À 24 ans, Louise Aubery multiplie les casquettes de jeune diplômée en sciences politiques, de cheffe d’entreprise, de journaliste ou encore d’influenceuse. Elle est la maman d’une marque de lingerie inclusive baptisée Je ne sais quoi et du podcast InPower. Connue sur Instagram sous le nom de @MyBetterSelf, elle est aussi la grande sœur de milliers de Sis’ comme elle aime les appeler et avec qui elle parle sans tabous de poids, de food pas forcément healthy, de sport sans contraintes, de diversité des corps, mais surtout de liberté et d’acceptation de soi. Dans son agenda de working girl overbookée, la jeune créatrice engagée nous a accordé quelques minutes inspirantes.

PHOTOGRAPHIE : NICOLAS STAJIC

En 2019, alors que vous êtes étudiante à Science Po Paris, vous vous lancez dans l’entrepreneuriat et imaginez une marque de lingerie, qu’est-ce qui vous a motivé ?

Ce qui m’a décidé à créer ma marque c’est la démarche entrepreneuriale qui est de répondre à un besoin que j’ai rapidement identifié. Au départ, je me censurais souvent en me disant que je n’étais pas du milieu de la mode, mais à force de ne pas trouver ce que je cherchais l’évidence a été de le créer moi-même.

Qu’est-ce que vous ne trouviez pas ?

Je suis partie d’un postulat très personnel qui était ma difficulté à trouver des sous-vêtements qui soient à la fois confortables et esthétiques. Je trouve aussi qu’il y a un grand problème de discrimination en France au niveau de la lingerie, que ce soit en matière de taille ou de représentation des corps. J’ai donc voulu créer des sous-vêtements qui ne sacrifient ni le confort, ni l’éthique, ni l’esthétique et encore moins l’inclusivité.

Votre ligne de lingerie s’appelle « Je ne sais quoi », qu’est-ce que cela signifie ?

Je trouvais que ça représentait bien la singularité de chaque femme que nous souhaitions célébrer, ce « je ne sais quoi » qui nous rend uniques. Il fait aussi écho au savoir-faire à la Française que je désirais mettre en avant, c’est un mot compréhensible que chacun peut s’approprier. Pour la petite anecdote, beaucoup de gens pensaient qu’il s’agissait du nom secret du projet avant son lancement. Ça aurait pu être une idée, mais je ne suis pas particulièrement stratège, j’ai juste tout partagé de A à Z avec mes abonnés.

Pourquoi était-ce essentiel justement de partager chaque étape du développement de votre marque avec vos abonnés ?

Comme je voulais répondre à un besoin, ça ne faisait pas sens de le faire seule dans mon coin. J’avais besoin de me confronter à la réalité et aux consommatrices pour comprendre leurs attentes. Alors, nous avons fait beaucoup de réunions pour les essayages pour savoir si elles voulaient des agrafes, des réglets aux bretelles ou d’autres détails auxquels je devais réfléchir avec ma communauté.

J’ai donc voulu créer des sous-vêtements qui ne sacrifient ni le confort, ni l’éthique, ni l’esthétique et encore moins l’inclusivité.”

À travers Je ne sais quoi, vous vouliez célébrer les femmes dans toute leur diversité, comment fait-on une marque de lingerie inclusive ?

Mon objectif c’est que les femmes n’aient plus à subir leurs sous-vêtements. On s’inflige quelque chose qui devrait être un plaisir. C’est pourquoi nous utilisons une matière près du corps, fluide et qui ne bride pas. Au-delà de ça, la célébration de la diversité passe par le fait de ne pas retoucher les photos, et de shooter des filles de la vraie vie. Nos tailles vont du 34 au 52 et du 75A au 110F et nous voulons montrer ces morphologies-là pour que toutes les femmes se reconnaissent dans nos égéries.

D’ailleurs, vous n’utilisez pas de tailles classiques sur vos étiquettes, mais des adjectifs valorisants. Comment s’y retrouver ?

