Après avoir rencontré beaucoup de succès au théâtre en Allemagne, Marie Jung a choisi de laisser plus de place au cinéma dans sa vie, une forme de jeu qui fait écho à sa personnalité et sa sensibilité. Aujourd’hui, l’actrice luxembourgeoise s’illustre dans le nouveau film de Donato Rotunno Io sto bene. Produit au Grand-Duché par Tarantula, le film sera en salle à partir du 13 octobre. Rencontre avec Marie Jung qui nous parle de rencontres, de patrie et d’amour.

Marie Jung, vous jouez le rôle de Mady dans Io sto bene, racontez-nous qui est cette jeune femme ?

Mady est une jeune femme des années 70 qui vit au Luxembourg, issue d’une bonne famille assez aisée et qui a une certaine confiance en elle. Elle tombe amoureuse d’un Italien, Antonio, venu pour travailler. Il ne connaît pas du tout le « monde d’ici », par exemple, il ne sait pas qu’une femme sait conduire une voiture ou qu’elle peut choisir elle-même ce qu’elle veut ou ne veut pas.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de prendre part au projet de Donato Rotunno ?

Quand j’ai rencontré Donato, nous avons parlé pendant deux heures sans voir le temps passer. Nous avons parlé de musique, de relations humaines, d’amitié, d’amour, et on était d’accord sur des sujets de la vie. Personnellement, quand je travaille avec des gens, le plus important pour moi c’est de partager une vue humaine et artistique, que nous trouvions une fantaisie et un ton commun. Ça a été le cas quand il m’a présenté le projet, il y avait cette première connexion qui nous a rapprochés. Pour moi la réalité gagne toujours.

Il a raconté avoir écrit le personnage de Mady en pensant à vous pour l’incarner, ça a été facile pour vous de vous glisser dans sa peau ?

C’est vrai que le personnage de Mady est assez proche de moi, j’ai eu une approche assez rapide pour me mettre dans sa peau, mais ça n’était pas plus simple pour autant. J’ai pu avoir un bon dialogue avec mes partenaires, tout en restant moi-même. Comme actrice, je suis toujours moi-même, je ne peux pas mentir, je suis juste moi dans des situations différentes. Je ne peux pas jouer avec autre chose que ça, mon corps, ma tête et mon âme.

Comment s’est passée votre première rencontre avec Alessio Lapice qui joue votre compagnon à l’écran ?

Nous venons de deux univers assez différents, nous n’avons pas la même culture du cinéma ni le même background. Je viens du théâtre et du système allemand, lui vient d’Italie, il parle peu anglais, et nous devions devenir très proches très rapidement puisque nous formons un couple. C’était un peu bizarre au début, mais d’un côté, nos différences et nos origines nous ont aidés dans nos rôles, car c’est précisément la situation de Mady et Antonio lorsqu’ils se rencontrent. Ils se découvrent eux aussi.

Vous avez débuté votre carrière de comédienne par le théâtre, est-ce votre papa, André Jung, qui vous a donné le goût des planches ?

Mon papa était comédien au théâtre puis au cinéma, alors c’est certain que je viens de cette culture. En revanche, je ne voulais pas du tout faire la même chose que lui, car j’ai aussi vu les mauvais côtés du métier. Nos parents nous ont beaucoup préservées pour nous laisser faire nos propres choix avec ma sœur. Le déclic s’est fait plus tard vers 19 ans lorsque j’ai assisté à une de ses répétitions à Munich. Je suis rentrée chez moi et j’ai dit à ma mère, je vais devenir actrice. Trois mois plus tard, j’étais admise au Max Reinardt Seminar de Vienne après mon premier essai.

Comment fonctionne le système allemand d’où vous venez et que vous avez décidé de quitter ?

En Allemagne, nous avons de la chance lorsque l’on est « fixe dans un ensemble ». Cela veut dire que les comédiens travaillent dans un théâtre pour lequel ils sont salariés, avec un vrai salaire mensuel, une sécurité et une renommée si le théâtre fonctionne bien. C’est sécurisant, mais de l’autre côté nous avons peu de liberté, on ne peut pas participer à des tournages comme on le souhaite. Fin 2019, j’ai décidé de devenir freelance pour pouvoir faire plus de tournages. Je crois que faire du cinéma peut me rendre plus heureuse, et avec mon nouveau statut j’aimerais désormais en faire plus.

Que trouvez-vous dans le cinéma qui vous apporte plus que le théâtre ?

Personnellement, j’ai un trouble de la concentration (ADS). Je perçois tous les sons qui se trouvent autour de moi de manière égale, comme cette voiture qui passe pendant que nous parlons. Je dois sans cesse décider sur quoi me concentrer et la difficulté au théâtre est d’être constamment confronté avec les émotions et les énergies des collègues, car on passe beaucoup de temps ensemble pendant les semaines de répétitions. Au cinéma, il y a un peu cette idée de « time is money » (« le temps c’est de l’argent »), donc tout va plus vite, et j’arrive à me mettre dans une bulle. Quand la caméra est sur moi, je sais que c’est à moi de jouer et je ne me pose pas la question de savoir si je dois laisser la place à mes partenaires ou non.

Vous êtes particulièrement sensible à l’écriture des films et Donato Rotunno a décidé de parler d’amour, de rencontres entre générations et de migrations. En quoi ces sujets vous touchent ?

« D’où est-ce qu’on vient, où l’on va ? », cela devrait tous nous concerner et nous intéresser puisque chaque être humain est nomade. Pour ma part, la question de la patrie est un sujet depuis que j’ai 15 ans. Je suis une émigrante de Luxembourg, mais j’ai grandi en Suisse et c’est vrai qu’au début les gens ont ri de mon suisse allemand. Ils ont pointé du doigt mes différences. J’ai donc vécu cette situation d’être quelque part et de devoir m’adapter à une mentalité différente. Par ailleurs, les sujets abordés dans Io sto bene, les relations entre générations, le respect, l’amitié, l’amour, ce sont des sujets humains. Il s’agit toujours à un moment donné d’amour, il n’y a rien sans l’amour.

Carrière cinématographique de Marie Jung

  • 2021 : Capitani de Christophe Wagner
  • 2021 : Der Passfälscher de Maggie Peren
  • 2020 : Io sto bene de Donato Rotuno
  • 2017 : Rusty boys / Alte Jungs de Andy Bausch
  • 2016 : Egon Schiele: Tod und Mädchen de Dieter Berner
  • 2014 : Fieber de Elfi Mikesch
  • 2012 : Hannah Arendt de Margarethe von Trotta