Depuis 2014 l’Ukraine se retrouve sur la ligne de séparation des eaux entre une conception démocratique pro-occidentale et celle, reconstruisant un « centralisme démocratique » à la soviétique, sur les anciennes frontières d’un empire déchu. Le tsar Poutine n’a-t-il pas décrit en 2005 la chute de l’Union soviétique comme « une tragédie authentique », « la plus grande catastrophe géopolitique du siècle ».

Par Cadfael

2014 : le viol du droit international

Sur les 603.550 km2 que compte l’Ukraine, un peu plus de 7% sont occupés depuis 2014 par la Russie : la Crimée et une partie du Donbass. La population russophone constitue environ 17 % des 44 millions d’habitants. Ses frontières communes avec sept pays, dont quatre membres de l’OTAN, la transforment en une zone sensible de première importance.

Suite à cette invasion, les sanctions internationales touchent durement le Kremlin, mais ne freinent pas ses ambitions. Elles ont ralenti la croissance économique de la Russie à un 0.3 % annuel. Le produit national brut a chuté de 35 % depuis 2013. Le revenu personnel disponible des citoyens russes a baissé de plus 10%, ce qui explique en partie la perte de popularité de Poutine. Étant un des gros exportateurs mondiaux de pétrole et de gaz ainsi que d’aluminium et d’acier, le modèle économique russe qui est fortement dépendant des marchés internationaux est mis à mal.

À cela il faut rajouter des sanctions touchant des oligarques proches du Kremlin. Le régime a un besoin vital de ceux-ci pour assurer le fonctionnement des zones grises de son économie. Selon les correspondants de la BBC, avec la montée des tensions, les États-Unis envisageraient de mettre Poutine lui-même sur la liste noire et d’instaurer un contrôle strict des exportations russes.

Une grosse agitation militaire

Actuellement Moscou stationne quelque 150.000 hommes de troupe et du matériel à  la frontière avec l’Ukraine et serait en train de développer une approche, en vue d’installer un homme de paille à Kiev, une vieille recette utilisée lors de la guerre froide pour calmer les états satellites du pacte de Varsovie. Ce mardi des manœuvres russes impliquant 6000 hommes ont débuté en Crimée et à la frontière avec l’Ukraine.

Afin de rendre une attaque sur Kiev la plus onéreuse possible pour Moscou, les États-Unis et l’OTAN se montrent fermes et semblent pour une fois sur la même longueur d’onde.

L’OTAN renforce sa présence militaire auprès des pays les plus menacés. L’Espagne envoie deux navires vers la Mer Noire et des avions de chasse en Bulgarie, les Pays-Bas font de même. La France, selon des analystes militaires enverrait un bataillon en Roumanie au grand agacement de Poutine qui, vendredi dernier, exigeait le retrait des forces de l’OTAN de ces pays. Les états baltes dépêchent des systèmes de missiles antiaériens et antichars en Ukraine. Les livraisons d’armement américain vers Kiev s’accélèrent. Londres et Washington forment des forces spéciales ukrainiennes et, mais également grecques. Ce lundi l’OTAN et les États-Unis entament des manœuvres maritimes (avec porte-avions) en Méditerranée. Selon la « Neue Zürcher Zeitung » la Russie débutera de grandes manœuvres maritimes en Méditerranée et dans l’Atlantique. L’escalade continue, mais le dialogue n’est pas rompu, on négocie à Genève et à Paris. Ce mardi les États-Unis annonçaient une mise en alerte de 8500 hommes afin de pouvoir les déployer en Europe de l’Est.

La Suède qui n’est pas officiellement membre de l’OTAN renforce sa présence militaire sur l’île de Gotland. L’île représente une base d’appui en pleine mer baltique à 330 km de l’enclave russe hypermilitarisée de Kaliningrad, port de la flotte russe de la baltique. Les Suédois dénoncent une activité maritime russe renforcée. Depuis ce mardi, la marine russe a entamé de larges manœuvres en mer baltique.

Des conséquences pour les économies européennes ?

À vol d’oiseau la distance de Kiev a Luxembourg est de 1738 kilomètres, à peu de chose près identique a celle qui sépare Luxembourg de Lisbonne.

Selon Baron’s site financier par excellence, si le niveau de sanctions promis par les États-Unis et l’OTAN se renforce, les tensions qui se dessinent à l’horizon impacteront nos économies. Deux menaces majeures émergent : celle d’un boycott ou un arrêt du gaz russe qui représente entre 35 et 40% des besoins européens et impacte déjà les prix de l’énergie du fait de la non-ouverture de Nord Stream 2. Une seconde sanction est loin de faire l’unanimité : l’exclusion des entités russes de la messagerie financière SWIFT qui est utilisée par quelque 11.000 institutions financières à travers le monde. Elle garantit un transfert rapide et sécurisé de fonds.  Cela constituerait une barrière lourde à tout échange financier avec la Russie qui est le premier exportateur mondial de blé, l’Ukraine venant en troisième position. Quatre producteurs majeurs exportent leur blé via les ports de la Mer Noire : L’Ukraine, la Russie, le Kazakhstan et la Roumanie. Un risque géopolitique majeur plane sur les approvisionnements et sur les prix d’un des produits alimentaires de base.

À toutes fins utiles, Moscou a notifié qu’il renforçait son soutien militaire au Venezuela, à Cuba et au Nicaragua. Poutine aura-t-il été trop loin dans son jeu et que fera-t-il pour ne pas perdre la face ? 

Et au final, quel est le prix de la démocratie que les gouvernements occidentaux sont prêts à payer ?