L’eurodéputée libérale Monica Semedo, suspendue 15 jours par le Parlement européen pour des faits de harcèlement moral, était sous la menace d’une exclusion du DP. Elle a pris les devants mardi 26 janvier en annonçant sa démission du parti. Ce dernier entend désormais récupérer son siège au Parlement européen.

Le 26 mai 2019, le « Tout Luxembourg politique » s’était donné rendez-vous à la Maison de l’Europe pour une soirée consacrée au scrutin européen tenu le jour même. Au fil des heures, personnalités et journalistes toujours plus nombreux désertaient le bâtiment pour envahir la rue du Marché aux Herbes, dans le centre historique de la capitale. Verre à la main, les uns et les autres commentaient les résultats dans un brouhaha croissant. La nuit était douce et déjà bien avancée quand le Premier ministre faisait son apparition, un sourire éclatant aux lèvres. Xavier Bettel avait de quoi exulter : le parti libéral venait de décrocher un deuxième siège de député européen au détriment du CSV. Cela n’était pas arrivé depuis quarante ans dans ce scrutin dominé depuis 1984 par les chrétiens-sociaux qui raflaient systématiquement trois sièges sur les six octroyés au Luxembourg.

Quand Monica Semedo arrivait à son tour, Xavier Bettel laissait éclater sa joie, serrant la toute nouvelle élue dans ses bras pendant de longues minutes. En réunissant plus de 50.000 suffrages sur son seul nom, l’ancienne animatrice de RTL télé Lëtzebuerg venait de conquérir haut la main son premier mandat et ce second siège pour le DP, l’autre revenant à l’inamovible Charles Goerens.

Fin de la lune de miel

Mais la lune de miel a été de courte durée : mardi 26 janvier, au soir, Monica Semedo a annoncé sur sa page Facebook qu’elle claquait la porte du DP. Depuis plusieurs jours, elle était sous la menace d’une exclusion du parti suite à sa suspension de 15 jours du Parlement européen. L’institution lui reproche des faits de harcèlement moral à l’encontre de ses trois assistants parlementaires qui ont démissionné les uns après les autres dès janvier 2020. S’appuyant sur un rapport d’enquête d’une centaine de page, la sanction a été publiquement annoncée le lundi 18 janvier par le président du parlement européen, David Sassoli, en début de séance plénière. Un fait rare et en tout cas sans précédent pour un eurodéputé luxembourgeois. Pendant deux semaines, l’élue de 37 ans est privée de participation aux débats et de ses indemnités.

A aucun moment, Monica Semedo n’a nié les faits. « Depuis le début de mon mandat et même avant, j’ai été très exigeante envers moi-même et mon équipe, ce qui a malheureusement créé des tensions insurmontables, ce que je regrette », reconnaissait-elle par communiqué le jour même de sa suspension. Disant accepté la sanction, elle a présenté ses excuses à ses anciens collaborateurs. Pour sa part, le DP a d’abord semblé soucieux de tourner rapidement la page, son secrétaire général, Claude Lamberty, déclarant dès le lendemain que l’affaire était « close » puisque Monica Semedo avait « reconnu ses erreurs ».

Virage à 180 degrés du DP

 Au micro de RTL, le président du CSV, Franck Engel, lui-même ancien député européen, s’est montré plus mordant, jugeant le 19 janvier qu’elle devait démissionner de son mandat. Une attaque de bonne guerre venant du principal parti d’opposition qui a vécu les dernières européennes comme un échec cinglant après la débâcle des législatives en 2018. Mais pour Monica Semedo, les coups les plus durs sont venus de son propre camp. Dans le message publié mardi soir sur sa page Facebook pour signifier son départ du DP, l’élue dit avoir perdu confiance dans un parti qu’elle affirme pourtant avoir voulu protéger. Autrement dit, elle se sent lâchée.

En une semaine, les libéraux ont en effet opéré un virage à 180 degrés. Dans une vidéo publiée sur le site internet du parti le lundi 25 janvier, la présidente du DP, Corinne Cahen, a fermement condamné « toute forme de harcèlement » qu’elle juge en désaccord avec l’action menée par le gouvernement. Dans la même vidéo, Claude Lamberty est revenu sur sa position initiale, invoquant « les valeurs » de sa formation tout en rappelant que « Monica Semedo est une personne humaine avant d’être une élue et qu’elle est la cible régulière de harcèlement raciste sur les réseaux sociaux ».

Cahen dégaine le « comité des sages »

Enfonçant le clou, Corinne Cahen a annoncé la convocation d’un « comité des sages » à qui il reviendra de statuer sur l’avenir de la parlementaire au sein du DP. La voie vers l’exclusion semblait toute tracée avant que l’eurodéputée ne prenne les devants pour s’éviter une nouvelle humiliation.

Ce mercredi 27 janvier, Corinne Cahen a repris la parole pour dire qu’il serait « normal que le DP récupère le siège » de Monica Semedo maintenant qu’elle a rendu la carte du parti qui l’a fait élire dans les rangs de Renew Europe, son groupe au Parlement européen. Un appel clair à l’abandon de son mandat. Cette décision, cependant, lui revient toute entière, personne ne pouvant la contraindre à lâcher un poste acquis au suffrage universel.

De son côté, Xavier Bettel semble gêné aux entournures et refuse pour l’instant de prendre publiquement position. Quoi qu’il en soit, pour Monica Semedo, les effusions de joie du 26 mai 2019 doivent sembler bien lointaines.

Texte par Fabien Grasser

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