Voilà plus de 20 ans – « la moitié de ma vie professionnelle ! » – que Marie-Hélène Massard travaille au sein du groupe AXA. En France d’abord, puis en Pologne et aujourd’hui au Luxembourg, dont elle est devenue la CEO en septembre 2012.
Son défi ? Faire grandir une nouvelle entité européenne de gestion patrimoniale au Grand-Duché : AXA Wealth Europe. Résolument, un tel parcours force l’admiration. Nous sommes allées à sa rencontre.
Le secteur des assurances et de la finance est réputé pour être masculin. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’aller dans cette voie ?
En réalité, je ne me suis jamais véritablement posé la question. Les choses se sont orchestrées de manière tout à fait naturelle. Après le baccalauréat, j’ai fait les classes préparatoires – hypokhâgne et khâgne – je ne me suis spécialisée que plus tard. J’y ai développé un goût pour l’économie, qui m’a amené à poursuivre dans cette voie, puis j’ai voulu approfondir la partie statistiques. A un moment, j’ai eu envie de rendre ces théories concrètes : c’est alors que je suis rentrée chez AXA, 14 mois durant, avant de reprendre mes études et de décrocher un double diplôme en statiques et en contrôle de gestion et systèmes d’information.
Vous avez effectué toute votre carrière au sein du groupe AXA. N’avez-vous pas d’envies d’ailleurs ?
Ce dont j’ai envie, c’est de pouvoir exercer mon esprit entrepreneurial dans un environnement marqué par la diversité. Et c’est ce qu’AXA m’apporte. J’ai en effet développé des projets pour cinq de ses sociétés, dans quatre branches d’activités différentes, et exercé successivement six métiers dans trois pays.
Le plafond de verre existe-t-il toujours ?
Je dois avouer que, pendant longtemps, je ne l’ai pas personnellement ressenti. J’ai eu la chance de collaborer avec des managers qui m’ont toujours permis de me développer, de progresser. Je ne me suis jamais sentie freinée. Mais il est vrai qu’il y a encore trop peu de femmes CEO dans notre groupe. Je vois cependant que nous progressons en particulier en préparant aujourd’hui les jeunes femmes à potentiel qui le souhaitent à exercer des fonctions de direction.
En quoi est-ce important pour vous d’adhérer à une structure comme la Fédération des Femmes Cheffes d’Entreprise à Luxembourg (FFCEL) ?
La FFCEL m’apporte un rééquilibrage nécessaire, car il est vrai que j’évolue dans un milieu à dominance masculine. Je trouve cela ressourçant de me retrouver avec des femmes, de par la qualité de nos échanges, la diversité des parcours que l’on peut y côtoyer, l’écoute. Et plus encore l’énergie qu’elles dégagent, leur volonté d’entreprendre, leur courage. C’est très enrichissant, cela me nourrit.
Une fédération qui ne regroupe que des femmes : n’est-ce pas clivant ?
Il existe des clubs masculins depuis la nuit de temps, pourquoi nous poser la question dès lors qu’il s’agit de femmes (rires) ! Plus sérieusement, la FFCEL est ouverte à la diversité, à l’image de la présidente, Christiane Wickler, qui s’investit dans de nombreux projets allant dans ce sens, comme le think tank Equilibre.
Plus largement, je pense surtout que de nos jours, les femmes ont réussi à trouver leur place, car elles ont appris à s’adapter aux règles d’un monde masculin. Notre enjeu pour les années à venir est de changer cela et d’établir et fixer des règles mixtes.
Être une femme a-t-il été un frein ?
Je ne l’ai pas vécu ainsi. De nos jours, on parle de plus en plus de l’équilibre homme / femme. Avec l’attention accordée aux questions de diversité, de parité, je reconnais que cela peut d’ailleurs même être parfois un atout.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre entreprise ?
Oh, je les ai oubliées parce que je finis toujours par trouver une solution (rires) !Peut-être la difficulté de parvenir à trouver un équilibre au quotidien. Les femmes ont envie de se réaliser sur tous les tableaux. C’est délicat de trouver une juste mesure entre un travail passionnant, dans lequel on s’investit à 200% et sa vie personnelle : fonder une famille, avoir une vie sociale, réussir à trouver du temps pour soi.
Quels sont vos principaux succès ? Et à quoi sont-ils dus ?
Même si nos objectifs sont avant tout business, au final, ce sont toujours les aventures humaines qui subsistent. Je travaille dans un métier de service, l’humain est donc au cœur de mon métier. Le développement des collaborateurs avec lesquels j’ai évolué au cours de ma carrière, avoir pu les challenger pour qu’ils se développent, leur donner l’opportunité de se réaliser et d’en être fier, est sans doute mon plus beau succès. J’aime le travail d’équipe, le fait de pouvoir, ensemble, aller plus loin que ce que l’on espérait au départ.
Quels sont vos challenges aujourd’hui ?
A court terme, j’aimerais continuer à faire grandir AXA Wealth Europe, qui n’a pas encore un an, ainsi que poursuivre la modernisation d’AXA Luxembourg. Ensuite, trouver de nouveaux défis à relever, dans lesquels j’aurai envie de m’investir.
Où puisez-vous votre force ?
Sans aucun doute dans mes relations avec les autres. Plus que toute autre chose, j’aime le contact, travailler en équipe, créer des synergies à partir de la diversité des profils et des points de vue.
Avez-vous des rituels ?
Avec mon agenda, c’est assez difficile. Longtemps, j’ai tenu à conduire mon fils à l’école. C’était notre moment privilégié. A présent, il est trop grand pour que sa maman ne l’y emmène (rires) !
Y a-t-il une personne qui vous inspire, avez-vous un modèle ?
Il n’y a pas une seule personne, mais plusieurs. Les personnes que j’admire sont celles qui ont des rêves, l’envie de toujours se dépasser. Celles qui font preuve de résilience, rebondissent et progressent malgré leurs difficultés. J’aime lire des biographies, j’y trouve toujours une source d’inspiration.
Quel conseil donneriez-vous aux femmes qui souhaitent, comme vous, embrasser une grande carrière ?
Faites-vous plaisir ! Quand on a une vie professionnelle intense, il est impératif d’y trouver une source de bonheur et de satisfaction. Ne pas se limiter aussi, les femmes se fixent trop de carcans. Tout est possible, il suffit de trouver l’environnement adéquat pour mener à bien son projet. Mais je suis confiante : à l’avenir, je crois que de plus en plus de sociétés comprendront, que pour réussir, il faut donner aux femmes l’occasion de s’épanouir et de faire de belles carrières.