Le printemps est sans conteste la saison horlogère par excellence, notamment parce que c’est au début de celle-ci qu’a lieu la grand-messe du secteur à Genève, à savoir l’incontournable salon Watches and Wonders. Là, dans un ballet électrique d’aficionados et sous l’éclat des bracelets en or et des pierres précieuses sertissant les cadrans les plus chic, le temps se meut en un véritable bijou au poignet d’une femme multiple, mais qui sait ce qu’elle aime et veut : une montre, non, une déclaration, oui…
Rédaction : Fabien Rodrigues / Photo ci-dessus : Jaeger-LeCoultre
Que l’on s’y connaisse comme personne où que l’on soit un véritable novice en la matière, il est difficile de ne pas succomber d’intérêt pour la haute horlogerie sur un événement aussi prestigieux et mené à la baguette précise de l’organisation genevoise que Watches and Wonders. On pourrait s’imaginer une ambiance très masculine, voire macho pour un secteur traditionnellement associé à l’homme, mais que nenni : les femmes ont bel et bien leur place à part entière dans cette industrie qui sait bizarrement bien, parfois, se jouer des codes sociaux traditionnels pour évoluer comme il se doit avec son temps.
Cependant, si la plupart de ces messieurs vont regarder de très près aux complications et fonctionnalités techniques les plus sophistiquées – lors de l’événement, mais aussi tout au long de leur carrière de passionnés de tocantes – les modèles féminins gardent parfois la simplicité exquise du beau. Ainsi, si la montre donne naturellement toujours l’heure, elle se meut volontiers en un bijou d’exception, à la croisée de l’horlogerie et de la joaillerie. Un statut qui peut paraître superficiel – le beau se suffisant souvent à soi-même, mais qui peut aussi porter un message, mettre en lumière un savoir-faire précieux ou encore transmettre les valeurs séculaires d’une Maison horlogère – et même combiner tout cela…
Le pouvoir des fleurs
Le parfait exemple de ce mariage vertueux pourrait bien se trouver dans la série Reverso One Precious Flowers de l’iconique Maison Jaeger-LeCoultre. On ne présente plus le modèle phare de la marque, la Reverso, créée en 1931 et qui s’est imposée – jusqu’aujourd’hui encore – comme la quintessence du design Art déco. Née sur les terrains de polo, elle a été déclinée au féminin avant même son premier anniversaire. Alliant esthétique et fonctionnalité avec un raffinement extrême doublé d’un certain sens pratique, la montre présentait alors un fond de boîte en métal vierge qui invitait son ou sa propriétaire à la personnalisation, initialement avec un message gravé ou un motif laqué. Depuis, Jaeger-LeCoultre a exploré et développé les options créatives offertes par cette face cachée, laissant toute latitude à l’expression des arts décoratifs.
Et c’est plus que jamais le cas avec cette édition Precious Flowers – printemps oblige – de la Reverso One, aux proportions plus fines et plus allongées. Ici les codes de la Haute Horlogerie, de l’artisanat d’art et de la Haute Joaillerie s’entrechoquent pour insuffler à la collection des couleurs vibrantes et un niveau de sophistication inédit pour deux modèles : Green Arums et Purple Arums.
Pour le premier, ce sont trois techniques artistiques différentes qui ont été patiemment réunies et orchestrées pour lui donner vie. À lui seul, l’émaillage Grand Feu champlevé a nécessité quinze heures d’un travail méticuleux. Les fleurs et le feuillage sont ensuite enveloppés d’un total de 409 diamants pour un total de 2,59 carats, en serti neige et grain, délicatement et adroitement positionnés pendant 45 heures. L’étonnant camaïeu d’émaux Grand Feu champlevé, violet, rose et vert de la version Purple Arums représente, quant à lui, un total de 30 heures de labeur. Le motif floral ainsi que les diamants qui l’accompagnent se prolongent harmonieusement du fond de la boîte jusqu’à sa lunette en passant par ses profils convexes, des courbes et des angles qui ajoutent à la complexité de la tâche des artisans. Ainsi, l’étape du serti neige et grain des 637 pierres (2,12 carats) a nécessité pas moins de 95 heures supplémentaires de travail. Véritables concentrés du savoir-faire horloger, artistique et joaillier de la Manufacture, ces Reverso One inédites « rendent hommage aux femmes qui continuent d’inspirer Jaeger-LeCoultre », confie la Maison suisse.