Je me suis rendu compte qu’il y avait un conflit entre les femmes et les tailles numériques sur l’étiquette. Cela les pousse parfois à être trop serrées dans leurs vêtements et sous-vêtements parce qu’il y a une barrière mentale à passer à la taille supérieure. Nous avons réfléchi avec ma communauté pour renommer le système de taille, car je trouvais dommage d’être réduite à des chiffres. C’est comme ça que nous avons choisi des adjectifs comme « exquise » (XS) ou « magnifique » (M), etc. Les filles adorent recevoir un ensemble où il est écrit « lumineuse » à la place de 40.

Côté éthique, comment êtes-vous parvenue à créer une marque respectueuse de l’environnement malgré toute la difficulté que cela implique ?

C’est l’aspect le plus dur de ce qu’on fait. Nous ne nous rendions pas compte à quel point le choix est réduit quand on ne souhaite pas utiliser du polyester, qui est en fait du plastique, ou de la viscose qui est toxique pour l’environnement et pour les personnes qui la créent. J’ai dû faire beaucoup de recherches auprès des fournisseurs pour trouver de nouvelles matières responsables. Par exemple, nous utilisons de l’EVO® pour la collection Signature, c’est de l’huile de ricin qu’on transforme en tissu et elle ne génère aucun déchet. Nous ne voulons pas faire de concession sur ce point et aucune collection qui ne soit faite à partir de matériaux durables ou dans le respect des travailleurs ne sort.

“Le secteur de la lingerie n’a pas toujours été bon pour le moral, au contraire.”

En résumé, Je ne sais quoi serait bon pour le corps, bon pour la planète et surtout bon pour le moral ?

Honnêtement j’espère, c’est l’ambition. Le secteur de la lingerie n’a pas toujours été bon pour le moral, au contraire. On a pas mal de « Sis » qui nous expliquent leur parcours du combattant pour trouver des sous-vêtements, ce n’est pas normal.

Vous êtes très active sur les réseaux sociaux où vous partagez des moments sans filtres avec vos quelques 500 000 abonnés, et diffusez un message de confiance et d’acceptation de soi dans la mouvance du « body positive ». Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Pour être spécifique, je me revendique plutôt du courant de la « body neutrality », ce qui veut dire ne plus placer autant d’importance sur le corps. Au début j’ai commencé à parler de « body positive », mais je me suis vite dit ‘ok, montrer des corps normaux avec de la cellulite, ça fait du bien, mais ça centre beaucoup trop le regard sur le corps alors que moi je veux dire aux femmes qu’elles sont bien plus que cela’. Bien sûr on montre des corps en faisant des sous-vêtements, mais l’idée c’est de leur donner du pouvoir et de libérer ce corps qui a été très objectifié par le regard masculin.

Si votre voix à une portée sur les réseaux sociaux, que diriez-vous à une jeune fille mal dans sa peau à cause d’un idéal « Instagram » qu’elle ne peut atteindre ?

Je lui dirais que la perfection n’existe pas et que ça ne la rendra jamais heureuse de la rechercher. J’ai gagné confiance en moi et en mon corps au moment où j’ai arrêté de chercher à ressembler à un idéal. J’ai commencé à m’accomplir en tant que personne quand j’ai réalisé que ma confiance en moi ne viendrait pas d’un reflet dans le miroir, car on n’est jamais assez satisfait de soi-même.

Justement, à 24 ans, vous avez déjà accompli de grandes choses, mais où trouvez-vous le temps de gérer une entreprise, des études, un podcast, des réseaux, et de prendre soin de vous ?

Pendant longtemps je n’ai pas pris soin de moi, ce serait mentir que de le dire. Je comprends aujourd’hui que j’avais ce besoin de m’accomplir, j’étais nourrie par le travail et mes projets. J’ai fait cela pendant 3 ans, et seulement depuis quelques mois que je ralentis, car ce n’est pas tenable. Aussi, je remets en question la notion de réussite telle que la société nous la vend, parce qu’à quoi bon réussir si c’est pour s’oublier soi-même. Je suis en train de rééquilibrer ça. L’accomplissement m’a aidé à gagner confiance en moi, mais je comprends aujourd’hui cela ne définit pas ma valeur.