Par Cadfael

Le locataire du Kremlin entrera dans le Panthéon des grands criminels, aux côtés de Hitler, Staline et les autres dictateurs que l’Histoire retiendra pour leur folie meurtrière, leurs ambitions démesurées et le mépris des valeurs humaines. L’agression de l’Ukraine, après le coup de force sur la Crimée, correspond à l’implémentation d’une vision stratégique clairement exprimée depuis deux décennies.

Une Eurasie ouverte de Lisbonne à Vladivostok

Medvedev, président et Premier ministre russe par alternance, suivant les ordres de Poutine, a publié le 5 avril sur Telegram un message pour le moins clair : « L’objectif est la paix pour des générations ukrainiennes futures et l’opportunité de finalement établir une Eurasie ouverte de Lisbonne à Vladivostok ». Ce texte est explicite sur « la création d’une zone de libre-échange qui commencera en Russie et se terminera au point le plus occidental de l’Europe. La démilitarisation et dénazification de l’Ukraine constituent une base essentielle. Cette transformation complexe ne se fera pas en une seule fois […]. Changer la conscience sanglante et remplie de faux mythes d’une partie des Ukrainiens sera un des objectifs les plus importants, en se basant sur les conquêtes communes d’avant 1991 ». Chez les nazis cette opération s’appelait « Gleichschaltung ». Les massacres de Bucha, selon Medvedev, seraient « des falsifications qui naissent dans l’imagination cynique de la propagande ukrainienne. »

La notion d’Eurasie a eu des contenus variables au fil de l’histoire. On y trouve d’abord un concept géographique, celui du plus grand continent unifiant l’Europe et l’Asie. C’est aux alentours de 1920 que se constitue une doctrine structurée. En effet, c’est au sein des milieux émigrés qui ont fui le communisme, qu’apparaît l’idée que si Staline est au pouvoir, c’est qu’au bout du compte, c’est Dieu qui l’a voulu. On doit donc l’accepter et se rallier à ce grand ensemble politique qui s’étendrait de la Chine à la Russie communiste, béni hier comme aujourd’hui par l’Église orthodoxe russe. Il correspondait à l’Union soviétique, qui recouvrait en gros l’empire russe, les possessions européennes incluses. Cet ensemble d’une quinzaine d’états constituera le périmètre où forces centrifuges postsoviétiques et mouvements centripètes panrusses s’opposeront après la chute de l’empire communiste en 1991.

Qu’il soit permis de rappeler que le général de Gaulle en 1959, dans un discours tenu à l’université de Strasbourg, déclara « que l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, toute l’Europe, décidera du destin du monde »

La guerre, une autre forme de diplomatie

En 2008, Poutine avait déjà proposé une fusion entre l’Union européenne et la Russie. Le concept d’Eurasie apparaît de manière redondante, depuis la publication d’un texte en 2010, dans la presse allemande intitulé « de Lisbonne à Vladivostok ». Les guerres de Tchétchénie, Géorgie et autres ne sont que des étapes d’un dessein à long terme construit sur le sang du peuple russe et de ceux qu’il agresse. Le dernier meeting annuel de l’association « Lisbonne Vladivostok », fondée en 2015, avait lieu en 2021. Sous contrôle russe, elle prétend regrouper une centaine de membres d’une quinzaine de pays.

En contrepoint, on notera, sur Instagram au 55e jour de la guerre, la déclaration de l’oligarque Oleg Tinkov, propriétaire de Tinkovbank, le second plus large émetteur de cartes de crédit en Russie. Il écrit « que 90% des Russes sont contre la guerre en Ukraine. Je ne vois pas un seul gagnant dans cette guerre ». Selon France 24, il aurait précisé : « Les généraux se sont réveillés avec une gueule de bois et ont réalisé qu’ils ont une armée de merde ». Son conseil : « donnez à Poutine une sortie honorable afin de stopper ce massacre ».

Selon le général russe commandant, le district militaire central parlant à une convention d’industriels, la semaine dernière, son pays compte établir un contrôle complet sur le Donbass. Cela permettra de créer un corridor terrestre vers la Crimée qui longera Odessa et la côte de la mer noire et ira vers la Transnistrie mettant en place un étranglement des intérêts économiques de l’Ukraine. Odessa, troisième ville d’Ukraine, est la clef du commerce international de l’Ukraine, à 40 kilomètres de la Moldavie. Un pont relie Odessa à la Roumanie. Il permet de faire passer de l’aide humanitaire et militaire. Ce mercredi le pont a été bombardé et rendu inutilisable par Moscou. Le général soulignait les visées de Moscou sur la Moldavie et plus spécifiquement sur la Transnistrie où il y aurait une oppression des populations russophones. Cette petite région séparatiste a tenté de manière sanglante de devenir indépendante à la fin de l’empire soviétique. Elle reste officiellement une partie de la Moldavie. 1 500 troupes russes y sont stationnées depuis lors, en mission de paix.

L’Eurasie ne sera pas

Les objectifs de la coalition occidentale sont d’affaiblir Poutine de manière à ce « que la Russie ne puisse plus faire des choses comme l’invasion de l’Ukraine. Et nous voulons garantir qu’ils ne retrouveront pas de si vite leur puissance militaire d’avant l’invasion, puissance qu’ils ont perdue en grande partie » a déclaré de manière très claire le Secrétaire d’État américain après sa visite à Kiev dimanche dernier. Ce mardi, à la base aérienne de Ramstein en RFA, à l’invitation du président Biden, une quarantaine de nations, dont Israël, étaient réunies. Selon les observateurs, l’ordre du jour portait sur une méthode qui permettra de garantir la souveraineté et la sécurité de l’Ukraine à long terme. Les États-Unis ont montré leur détermination aux côtés des Occidentaux et des Ukrainiens. À Ramstein, le chancelier Scholz, plutôt inexistant dans ses décisions, sous pression de sa propre coalition gouvernementale et de son opinion publique d’une part, des alliés d’autre part, a exécuté un retournement diplomatique et militaire qualifié d’embarrassant par Fortune. Il a enfin donné l’accord de fournir de l’armement lourd dont 50 chars antiaériens Guépard de dernière génération.

Les Ukrainiens portent la guerre sur le territoire de leur envahisseur par des opérations de guérilla, très probablement « coachés » par la Grande-Bretagne. Et pendant ce temps, des innocents continuent d’être massacrés par une armée russe peu professionnelle qui utilise ses propres hommes en masse comme chair à canon et rouleau compresseur afin de réaliser les folies d’un dictateur. Selon l’« Ukrayinska Pravda » de ce mercredi à 17.39 heure locale, Sergei Volynsky, le commandant de la 36e brigade de marine qui défend le dernier réduit d’Azovstal à Marioupol a demandé, via son journal sur Facebook au monde, l’application d’une procédure d’extraction internationale, après 62 jours de combat, de la même manière que l’avaient fait les combattants alliés à Dunkerque en 1940. Même Hitler avait accepté. Avec eux, il y aura plus de 600 blessés civils et militaires. La nuit précédente 35 attaques aériennes se sont abattues sur le réduit d’Azovstal. Poutine aurait décidé d’en finir et d’envoyer des troupes du SFB et de la Garde nationale terminer le sale boulot.