Si des Maisons prestigieuses, mais plus niches comme Van Cleef & Arpels ont fait de la fleur joaillère une spécialité de leurs collections horlogères, on retrouve aussi des approches florales très bijou du côté de griffes plus connues du public comme Dior en cette nouvelle saison, notamment avec le modèle Dior Grand Bal Florale lancé en mars dernier. Lancée pour la première fois en 2012, la collection Dior Grand Bal rend hommage à la passion de Christian Dior pour les bals somptueux et l’élégance des robes de haute couture – et de ce qui les accessoirise avec panache, évidemment. Chaque montre est ornée de matériaux rares et de pierres précieuses éclatantes, réinterprétant la finesse d’une robe de soirée à travers un jeu de design fascinant, transformant le modèle en un bijou unique…
Le nouveau modèle Grand Bal Broderie Florale élève cet art à un niveau supérieur. Son poids oscillant, féminin et précieux, en or blanc et en platine, adopte la forme délicate d’un filet de couture, illustrant un travail d’orfèvre d’une précision exceptionnelle. Sertie de diamants et de saphirs roses, cette pièce horlogère brille d’un éclat unique et féminin et montre avec ses motifs floraux – symboles chers à Monsieur Dior – de quoi est capable la Maison lorsqu’on parle de sophistication et de références intemporelles…
Quitter le poignet
Mais la montre ne se cantonne plus aux poignets des dames, surtout lorsqu’elle souhaite savamment, intentionnellement se faire bijou. Et c’est une des spécialités de la Maison Chanel, qui a une fois de plus impressionné par son audace lors du salon de Genève – c’était en tout cas le nôtre ! Là, le temps court sur tout le corps ou presque, des doigts de la main au décolleté… On retrouve ainsi la montre dans une version pendentif secret avec le modèle Kiss Me, en amulette Protect Me, ou encore en sautoir avec le superbe modèle Mademoiselle Privé Bouton Camélia. Au doigt, elle prend la forme de la bague montre Toi&Moi « Le Lion de Mademoiselle », un bijou précieux limité à…cinq exemplaires !
Reprenant les codes de la beauté Chanel et élevée au rang de bijou, la palette Les 4 Ombres se retrouve, elle, transfigurée en précieux talisman Give Me Luck qui donne l’heure. En onyx rappelant le boîtier noir brillant du fard, la montre Talisman offre un double visage : de face, elle arbore un quatuor de cabochons de rubellite cerise de 37 carats et cinq tourmalines roses dont l’ordonnancement rappelle le motif byzantin cher à Gabrielle Chanel. Pile, un tour d’heure en or jaune pavé de diamants inscrit un rond dans le carré d’onyx… Une dualité aux multiples facettes qu’Arnaud Chastaingt, Directeur du Studio de Création Horlogerie, a choisi de projeter dans l’horlogerie : « Le vocabulaire esthétique des créations de la beauté Chanel est fascinant et graphiquement très inspirant. J’aime l’élégance autoritaire de ces objets, leur architecture sophistiquée. Il y a une dimension esthétique de l’ordre de la composition artistique dans ces créations… »
Enfin, le temps se fait joueur et clin d’œil à une icône absolue en devenant la montre sautoir Coco Tailleur Noir, modèle espiègle et chicissime que l’on pourrait voir porté par des générations très différentes d’amoureuses de la mode…
Face à face avec le temps, et l’avenir
Enfin, s’il est une Maison qui a su faire du temps de véritables œuvres d’art, c’est bien Cartier. Une preuve irréfutable : son incontournable Panthère, élément à nouveau central de réflexion et de créativité à l’orée de cette nouvelle saison horlogère. « L’excellence et la virtuosité des talents de la Maison composent une alchimie singulière. Grâce à eux, au contact de la panthère, la matière se métamorphose et donne vie à des créations spectaculaires », confie la direction de Cartier à l’occasion du salon Watches and Wonders, alors que passe sous nos yeux une nouvelle itération de la montre joaillère Panthère Bangle en or gris…
Entre horlogerie et joaillerie, cette création conjugue des éléments ancrés dans l’histoire stylistique de Cartier. D’abord il y a une panthère en trois dimensions, prête à bondir ; ensuite, un bracelet dit « toi&moi », qui met en scène d’un côté le félin emblématique de la Maison et de l’autre une montre délicate. En or jaune ou gris, sertie ou non, cette architecture singulière révèle un travail de sculpture d’un grand réalisme : corps bondissant, muscles fuselés, détails des oreilles et de la truffe et, sous les pattes, la délicatesse des coussinets minutieusement reproduits : un face-à-face sauvage avec le temps indéniable, autant qu’exceptionnel.
Mais l’accession joaillère de la montre Cartier se retrouve aussi dans une nouvelle collection Tressage, qui – s’il traduit la confiance de la marque en l’avenir – s’inspire de la beauté du passé et de bijoux précieux « tressés », créés notamment dans les années 50. Sur ces modèles qui valident le statut de « magicien du temps » dont se targue Cartier, deux torsades d’or et de diamants cernent un cadran rectangulaire pavé de diamants sertis neige. D’un côté, la rondeur de l’or jaune lisse alternant avec les pavages de diamants ; de l’autre la radicalité du trait net des brancards verticaux. Le bracelet en cuir brillant poursuit ce jeu de matières et de reliefs pour une approche joaillère sûre d’elle. À travers ces créations où le rond s’oppose à la ligne, le lisse au fin relief du pavage, Cartier rend ainsi hommage à l’héritage de Jeanne Toussaint, première femme directrice de la création chez Cartier dès 1933.
« Si Tressage est l’illustration parfaite du savoir-faire joaillier Cartier en horlogerie, il ne s’agit pas d’un simple bijou qui donne l’heure. Pour cette création, nous avons exagéré et amplifié les attributs classiques d’une montre. En surdimensionnant et en étirant les brancards, nous avons dessiné en volume une torsade voluptueuse.
Sans bangle ni bracelet en cuir, Tressage continue d’explorer ce territoire atypique et unique si cher à Cartier de montres d’un 3e genre, véritable fusion entre l’horlogerie et la joaillerie », conclut Marie-Laure Cérède, Directrice Création Joaillerie et Horlogerie de la Maison. Le temps, comme le bijou, est décidément bien précieux…
Article initialement publié dans le Femmes Magazine numéro 266 de mai 2025.