Jeudi 15 décembre, 18h30, nous nous rendons au Place d’Armes pour y rencontrer le chausseur le plus iconique de ces dix dernières années. Sa signature? Des semelles écarlates, accessoire ô combien sexy et objet de toutes les convoitises. Il inaugure ce soir son premier magasin à Luxembourg. L’effervescence règne sur la ville. Et nombreux sont les fans à l’attendre dans la boutique pendant que nous papotons. Christian Louboutin, dieu vivant?

Peut-être pas, mais presque, tant ses créations ont contribué à créer un mythe autour de son univers. Et pourtant, loin de s’enfermer dans sa tour d’ivoire, le chausseur s’est prêté au jeu des questions – réponses en toute complicité.

Vous venez d’écrire un conte de Noël qui évoque l’histoire d’un cordonnier en quête de fortune. Vous identifiez-vous à ce personnage?

 

Ce récit m’a été inspiré par ma dernière création, le Shoepeaks, une pochette en forme de pierre précieuse. Sa sortie coïncidait avec le moment où nous travaillions sur les nouvelles vitrines pour les fêtes. Au studio, nous nous sommes alors fait la réflexion que ce serait vraiment une bonne idée d’écrire une histoire pour accompagner cette campagne. Noël est une période toujours charmante. Et puis, à dessiner des souliers et des sacs, n’y décelez-vous pas, vous, un petit côté Cendrillon?

Justement, aujourd’hui, on célèbre le 50e anniversaire de la mort de Walt Disney. L’esprit Christian Louboutin, c’est la pantoufle de vair de Cendrillon ou Gepetto, le cordonnier de Pinocchio ?

C’est Gepetto qui rêve de Cendrillon! Les deux sont vraiment intimement liés.

La magie de Noël vous inspire-t-elle particulièrement?

En fait, cela dépend du pays dans lequel je me trouve. La magie de Noël est associée au froid, à la neige, à la montagne. Je suis Français, cela fait donc partie de mon patrimoine. Je l’associe aux couleurs rouge, vert et blanc. Pourtant, si je suis à l’étranger, sous le soleil, en Asie ou au Brésil, étrangement, ce folklore ne me manque pas. Je ne suis pas attaché aux fêtes en particulier… Halloween, les anniversaires…

Vous avez pourtant la réputation d’être très proche de votre famille…

Je le suis. Autant la famille est importante pour moi, autant j’aime l’idée des «sans famille». D’ailleurs, de 16 à 20 ans, avec Olivia, ma meilleure amie, nos organisions des réveillons pour nos copains qui étaient seuls à cette période de l’année. Nous avions même un rituel: chacun apportait un cadeau et ensuite nous faisions une grande loterie. C’était rigolo. Puis, s’ils ne nous plaisaient pas, nous pouvions nous les échanger. Aujourd’hui, j’éprouve encore de la nostalgie en repensant à ces moments.

Les femmes de votre vie portent-elles des Louboutin?

Evidemment! Mes sœurs sont, depuis la première heure, mes plus grandes fans. Je n’ai jamais besoin de chercher trop loin pour leur faire plaisir (sourire).

Avoir grandi choyé par vos sœurs et votre mère explique-t-il votre destinée?

Sans aucun doute. Je viens d’une famille dans laquelle le pouvoir était du côté des femmes. Mon père n’était pas toujours présent, au contraire de ma mère. Et j’ai quatre sœurs. Cela fait une énorme différence, bien sûr. Être issu d’une famille matriarcale m’a amené à mieux comprendre leur univers.

Que regardez-vous en premier chez une demoiselle? Ses pieds?

Non, et justement, c’est même devenu un petit jeu pour moi. J’observe, d’abord chez les femmes que je rencontre, leur voix, leur attitude, leur charme, leurs manières… J’essaye ensuite de deviner ce qu’elles portent aux pieds. Enfin, seulement, je regarde. J’avoue, je ne me trompe rarement (sourire).

