En novembre de l’année dernière et en cinq jours le tsunami « ChatGPT » de la société Open AI » dépassait le million d’utilisateurs. Aujourd’hui il en compte plus de 100 millions et le site web génère 1.8 milliards de visites mensuelles. Ce raz de marée sera-t-il gérable ?
Par Cadfael
Une révolution maitrisable ? Pas si sûr
« Un aspect curieux de la théorie de l’évolution est que chacun pense qu’il la comprend. » Cette citation est réapparue dans les analyses récentes sur l’intelligence artificielle (IA). Elle date de 1974 et provient du prix Nobel Jacques Monod. Le patron de la Cybersécurité américaine vient de déclarer : « l’IA est l’arme la plus puissante de notre temps » point sur lequel les armées du monde entier sont pour une fois d’accord en investissant des milliards dans la réalisation d’engins de défense (ou d’attaque) basées sur l’IA.
« Goldman Sachs / Economics Research » publiait le 26 mars dernier une analyse détaillée des effets de l’IA sur l’emploi et la croissance : elle pourrait impacter 300 millions de jobs à plein temps sur la planète ce qui provoquerait une « perturbation significative » du marché de l’emploi tant en Europe qu’aux Etats-Unis et en Chine. 25 % des emplois aux Etats-Unis seraient automatisables dont 45% des emplois administratifs et 44% dans le juridique. Ceux à dominante physique, comme dans la construction ou dans la maintenance seraient largement immunisés. Certains domaines de la médecine sont exposés comme la radiologie où des « robots » seront au moins aussi performants sinon meilleurs en interprétation que les humains.
Les auteurs prévoient l’émergence de nouvelles formes d’emploi, alliée à une solide poussée de la productivité, le tout avec un coût social très élevé. Selon des études citées par « Forbes » des dizaines millions de travailleurs au Japon, Allemagne, Brésil et ailleurs devront recevoir de nouvelles formations afin de pouvoir survivre sur un marché du travail où la robotique et les technologies dérivées détermineront les critères d’employabilité. « Forbes » constate que les mégalopoles les plus sophistiquées de la planète ne sont pas préparées à de telles mutations économiques et sociales. Jack Dorsey le fondateur de Twitter et de Square juge que l’IA écrira bientôt ses propres programmes. Il est convaincu que les jobs de programmeurs juniors vont disparaitre. Ces quarante dernières années, l’automatisation a été le premier ressort des inégalités sociales aux Etats-Unis.
La démocratie à risque
« DALL E » un autre produit d’« OPEN AI » qui permet de générer des images plus vraies que nature en quelques secondes, compte actuellement 30 millions d’utilisateurs. Les risques d’interventions à l’aide d’IA dans les mécanismes des démocraties deviennent de plus en plus probables lorsqu’on se souvient du scandale Cambridge Analytics et de son influence sur l’élection de Trump, sur le Brexit ou des interférences russes. Selon le « Democracy Index » de l’« Economist intelligence unit» seulement 45,3% de la population de la planète vivait dans une démocratie en 2022 ! Le patron d’« Open AI » a d’ailleurs clairement exprimé le besoin urgent d’un cadre légal devant le Senat américain.
Le parlement européen tente timidement d’encadrer le phénomène mais sa démarche ne va pas assez loin selon les groupes de défense des droits de l’homme. L’IA ne semble actuellement guère préoccuper les parlements nationaux. Le 22 mars dernier la fondation « Future for Life Institute », qui s’est donnée comme mission de piloter les technologies transformatives vers une utilisation vertueuse en créant des garde-fous face aux risques extrêmes qu’elles représentaient, publiait une pétition qui à ce jour a collecté plus de 27 500 signatures de sommités du monde de l’IA, des affaires et de la société civile. Ils demandent un moratoire de 6 mois en matière d’apprentissages de systèmes d’IA plus puissants que ceux développés par Open AI. En attendant la compétition entre Google et Microsoft fait rage, ces derniers ayant décidé de faire tourner leur logiciel de recherche BING et son browser Edge dans une IA de prochaine génération.