixe de son salaire à 2.4 millions. Avec les contributions pour sa retraite et les cotisations de sécurité sociale, le total grimpe à 10.4 millions. La rémunération du président du conseil d’administration a diminué de 13.8 %.

A juger le montant des salaires, le pouvoir est bien chez les CEO / administrateur délégué qui est un ancien d’un groupe allemand de technologies appliquées à la construction. Comme beaucoup de membres des instances dirigeantes du groupe, ce financier préfère les marges financières aux qualités nutritionnelles. 

On est bien loin des préoccupations de bonne et saine nourriture qui devraient être à la pointe des stratégies du groupe. L’approche qui consiste à maximiser les « valeurs des actionnaires » au lieu de d’une qualité due aux clients ne rappelle-t-elle pas la gestion d’un groupe comme Boeing qui n’est plus dirigé par des ingénieurs mais des financiers avec les résultats que l’on connait. Un avion qui tombe se voit, des centaines de milliers de consommateurs victimes de la malbouffe ne font pas de bruit mais coûtent chers aux systèmes de santé des pays dans lesquels les produits de Nestlé sont distribués. Les responsabilités sont claires et on demanderait un peu plus d’éthique aux dirigeants de ce groupe.

Par Cadfael