Le choix des souliers est-il révélateur de la personnalité?

Pour les personnes qui y sont sensibles, comme moi, oui, bien sûr. Les chaussures sont très importantes car elles subliment le langage du corps. Un sac reste un accessoire. Les souliers, quant à eux, impacte sur la démarche, modifie la silhouette.

Un très haut talon est-il plus sexy qu’un soulier décolleté?

L’un ne va pas sans l’autre. C’est surtout une question – subtile – de proportions. Certaines hauteurs vont nécessiter un décolleté plus échancré que d’autres.

Pour être glamour, pensez-vous que le décolleté de la chaussure doit laisser entrevoir la naissance des orteils?

Cette partie du corps possède le même pouvoir érotique que le creux des seins ou la chute des reins. C’est important de laisser entrevoir suffisamment de peau, sans trop en dévoiler. Rester dans la suggestion, la sensualité. Nombreuses sont les femmes à ne pas oser ou à trouver cela indécent.

La tendance actuelle est aux sneakers. Vous approuvez ou vous déplorez?

J’approuve! J’aime toutes les formes de chaussures sauf les sabots. Je déteste leur musique, le son qu’ils émettent quand ils rencontrent le sol. Chaque talon a un son qui lui est propre. Celui du sabot m’évoque plus un cheval qu’une élégante dame (rires)!

Les souliers sont-ils un héritage que l’on se transmet?

Non, je les perçois comme un coup de cœur. Je les associe à un moment.

Quel est le plus beau compliment que vous ayez reçu à propos de vos souliers?

Laissez-moi vous raconter cette belle rencontre. Nous sommes dans les années 90, une jeune fille en Louboutin croise un garçon dans la rue. Subjugué, il se retourne sur elle. Il décide alors de lui courir après et l’interpelle: «Mademoiselle, vos semelles sont rouges!» Ils commencent alors à bavarder… et de cette rencontre est née une belle histoire d’amour. Plus tard, il lui a révélé qu’il n’aurait jamais osé l’aborder sans ce flash écarlate! Avoir rendu cette idylle possible et avoir ainsi contribuer à rendre des gens heureux… voilà le plus beau compliment que j’ai pu recevoir.

Vous venez de lancer une ligne beauté : rouge à lèvres, vernis et parfum. Quel est le fil rouge avec l’univers des souliers?

Tous sont des artifices destinés à rendre les femmes encore plus sexy. Toutes mes créations visent à susciter le désir, à faire jaillir la petite flamme dans le regard de leurs amoureux.

Les fragrances Christian Louboutin affichent des prix en moyenne deux fois plus élevés que les parfums de luxe ‘classiques’. Comment expliquez-vous cet écart?

La confusion tient du fait que beaucoup pensaient que mes créations étaient des eaux de parfums, alors qu’il s’agit de parfum. La concentration plus forte justifie cette différence de prix. Cette polémique a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre dans la presse.

Votre boutique est ouverte depuis près de six mois. Êtes-vous content d’avoir une adresse au Grand-Duché?

Je suis très heureux! Et j’apprécie d’autant plus qu’elle est située, en plein cœur de la rue Philippe II, au milieu de nombreuses maisons de luxe, comme à Bruxelles, d’ailleurs (la boutique belge est située dans le quartier du Sablon, ndlr.).

Quelles différences remarquez-vous entre la Luxembourgeoise et la Parisienne?

Ici, les femmes marchent davantage et cela se répercute sur la hauteur de leurs talons. Elles vont opter pour du plat en journée et garder les stilletos pour le soir. C’est difficile de trottiner sur 13 centimètres tout au long de la journée.

Toutes les femmes savent-elle marcher avec des talons?

Absolument. Je n’ai jamais rencontré de femmes qui aiment porter des souliers hauts et qui ne sachent pas marcher avec. Si elle en a vraiment le désir, et même si cela est périlleux dans un premier temps, elle parviendra toujours à déambuler avec grâce.