Texte par Cadfael

Comment qualifier l’attitude de Bruxelles et de l’union Européenne face à la situation des réfugiés ? A-t-elle réussi à mettre en place une politique cohérente ?

Bruxelles pointée du doigt

En pointant du doigt l’Union Européenne, Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a ouvert la 45e session du Conseil des Droits de l’Homme à Genève le 14 septembre dernier : « Alors que les souffrances et les troubles augmentent fortement partout dans le monde, les principes, les normes et les actions en matière de droits de l’homme offrent des solutions efficaces pour renforcer notre résilience face aux chocs et lutter contre le désespoir, en prévenant l’instabilité sociale, économique et politique. Avec la Covid-19, une crise sanitaire mondiale a rapidement vu le jour et s’est accompagnée à l’échelle de la planète de nombreuses crises politiques, sociales et économiques plus lentes et plus profondes.

Ces nombreuses fractures multidimensionnelles, qui nous ont rendus plus vulnérables au virus – et qui ont ouvert la voie à ses préjudices – proviennent principalement de processus politiques qui réduisent au silence la population, ainsi que de lacunes dans la protection des droits de l’homme.  En Pologne, je suis préoccupée par la répression continue des personnes et des militants LGBTI, notamment les restrictions imposées sur leur liberté de réunion, et par le soutien du Gouvernement aux villes qui se sont qualifiées – en utilisant un langage inacceptable – de « zones sans LGBTI ». Le fait qu’un groupe minoritaire soit pris pour cible et utilisé comme bouc émissaire nourrit l’intolérance et la discrimination, et porte atteinte à l’ensemble de la société. 

Le feu qui a dévasté la semaine dernière le camp de migrants de Lesbos, en Grèce, a eu un impact catastrophique sur la vie de milliers de personnes – et souligne le besoin de solidarité et d’une responsabilité partagée par les États membres de l’Union européenne. J’encourage la Commission européenne et les États membres de l’Union européenne de favoriser une véritable solidarité et de renforcer les garanties en matière de droits de l’homme aux frontières extérieures de l’Union européenne dans le prochain Pacte de l’Union européenne sur la migration et l’asile. 

Les rapports faisant état de refoulements et d’expulsions collectives aux frontières maritimes et terrestres des États de l’UE – qui sont en violation des obligations légales et ont de graves conséquences pour la vie et les droits des migrants – nécessitent un contrôle et une vérification indépendants. Je rappelle à tous les pays leur obligation de coopérer pour que la vie des migrants soit protégée et que leurs droits soient respectés, quelle que soit leur situation administrative. » Se faire montrer du doigt par Michelle Bachelet, la Gardienne des Droits de l’Homme n’est pas courant surtout s’il s’agit de l’Union Européenne. Et pourtant, c’est de qui est arrivé à propos de l’épineuse question du traitement des réfugiés.

Moria, une tâche indélébile sur la veste bleue de l’Europe. 

Lesbos et Moria, deux noms qui nous concernent tous, quelle que soit notre position par rapport aux réfugiés : qu’on veuille les accueillir à long terme ou les renvoyer chez eux. Moria, camps de réfugiés surpeuplé, dans lesquels 12 000 personnes ou plus selon les estimations, sont détenues dans des conditions dégradantes. 4 000 mineurs y sont enfermés selon le Spiegel. Moria où des « détenus » car c’est ainsi qu’on appelle des gens enfermés dans une unité de rétention, ont mis le feu qui a embrasé toute l’unité. Moria où la police grecque a tiré des grenades lacrymogènes sur des femmes et des enfants même si d’un point d’un vue de technique de maintien de l’ordre, cet acte était inutile et disproportionné. 

Moria où un second camp a été ouvert et où durant le transfert la police grecque a empêché le 17 septembre les collaborateurs de Médecins sans Frontières de rencontrer les « détenus ». Est-ce ainsi que notre Europe qui se dit civilisée, qui adhère aux grands principes des droits de l’homme traite des êtres humains. On se croirait dans un film de science-fiction hollywoodien sauf que cela se passe dans un pays où beaucoup d’entre nous vont passer des vacances, pays qui se dit berceau de la démocratie. Mais démocratie ne veut pas dire droits de l’homme. 

« Un nouveau départ sur les migrations » 

Est-ce cette Europe de théoriciens et de bureaucrates qui, tout en laissant la Grèce se débrouiller avec les réfugiés, se montre incapable de la moindre communication officielle sur ce qui se passe à Lesbos. Le site de la commissaire européenne en charge des Migrations et affaires intérieures, Ylva Johansson, une politicienne professionnelle suédoise qui a débuté sa carrière au parti communiste pour passer ensuite à l’aile gauche du parti social-démocrate titre : « A fresh start on migration ». Le lecteur jugera. Quoi qu’il en soit et quelle que soit la position individuelle de chacun face au problème des réfugiés, il est indigne et honteux que des êtres humains soient traités de cette manière. À partir du moment où ils touchent le sol de l’Union européenne ils ont droit à un comportement respectueux de la part des représentants et des citoyens européens. 

Encore un échec de Bruxelles ? 

La question des réfugiés est devenue le symbole d’un triple échec de Bruxelles. Une faillite sur le plan éthique, diplomatique et technique. En l’absence de toute politique cohérente, Bruxelles a voulu négocier à vil prix la paix en donnant des milliards à une Turquie néo-ottomane et dans une moindre mesure à la Libye pour qu’ils deviennent des bassins de rétention de réfugiés. En fin de compte, l’Union Européenne se trouve empêtrée dans les jeux politiques gréco-turcs en Méditerranée. Tant que le problème des réfugiés ne sera pas résolu, il demeurera du poison pour nos démocraties nationales. Il y a quelques jours Bruxelles, sous la pression internationale présentait un vague texte de bonne volonté, un parmi d’autres, concernant la question. Dans le contexte des blocages intra-européens et avant de présenter quelque effet sur le terrain il y aura d’autres Moria. 

Laissons la conclusion et une lumière d’espoir à la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme : « En cette période charnière de notre histoire, alors que la pauvreté et les tensions montent en flèche et que de nombreuses personnes perdent l’espoir d’une vie meilleure, les normes relatives aux droits de l’homme fournissent des orientations qui ont fait leurs preuves et qui peuvent aider les États à apaiser les griefs, à fournir une protection appropriée, à établir une base solide pour le développement et la sécurité, et à garantir la justice, la liberté et les droits. L’humanité a fait face à de nombreuses crises. Je suis convaincue qu’ensemble, nous pouvons surmonter les difficultés actuelles et que nos sociétés en sortiront plus aptes à prévenir l’injustice.  Il est temps de passer à l’action. » 

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