Texte : Cadfael
Photo : Fage / Instagram
Fage est devenu le synonyme d’un échec retentissant pour les deux parties en cause, d’un coté pour les sociétés de production de yaourts dont le siège est à Strassen depuis 2012 et de l’autre pour le gouvernement luxembourgeois.
Chronique d’une mort annoncée
Située entre Bettembourg et Dudelange, l’usine devait permettre la création d’une centaine d’emplois afin de produire 80 000 tonnes de yaourt par an, en plus d’un investissement à hauteur de 100 millions d’euros. Le projet à peine lancé, les polémiques émergent. Elles couvrent tout le spectre du projet, de l’acquisition des terrains aux aspects environnementaux. Une institutrice, députée des verts commencera à mettre en doute le projet, qui pendant quatre longues années de négociations va aboutir à…. rien. Les grecs de Fage renoncent. La polémique politicienne continue.
Dans un tout autre registre il y a le projet hôtelier «Suneo Park». Celui-ci prévoit la construction d’un village de vacances autour des deux lacs, un investissement de 50 millions d’euros, avec 50 emplois à la clé. Cette fois la ministre de l’environnement est favorable au projet, en revanche, les habitants du coin sont contres. Les travaux étaient même censés démarrer mi-septembre, selon le Wort. Le gouvernement en particulier, le parti des verts, aura-t-il le courage d’aller jusqu’au bout, quitte aller contre des vœux des habitants, l’écologie ayant une forte composante populiste.
Un aménagement du territoire dans le flou. On peut se poser de nombreuses questions sur la politique industrielle du Luxembourg et sur les règles qui président à l’élaboration de l’aménagement du territoire. Notre économie, plutôt mono-dépendante, a un gros besoin de revitaliser l’économie réelle dans un modèle qui s’essouffle. Le programme de coalition 2018-2023 parle de nouvelles technologies, finances… mais il est très peu loquace sur des secteurs non financiers tels que l’artisanat, le commerce, même l’industrie qui pourtant dispose d’un groupe de pression bien introduit.
L’actuelle classe politique est fascinée par les finances et les nouvelles technologies mais semble avoir peur de l’économie réelle, celle qui est apte à créeer des emplois tant à des entrepreneurs qu’à des jeunes qui ne sont pas des surdiplômés.
Trop de commerce tue le commerce
Arroser le pays de centres commerciaux à défaut d’avoir une politique globale au service d’une volonté de croissance économique n’est pas la voie vers une croissance pérenne. Comme le signalait RTL.lu le 13 janvier de cette année : en 2016 Luxembourg dépassait la barre des un millions de mètres carrés en commerce. Avec les dernières livraisons, on atteint 1,2 million de mètres carrés, ce qui place le Grand-Duché en tête des pays européens pour les surfaces commerciales par habitant.
L’affaire Fage laisse un goût amer qui montre un gouvernement distant par rapport une politique d’implantation d’activités industrielles, artisanales et de services. Aucun leadership de croissance ne semble prévaloir et on pourrait penser que chaque parti semble suivre ses propres desseins. À ce jeu, la notion d’emploi surtout pour les jeunes reste sur le terrain.
On sent des capacités de blocage et il n’émerge pas une réelle dynamique de compromis au service du pays. À force de vouloir faire plaisir à tout le monde, on se retrouve prisonnier d’un immobilisme pénalisant. Pour les théoriciens du parti des verts, on a l’impression qu’une politique de croissance consiste en grand Lego dans lequel il faut placer le plus possible de briques vertes et la saupoudrer de sauce à la Rifkin dans l’attente d’un mythique avenir de neutralité climatique qu’ils situent en 2050. Les co- présidents des verts aiment des concepts comme transition industrielle, crise climatique et environnementale ou moteur de l’innovation.
On notera que l’impact du numérique et des nouvelles technologies sur l’environnement est loin d’être négligeable :
A tire d’exemple, selon l’organisation Carbon Literacy Project, un e-mail standard génère environ 4 grammes de CO2 ; avec une pièce jointe volumineuse, il produit jusqu’à 50 g de CO2. Envoyer une photo de vacances de 1 Mo à dix amis équivaut ainsi à parcourir 500 mètres en voiture.
Clarifier les règles
Espérons que les leçons seront rapidement tirées des derniers déboires en matière d’implantation d’activités. La voie passera probablement par une simplification et une clarification des règles administratives. Nos voisins sont plus pragmatiques. Ils offrent terrains et espaces modulables et flexibles en quantité, plus subventions. Ils ont reconnu surtout en cette période où des difficultés économiques et sociales se profilent à l’horizon, la nécessité de créer des emplois, mêmes si ceux-ci ne correspondent pas au modèle idéal que nous recherchons à Luxembourg. Pour faire une omelette il faut casser de oeufs, mêmes bios.