La dictature de la minceur est-elle sur le déclin? Michael Kors est l’un des premiers grands noms de la mode à avoir osé faire défiler mercredi une mannequin ronde, l’une des plus en vue du moment, Ashley Graham.
Pour la présentation automne-hiver du créateur new-yorkais à la Fashion Week, Ashley Graham, qui s’habille en taille 48, était vêtue d’un blouson de fourrure gris sur une robe noire fendue au genou, soulignée d’une épaisse ceinture noire. Elle défilait juste avant la célèbre top-model Bella Hadid, suivie en fin de défilée par une autre star du monde des podiums, Kendall Jenner.
La mannequin “plus-size” américaine, 28 ans, suivie par plus de 3 millions d’abonnés sur Instagram, avait déjà défrayé la chronique l’an dernier en étant la première femme enrobée à figurer dans le célèbre numéro spécial maillots de bain (“Swimsuit Issue”) du magazine Sports Illustrated. Elle figure aussi avec d’autres mannequins en couverture du magazine Vogue daté de mars.
Michael Kors, 57 ans, habitué en plus de 30 ans de carrière à une clientèle de célébrités – l’actrice Blake Lively ou la grande prêtresse de la mode Anna Wintour étaient aux premières loges de son défilé mercredi – semble donc avoir évolué depuis la Fashion Week de septembre.
Franchir le cap du haut de gamme
Il avait alors expliqué à USA Today que même si ses tenues étaient déjà disponibles à la vente dans de grandes tailles, inclure des mannequins toutes en rondeur sur ses podiums lui était impossible pour des raisons logistiques.
Dans un pays comme les Etats-Unis, où beaucoup de femmes portent de grandes tailles, les mannequins qui font du 44 ou plus ont davantage de travail qu’en Europe et de nombreuses marques de très grand public ont depuis longtemps adapté leur collection: c’est le cas du géant suédois H&M, qui avait fait présenter en 2013 une collection de maillots de bain par une autre célèbre mannequin grande taille, Jennie Runk.
Mais reste à franchir le cap du haut de gamme, resté pour l’instant imperméable à cette forme de démocratisation. Le geste très symbolique de Michael Kors – les autres mannequins qu’il a fait défiler mercredi, femmes et hommes, étaient dans la finesse réglementaire – pourraient en pousser d’autres à franchir le pas.
Ashley Graham s’est ainsi fait connaître en posant notamment pour la lingerie de la marque Lane Bryant. La dernière collection de cette marque était signée Prabal Gurung – autre grand nom de la mode à s’engager pour les formes voluptueuses.
Blocage en Europe
Les premières réactions à l’innovation de Michael Kors étaient positives sur Twitter, comme une certaine Sarah Tripp (@sarahktripp), de San Francisco, qui commentait: “je ne pourrais pas être plus fière de voir ma taille représentée à la Fashion Week”.
En Europe, et en France en particulier, le blocage culturel semble néanmoins plus difficile à surmonter. “Pour Paris, capitale de la mode, du luxe, c’est une question d’image, personne n’a envie de voir une Parisienne avec des formes. Dans la tête des gens, à l’étranger, c’est Inès de la Fressange, c’est Coco Chanel, et les formes, ça ne colle pas”, expliquait en 2015 la mannequin grande taille française Clémentine Desseaux.
Et personne n’a oublié le verdict du très culte Karl Lagerfeld, prononcé en 2013: “Personne n’a envie de voir des femmes rondes sur les podiums. Ce sont des grosses bonnes femmes assises avec leur paquet de chips devant la télévision qui disent que les mannequins sont hideux. La mode, c’est le rêve et l’illusion”.
Taille mise à part, Michael Kors a innové dans un autre domaine mercredi: son défilé incluait la mannequin de 43 ans, Amber Valetta, et était pour la première fois retransmis en direct sur Twitter.
Au rythme du tube Sweet dreams d’Eurythmics – version pour ensemble à cordes, dirigé par Michel Gaubert – manteaux et blousons de fourrure (renard, lapin), ensembles unicolores d’inspiration militaire pour les garçons, robes scintillantes noires ou dorées se sont succédés jusqu’à la robe noire pailletée, sans bretelles, de Kendall Jenner.
Michael Kors s’attend visiblement à un hiver plus froid que celui qu’a connu New York cette année: les matières chaudes et confortables dominaient comme la laine, la fourrure, ou la peau de mouton, avec des coupes souvent bien longues.