Avec 64 932 euros annuels, le Luxembourg possède le salaire brut moyen le plus élevé de l’Union européenne. Exprimé en pouvoir d’achat, l’écart se réduit avec les autres pays, relativise toutefois le Statec dans une étude parue mercredi 2 juin. L’institut national de statistiques observe aussi une grande disparité de revenus au Luxembourg même, alors que le taux de risque de pauvreté augmente d’année en année.

On gagne mieux dans la banque que dans la restauration ; les diplômés du supérieur sont les mieux rémunérés ; le coût de la vie est plus élevé au Luxembourg qu’en Bulgarie: ces évidences relevant presque du cliché se vérifient de point en point dans une étude publiée par le Statec mercredi 2 juin. L’analyse s’appuie sur la dernière enquête européenne sur les salaires montrant qu’avec 64 932 euros, le Luxembourg affiche le salaire brut moyen annuel le plus élevé dans l’Union européenne. Cela représente 182% de la moyenne européenne, loin devant la Bulgarie dont le salaire brut moyen annuel de 8 147 euros ne représente que 23% de la moyenne et relègue le pays en dernière place parmi les 27. Dans l’absolu, un salarié au Luxembourg gagne huit fois plus qu’il ne gagne en Bulgarie. 

Ce niveau élevé des salaires s’explique par la part importante occupée par les secteurs de la finance et de l’assurance (13% de l’emploi salarié) ainsi que par les activités spécialisées, scientifiques et techniques (9%). « Ces deux branches emploient donc à elles seules 22% des salariés, contre seulement 8% en Belgique, 9% en Allemagne et 11% en France. Or il s’agit de deux des trois branches les mieux rémunérées et occupant principalement des diplômés du supérieur. L’impact sur le salaire moyen en est donc très important », déduit le Statec qui multiplie les comparaisons avec les trois pays voisins du Grand-Duché. Particularité luxembourgeoise, les primes et bonus représentent 15% du salaire contre seulement 8% en moyenne pour l’UE.

Le niveau élevé des salaires luxembourgeois doit cependant être relativisé, affirme l’institut national de statistiques car « le pouvoir d’achat d’un euro n’est pas le même dans les différents États membres ». Exprimé en SPA (standard de pouvoir d’achat), le salaire moyen au Luxembourg ne représente plus que 145% de celui de l’UE alors que le salaire moyen en Bulgarie en représente 45%. « L’écart entre le Luxembourg et la Bulgarie se réduit dès lors à un rapport de 3 à 1 », remarquent les statisticiens.

Mieux payés en Belgique

Ce constat se vérifie avec tous les Etats membres de l’UE. Mais en dépit de cette pondération, le niveau de vie des salariés au Grand-Duché demeure le plus élevé parmi les 27. Pour démontrer malgré tout que les Luxembourgeois ne sont pas nécessairement les mieux lotis, le Statec affine ses comparaisons en se basant sur le salaire horaire moyen plus élevé dans certaines régions européennes comme l’Île-de-France ou Hambourg, mais aussi hors UE avec par exemple Londres. Ces villes offrent des emplois hautement qualifiés à forte rémunération et leur sociologie professionnelle orientée vers le tertiaire est parfois proche de celle du Luxembourg. Mais cela ne dit rien des considérables écarts salariaux entre ces villes et les « régions périphériques » des pays où elles sont situées. Le vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni ou le mouvement des gilets jaunes en France ont notamment prospéré sur ces disparités. 

Si du fait de sa taille géographique réduite, les inégalités salariales d’une région à l’autre sont moins significatives au Luxembourg, elles y sont en revanche marquées entre secteurs d’activité. Et réservent parfois des surprises en comparaison avec les pays voisins: ainsi, par rapport au Luxembourg, rémunération et niveau de vie des salariés belges sont plus importants dans les secteurs de l’Horeca, du commerce ou de la construction. Dans cette dernière branche, les salaires moyens au Luxembourg sont « relativement bas », note l’étude alors qu’il représente 11% de l’emploi salarié au Luxembourg, un chiffre élevé au vu de l’UE où la construction n’emploie en moyenne que 5% des salariés. A l’inverse, l’industrie n’accapare que 10% des salariés au Luxembourg contre 22% dans l’UE, un chiffre grimpant à 24% chez le voisin allemand où les salariés du secteur sont également mieux payés qu’au Grand-Duché. 

La pauvreté en forte augmentation

En raison de ces écarts, « la distribution des salaires est relativement plus inégale au Luxembourg » que dans le reste de l’UE, convient le Statec qui relève que « 17 Etats membres présentent une distribution plus égalitaire ». « Les inégalités sociales s’accroissent au Luxembourg », déplore pour sa part Caritas dans un document sur la pauvreté énergétique publié en février dernier. Un quart « des ménages déclaraient avoir des difficultés à joindre les deux bouts » en 2019 s’alarme l’ONG catholique. 

Entre 2011 et aujourd’hui, le taux de risque de pauvreté est passé de 13,5% de la population à 17,8%. Cette progression, parmi les plus fortes parmi les 27, place désormais le Luxembourg au-dessus de la moyenne européenne (16,5%) quant au risque de pauvreté.

C’est peut-être d’abord au regard de ces inégalités que le montant du salaire moyen luxembourgeois doit être nuancé: ce n’est pas parce que l’on travaille au Luxembourg que l’on dispose forcément d’un niveau de vie élevé. Tout dépend de l’emploi et du secteur dans lequel on travaille. Cela est d’autant plus vrai que certains postes de dépenses sont devenus démesurés, les prix astronomiques de l’immobilier illustrant cette équation devenue insoluble pour une majorité de la population. Vu ainsi, le Luxembourg est loin de la première marche du podium.

Fabien Grasser