L’univers rose poudré, forcément ultra Instagrammable, de Instance, le label créé par Maud Gérard, n’en est pas moins engagé. Traçabilité des tissus, production locale, souci du prix juste, la styliste messine d’origine et milanaise d’adoption, prouve que luxe, écoresponsabilité et désirabilité sont désormais fait pour rimer. Des pièces aussi désirables que délicates à retrouver lors du pop-up The Good Project, les 10 et 11 octobre prochain.

Racontez-nous l’histoire derrière Instance. 

Même si mes études n’étaient pas très orientées mode, ce secteur m’a toujours passionnée. J’adorais dessiner, avoir de beaux vêtements. Une fois ma licence d’économie en poche, j’ai effectué des stages, pourtant je ne me sentais pas épanouie dans cet univers. C’est à ce moment, en 2017, que l’idée de lancer ma propre entreprise est née. J’ai créé le site Internet en septembre 2018 avec cette volonté de proposer une marque qui conjugue la qualité du luxe, du savoir-faire transalpin avec un engagement éthique, des vêtement produits en petites quantités, fabriqués dans des ateliers que je puisse visiter régulièrement et qui utilisent de jolies matières. 

Comment parvenez-vous à concilier luxe et écoresponsabilité ? 

La mode éthique a pendant longtemps été cantonnée au cliché un peu « baba cool ». Pour moi, elle évoquait les sarouels et les tee-shirts en coton organique. Je ne trouvais rien qui collait à cette volonté d’allier engagement et désirabilité. J’ai donc commencé à imaginer des designs qui me plaisaient et j’ai ensuite regardé comment je pouvais valoriser le territoire local. Assez rapidement, j’ai pu constater que produire ici n’était pas si compliqué. Le processus s’est fait assez naturellement et rendre la marque plus éthique, n’a finalement pas été une contrainte.

Si elles le voulaient, toutes les marques pourraient s’y mettre, ou au moins améliorer leur mode de fonctionnement pour se diriger vers plus d’éthique, et ce, à tous les niveaux de la chaîne de production. 

Votre conscience éthique a-t-elle toujours été présente ? 

Notre génération est bien plus sensible aux thématiques liées au réchauffement climatique et à l’écologie, que celle de nos parents. J’y suis encore plus sensible depuis que j’ai commencé ma marque. Je donne également des conférences sur ces sujets à l’Institut Bocconi de Milan, où j’ai étudié.

En menant des recherches et des projets, nous ne pouvons que constater qu’il est aujourd’hui impossible de continuer à produire 300 collections par an, à fabriquer sans cesse de nouvelles pièces, à utiliser des matières extrêmement polluantes, et surtout nous ne pouvons plus continuer à produire de telles quantités qui ne seront jamais portés et qui, au mieux finiront sur un site de revente, au pire, dans une décharge. Je ne suis pas irréprochable, personne ne l’est, mais j’essaie de respecter ces engagements au quotidien.

https://www.instagram.com/p/CFpY7RGCfi9/

L’industrie de la mode est-elle réellement prête à s’engager sur ces problématiques ou cela ne va rester qu’un argument marketing ?

Il me semble que, depuis la crise sanitaire, beaucoup de grandes marques commencent à constater leur impact sur le monde. Je pense par exemple à Gucci qui s’est engagé à produire moins de collection, beaucoup de labels se retirent aussi du cycle des Fashion week et arrêtent la production de nouvelles collections à un rythme effréné. Petit à petit, cet engagement va devenir plus fort.

J’espère que ma génération, qui rentre aujourd’hui dans le monde du travail de manière plus active, va aussi être plus sensible à ces questions et essayer de les implanter dans les grandes entreprises. Le consommateur a un rôle important à jouer. Les marques doivent évidemment changer de comportement, mais le client a un impact fort. Plutôt que d’acheter dix blouses issues de la Fast-fashion, il peut faire le choix d’en acheter une seule chez Instance, qui durera dix ans, qui ne se démodera pas, ne bougera et aura un impact environnemental moindre. 

Votre marque est éthique à 90%. Avez-vous un label pour certifier cet engagement ? 

Pour l’instant, non, car la démarche est très couteuse. Cependant, l’atelier avec lequel je collabore est certifié « Made in Italie », et même sans certification, je m’y rends chaque semaine. Les conditions de travail sont excellentes.

Concernant les tissus, dans la mesure où je fournis dans des fins de séries, il est difficile de tracer l’origine du produit, mais je pars du principe qu’en me rendant dans ces entrepôts, je n’ai aucun impact environnemental supplémentaire. Mieux vaut fabriquer des vêtements avec ces invendus, plutôt qu’ils finissent brûlés comme c’est souvent le cas.

Pour les autres matières, tous mes fournisseurs sont certifiés Ecotex, un gage, par exemple, qu’aucune des teintures utilisées ne sont dangereuses pour l’environnement ou la santé des employés. 

https://www.instagram.com/p/CAvCghuCy02/

Vous avez grandi à Metz, êtes partie étudier aux Etats-Unis et résidez maintenant à Milan. Comment toutes ces expériences ont-elles façonné vos créations ? 

J’estime être très chanceuse d’avoir pu vivre dans différents pays, mais l’Italie a vraiment eu un impact sur la marque. Ce mélange entre l’idée que l’on a de la femme française et de la femme milanaise. Les Milanaises ont ce style beaucoup plus raffiné, le brushing parfait, pas un cheveux qui dépasse, les ongles parfaitement manucurés. En France, les femmes jouent davantage avec ce côté plus romantique, plus effortless. J’ai essayé de mêler ces deux aspects – le romantisme français et le glamour italien – au sein de mes collections. 

La blouse en soie est votre pièce signature. Pensez-vous élargir votre collection à d’autres modèles ? Utiliser d’autres matières ? 

Étant une petit marque, je devais me concentrer sur une catégorie de vêtement, pour construire l’image de la marque. Les blouses sont devenus l’ADN d’Instance. J’aime l’idée de porter une belle blouse avec un jean, pour avoir ce côté « habillé » sans se prendre au sérieux. Jusqu’à présent, je ne pratiquais que la vente en ligne, avec quelques pop-ups à côté. Prochainement, je vais commencer à vendre en magasin, ce qui va me permettre d’élargir ma gamme. Les prochains modèles seront plus imprimés. Je me suis associée à une entreprise située à côté de Milan, spécialisée dans les très beaux cotons, que l’on retrouvera sur certains modèles. Je dessine également des robes de mariés, de demoiselle d’honneur ou plus largement des robes de cérémonie. Développer le sur-mesure est une chose qui me plairait beaucoup. 

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Maud Gérard dans le numéro 216 de Femmes Magazine.

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