Il est l’un des auteurs le plus fréquemment étudiés dans les collèges, avec Vendredi ou la Vie Sauvage, adaptation faite pour la jeunesse de l’un de ses long-seller – terme qu’il préférait, et de loin, à celui de best-seller – Vendredi ou les Limbes du Pacifique.

C’est à l’âge de 91 ans, chez lui à Choisel, que Michel Tournier, l’un des plus grands auteurs français de la seconde moitié du XXe siècle s’en est allé.

C’est sur le tard qu’il entre en littérature. Après avoir échoué à l’agrégation de philosophie. Il a 42 ans quand il publie Vendredi ou les Limbes du Pacifique. Trois ans plus tard, Le Roi des Aulnes reçoit le Goncourt. 36 ans se seront écoulés entre son premier roman, et le dernier – Je m’avance masqué. Période pendant laquelle il livrera notamment une réécriture, destinée à sa chère jeunesse de son Vendredi: Vendredi ou la vie sauvage, dans lequel il glorifie la nature opposée à la culture. Pourtant, son œuvre est tenue. Neuf ouvrages pour celui qui avoue n’«écrire que lorsqu’il a quelque chose à dire». Pied de nez aux auteurs prolifiques qui parleraient plus que de raison… Michel Tournier est en effet connu pour son verbe, parfois acerbe, comme lorsqu’il évoque le sujet de l’avortement, osant la douloureuse comparaison entre les avorteurs et ce qui s’était passé à Auschwitz…
Mais son franc-parler, on le retrouve aussi dans son rapport à la littérature, lui qui ne tenait «pas plus que cela» à être publié en Pléiade, car les livres sont justes destinés à être regardés. Lui, ce qu’il aimait, c’était les livres de poche, qu’il trouvait formidables. Et accessibles à la jeunesse. «La Pléiade, on la lit moins qu’on ne la met dans sa bibliothèque pour la regarder. En revanche, la collection de poche Folio, c’est ça que j’aime. Moi, je veux être lu par le plus grand nombre. Et surtout par les jeunes! Je n’en démords pas: le lecteur idéal a 12 ans. C’est pour lui que j’ai récrit Vendredi ou les Limbes du Pacifique, devenu Vendredi ou la Vie sauvage, dont il se vend toujours des dizaines de milliers d’exemplaires chaque année. Mon modèle, c’est La Fontaine. Etre simple, accessible, imagé aura été mon unique vanité d’écrivain.»

Une oeuvre modeste et grande

Son œuvre, modeste et grande à la fois, est et demeure à son image, sous laquelle se cache une grande érudition à laquelle aimait se frotter François Mitterand, au sujet de l’œuvre de Zola. Il y revisite les mythes, à l’instar de l’histoire de Castor et Pollux dans Les Météores, ou la figure de l’ogre, celle de Barbe-Bleue, dans Gilles et Jane, ou, dans le couronné Rois des Aulnes, (lauréat du Prix Goncourt, décerné à l’unanimité en 1970, ndlr.) dans lequel la barbarie nazie prend le visage de l’inquiétant personnage des contes de fées. A la fois classique, donc, mais tellement moderne. S’il ne peut être décemment rattaché au courant du nouveau roman qui lui est contemporain, on retrouve chez lui cette volonté évidente d’alléger ses récits, de leur ôter ce côté trop pesant du personnage qui absorbe toute l’histoire. En découle une prose limpide et fluide, dans laquelle les images abondent. Cette prose qu’il n’a eu de cesse d’apposer dans ses cahiers à spirales, qui constituaient son «journal extime» pour éviter toute tentation d’entrer dans l’intime…
Michel Tournier aimait avant tout écrire, et non la société des lettres. Il s’est éteint à l’écart, dans un ancien presbytère de Choisnel dans lequel il se plaisait à vivre. Lui survivra son œuvre pour notre salut. Puisqu’à «A nos cœurs malades par le temps, l’œuvre d’art apporte un peu d’éternité.»