Forte de son expérience à Paris, Karine Vilret a ouvert son propre cabinet à Luxembourg en 2000. Avocate spécialisée dans le secteur des assurances, ses valeurs sont l’engagement et l’humain. 

Après 15 ans d’expérience «avec une grande liberté», elle vient de rejoindre le cabinet Kleyr Grasso. Nous l’avons rencontrée.

Avez-vous toujours voulu être avocate?

Oui, j’ai toujours voulu être avocate. J’étais déterminée, j’avais envie de défendre des causes, des gens. J’ai fait mes études à Paris, avant de venir m’établir, ici, à Luxembourg en 1998. J’avais 30 ans.

C’est à ce moment que vous avez monté votre cabinet?

Il n’y avait pas d’équivalence à mon diplôme français, j’ai dû donc repasser l’examen. J’avais déjà suivi neuf années d’études, un diplôme de plus ou de moins, ce n’est pas ça qui allait m’effrayer (rires)! Et puis, c’était impensable pour moi d’exercer ici sans apprendre le droit luxembourgeois. Ne serait-ce que pour avoir une crédibilité professionnelle. J’avais aussi envie de prouver ce dont j’étais capable.

Monter ma société était aussi un projet motivé par une vision. Je voulais exercer mon métier d’avocate à ma façon, avec une grande liberté. J’avais appris aux côtés de très grands avocats, à Paris, et j’en ai pris le meilleur. Je choisis les causes que je vais défendre, les dossiers. Cette liberté me tient à cœur, et est intrinsèque à ma personnalité d’ailleurs. Je suis tenace, j’aime gagner, mais pas à n’importe quel prix. Je serais incapable de défendre une cause, une société en laquelle je ne crois pas. Je suis très engagée.

Avez-vous été bien accueillie?

Très bien! Le Barreau m’a beaucoup aidée. A l’époque, nous étions encore très peu d‘avocats français à venir au Grand-Duché. Tout s’est passé en bonne collaboration. Je me suis installée avec une clientèle ciblée: les assurances. C’était un créneau encore inédit au Luxembourg, et commercialement intéressant pour les entreprises du pays. J’ai véritablement apporté une valeur ajoutée en plus du conseil de proximité. Cela a été ma force.

Être une femme a-t-il été un handicap?

Oui, mais pas de la manière dont on peut le penser. Dans mes études et les premières années de ma vie professionnelle, être une femme était un atout. On ne me voyait pas venir (sourire)! En revanche, en tant que cheffe d’entreprise, c’est source de bien des difficultés. On est très seules. Pourquoi les femmes réussissent moins bien que les hommes? Tout simplement parce rien n’est prévu pour les aider. Les femmes doivent tout gérer de front: les enfants, la maison, leur job, leur famille. Ça n’est pas un cliché. Il faut être partout, et avoir une sacrée dose d’énergie pour réussir. Ou avoir suffisamment de moyens pour pallier aux insuffisances de l’état, mais ce n’est pas mon cas.

En France, le collectif «Paye ta robe» dénonce le sexisme dans le milieu des avocats. Y avez-vous été confrontée?

Honnêtement non. Le regard de mes confrères a toujours été respectueux. J’ai pu constater un grand respect de la femme, ici, au Luxembourg. Je ne suis pas dans la mouvance féministe, et je pense qu’à part quelques exceptions, les hommes n’écrasent pas tant les femmes. C’est la pression sociale qui est à mettre en cause. Les femmes sont trop occupées, par trop de tâches différentes.

Aussi, j’ai pour principe de ne pas remettre sur les autres mes propres défaillances. Aussi, si les femmes subissent des remarques désagréables, c’est à elles de réagir. C’est à nous de prendre notre place, et de nous faire respecter autant qu’un homme.

Quel est votre plus beau succès?

Ma fille! C’est une très belle personne.

Va-t-elle suivre votre voie?

Elle est âgée de 16 ans et demi et elle y pense depuis plusieurs années déjà.

Votre prochain challenge?

Je viens de fusionner avec un cabinet (le cabinet Kleyr Grasso, ndlr.) et j’y développe un département dédié aux assurances. Voilà un projet qui me fait avancer, d’autant que nous sommes sur la même longueur d’onde. Cette collaboration est naturelle, quasi instinctive. C’est important. Dans le passé, j’ai eu des expériences qui n’ont pas été concluantes. Il faut aller de l’avant, et prendre des risques. C’est à ce prix que l’on progresse.

Avez-vous des conseils à donner aux femmes?

Non, c’est présomptueux de se placer en conseilleur. Je dirais juste qu’il faut croire en soi, travailler, pour s’épanouir, mais pas à n’importe quel prix. Ne jamais oublier qui l’on est, et respecter l’autre. Il faut toujours essayer d’avancer de manière éthique et responsable, pour ainsi, pouvoir apporter une petite pierre à l’édifice, même si ce n’est pas la voie la plus facile.