Depuis 15 ans, Marie-Paule Minchelli, directrice du studio et des collections d’ERES, enchaîne les saisons sans lasser, en jonglant entre l’esthétique intemporelle de l’emblématique maison et ses propres inspirations, nourries par la beauté du quotidien. Les pièces qui prennent vie dans son studio, aux designs élégants et aux lignes pures, glissent gracieusement sur toutes les silhouettes comme une seconde peau. En plus des collections de lingerie et maillots de bain, la créatrice a développé un vestiaire complet dont des robes qui peuvent se porter à la maison comme à la ville.
Quel est votre parcours professionnel ? Comment l’aventure ERES a-t-elle démarré ?
J’ai toujours aimé la mode et la décoration. C’était donc une évidence de travailler dans ce domaine. J’ai passé plusieurs concours et j’ai décidé d’intégrer l’École supérieure des arts et techniques de la mode (ESMOD) pendant trois ans. J’ai ensuite rejoint différentes maisons. J’ai passé 7 ans chez Chantal Thomass puis 10 ans chez Princesse Tam Tam. Il y a 15 ans, j’ai posé mes valises chez ERES. Comme vous pouvez le constater, je suis quelqu’un d’assez fidèle (rires).
Pourquoi avez-vous choisi l’univers de la lingerie et des maillots de bain ? Quel rapport entretenez-vous avec le monde de la mode ?
Je n’ai pas vraiment choisi cet univers, je dois avouer que je n’avais pas d’attirance particulière pour ces pièces à la base. C’est arrivé un peu par hasard. Lorsque j’étais chez Chantal Thomass, j’ai eu l’opportunité de découvrir les collections de lingerie en parallèle de mon travail autour des lignes de prêt-à-porter. J’ai ensuite poursuivi ce travail et cette vision chez Princesse Tam Tam qui souhaitait que j’intègre des codes mode propres au prêt-à-porter dans l’univers de la lingerie. C’est donc un concours de circonstances.
Est-ce qu’il y a des designers qui vous ont marquée dans votre construction ?
De nombreux créateurs sont inspirants, je pense immédiatement à Paul Poiret, Gabrielle Chanel ou encore Yves Saint Laurent. Avec leur propre style et vision, ils ont créé des marques emblématiques. Il y aussi Balenciaga, Hubert De Givenchy… Toute cette époque, qui a vu émerger de nombreux grands couturiers, m’a beaucoup marquée.
Qu’est-ce qui vous inspire au quotidien ?
Tout ce qui attire l’œil est inspirant : d’une affiche dans la rue à un plat dans un restaurant. Cela peut déclencher une envie ou une gamme de couleurs. Je puise également une bonne partie de mon inspiration dans les objets de décoration. Il y a une sorte d’harmonie entre tout ce que nous voyons au quotidien.
Pouvez-vous partager avec nous un processus de création typique pour une nouvelle collection de lingerie chez ERES, depuis l’idée initiale jusqu’au produit final en magasin ?
Cela dépend des saisons. Pour une prochaine collection estivale, je suis partie d’une ceinture vintage que j’ai trouvée aux puces. Ce fut l’élément déclencheur qui m’a amené vers des couleurs gaies, un esprit mexicain. Cette année, j’ai été inspirée par la fleur et je ne suis pas certaine de pouvoir expliquer pourquoi. J’avais envie de mettre en scène une variété de fleurs. J’ai travaillé en étroite collaboration avec une dessinatrice pour créer l’imprimé. Nous avons énormément échangé, j’avais en tête l’idée d’un herbier. Le projet arrive ensuite dans les mains des dentelliers. Je souhaitais également travailler autour du noir et blanc. À l’image d’un puzzle, je pose une pièce après l’autre pour qu’à la fin, elles puissent toutes s’imbriquer.
ERES est réputée pour son approche de la lingerie alliant confort et esthétique. Comment parvenez-vous à équilibrer ces deux aspects lors de la conception de nouvelles collections ?
Le choix des matières est essentiel pour être proches des corps. Elles doivent toujours être confortables, naturelles. Elles vont aider au processus du produit. L’équipe de développement et de modélistes s’attache à imaginer des pièces qui respectent ces matières premières et le millimètre. Nous essayons de lancer des collections toujours plus confortables, avec la même exigence, pour que nos clientes oublient presque qu’elles portent une de nos pièces. Notre gamme s’étend du 36 au 48. Les lignes imaginées par ERES s’adaptent à toutes les morphologies et à tous les corps. Nous mettons un point d’honneur à organiser des essayages de tous nos produits et de leurs déclinaisons de tailles, ce qui rend notre processus de développement assez long. Nous mettons 18 mois à faire une collection. Cela comprend le temps de développer les matières et l’ensemble des produits. Il ne faut pas oublier que créer une gamme de lingerie comprend certaines subtilités, il existe plusieurs déclinaisons d’une même taille lorsque vous intégrez tous les bonnets. C’est vraiment un travail au millimètre ce qui allonge nettement l’ensemble du processus.
Marque iconique depuis 1968, ERES a traversé les époques. Quelles sont, selon vous, les pièces les plus emblématiques de la maison ?
J’irais piocher dans les lignes de maillots de bain puisque la lingerie a commencé plus tard. Il y a notamment le modèle Aquarelle, qui ressemble à un petit justaucorps de danse, ou bien le Cassiopée.
Comment parvenez-vous à vous réinventer tout en respectant l’esthétique intemporelle de la marque ?
Il est essentiel de puiser dans les racines, dans l’ADN d’ERES. Il faut aussi être animé par la volonté de faire mieux, tout en s’attachant à faire évoluer les modèles. C’est le secret pour perdurer dans ce milieu. Il est vrai que nous essayons toujours de twister et d’amener la marque vers de nouveaux horizons, mais il ne faut jamais tourner le dos à l’esthétique intemporelle qui a permis à la griffe de traverser les époques. Nous sommes encore très proches de la vision créative de nos débuts, nos images d’archives en sont la preuve puisque les modèles qui prennent vie dessus sont encore actuels.
Justement, comment définiriez-vous l’ADN de la marque ?
Des lignes assez pures, un sens du détail affirmé et surtout cet accent mis sur le confort. Nos pièces ne sont jamais ostentatoires, elles s’adressent aux femmes pour sublimer leurs corps. Elles sont conçues exclusivement pour elles. Il n’y a pas de fioritures, ni d’ajouts d’éléments pour rendre les produits sensuels.
L’univers de la lingerie est un milieu très compétitif. Comment fait-on pour se démarquer parmi les nombreuses marques ?
ERES est une marque très différenciante, puisque nous proposons un vestiaire complet et audacieux. ERES, c’est aussi la couleur. Nous créons des pièces avec des dentelles exclusives, conçues en France. L’offre de profondeur de nos modèles fait aussi notre singularité. Nous nous adaptons à différentes morphologies dans toutes les gammes. Nous allons retrouver des soutiens-gorges qui vont être emboîtants, des triangles, des bustiers. De nombreuses formes sont proposées pour répondre aux besoins de notre clientèle. Il faut que la femme qui vient chez ERES puisse trouver son bonheur. La diversité des matières, la présence de bodies dans nos collections, la complémentarité de notre offre (qui va de la lingerie à l’homewear) nous démarquent. Il est possible de s’habiller du matin au soir en ERES, été comme hiver.
Quels conseils donneriez-vous à un créateur qui souhaite se lancer ?
De toujours croire en soi, de se remettre en question. La richesse des rencontres façonne un créateur. Il est donc essentiel d’être bien entouré et surtout d’adorer son travail !