Assise à sa grande table de travail, au beau milieu d’une multitude d’étoffes, Nathalie Aach nous attend avec le sourire. Depuis 15 ans, elle a repris le flambeau à la tête de Tapis Hertz, la maison familiale. Une évidence, ou presque : « Je suis née Grand Rue ! » plaisante-t-elle.
Mais si recevoir une entreprise est un cadeau, il faut beaucoup de travail pour faire perdurer une grande maison comme Tapis Hertz. Pour nous, elle évoque son quotidien de chef d’entreprise.
Reprendre l’entreprise familiale était-il une évidence ?
Non, pas vraiment. Je suis restée à Luxembourg jusqu’à ce que j’ai mon bac. Puis je me suis dit que reprendre la maison familiale était une belle perspective de carrière. Je suis alors partie à Paris pour faire BTS Action commerciale. Puis j’ai suivi des études d’architecte d’intérieur.
Votre parcours semble d’une simplicité évidente. N’avez-vous jamais eu à faire face à des difficultés ?
Je suis chanceuse, je reconnais. J’ai, bien sûr, rencontré des difficultés au cours de ma carrière, mais j’en ai fait des challenges, pour avancer. Ces derniers temps, je dois reconnaître que ça n’est pas évident tous les jours. Les travaux du tramway et les autres chantiers ont poussé les clients à déserter le centre-ville, à tel point que nous avons pris la décision de ne pas remplacer les départs en retraite. Et cela engendre une surcharge de travail. Mais je suis confiante, des jours meilleurs arriveront.
Travailler en famille : plaisir ou calvaire ?
Les deux (rires). Travailler avec ses parents n’est pas toujours facile. Cela ne fait que quatre ans qu’ils ont arrêté de travailler. Ils avaient 75 ans tout de même, il était temps pour eux de profiter, enfin, de leur retraite. Malgré tout, ils viennent chaque matin, entre 10h et midi pour prendre un café. Cela leur permet de garder toujours un pied dans la boutique.
Sont-ils fiers de vous et de ce que vous avez fait de leur entreprise ?
Oui, je pense ! Je suis audacieuse. Souvent, les gens me disent que c’est facile de reprendre une société, d’autant plus quand celle-ci est une entreprise familiale. Mais je ne me suis pas reposée sur mes acquis pour autant : j’ai ouvert la boutique de la Belle-Etoile, en 2013. Ils n’y étaient certes pas opposés, mais cela ne leur serait jamais venu à l’idée. Ils n’ont d’ailleurs découvert la boutique que le jour de l’inauguration.
Est-ce plus difficile de gérer une société quand on est une femme ?
Non je ne pense pas. De plus, chez nous, la parité est inversée : sur une équipe de 25, on compte 20 femmes et cinq hommes. C’est nous qui avons le pouvoir (rires) ! Sans plaisanter, cela ne m’a jamais empêché de quoi que ce soit. Après, je reconnais que le monde du tapis est un univers plutôt masculin. Parfois les fournisseurs sont surpris. Mais être une femme ne m’a jamais porté préjudice.
Un bon chef d’entreprise est-il forcément un bon manager ?
Non, mais il le devrait (sourire) ! Je reconnais que j’ai souvent trop la tête dans le guidon. En 2018, je me suis fixé pour objectif de prendre davantage de recul, afin de pouvoir réorienter la société et ainsi progresser. Mais en tant que chef d’entreprise, je ne veux pas rester dans ma tour d’ivoire, et, s’il faut se retrousser les manches, j’y vais. Je suis très présente au magasin et participe activement à toutes les tâches, comme n’importe quel membre de mon équipe. Il en va de même pour les ouvertures dominicales, ou les samedis : j’essaye d’être présente aussi souvent que possible et nécessaire.
Conjuguer vie personnelle et professionnelle est-il plus compliqué lorsque l’on est chef d’entreprise ?
À l’heure actuelle, je suis divorcée et mes enfants sont grands. Mais mon ex-mari était chef d’entreprise d’une boîte informatique et pouvait travailler de la maison. Cela lui permettait d’être disponible, et je ne pense pas que j’aurais pu m’investir autant dans cette société sans cette opportunité-là. Mais j’ai toujours veillé à rester présente, à être là pour mes enfants au réveil et le soir pour les coucher. Et tant qu’ils étaient au primaire, nous avons déjeuné tous les jours en famille, chez mes parents. C’est important de maintenir ces rituels.
Quelle est, selon vous, la clé de votre succès ?
Ne jamais abandonner et travailler encore et toujours. Et j’ai la mémoire sélective. Que ce soit pour ma vie privée ou professionnelle, je ne retiens que le meilleur. Cela permet d’avancer. À quoi bon ruminer et focaliser sur des échecs ? C’est contre-productif. Au contraire, il faut positiver et aller de l’avant !
Avez-vous des rituels ?
Je suis sportive. Je pratique une activité deux fois par semaine et tous les dimanches, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige – ou qu’il fasse beau, cela arrive parfois (rires) – nous partons en randonnée avec des amis. Ces moments sont essentiels pour me ressourcer.
Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent, comme vous, se lancer dans l’aventure entrepreunariale ?
Osez ! Et n’ayez pas peur de vous imposer, à petite dose et au bon moment.
Il faut du courage, mais cela vaut le coup.
Et si c’était à refaire ?
Je fonce, sans hésiter !