Texte par Cadfael
La Covid et son impact sur nos modes de vie a fait exploser les besoins en capacités de centres de calcul. Les conséquences sont actuellement imprévisibles.
Un marché qui explose.
Selon Gartner, société de conseil et d’analyse, les dépenses en matière de technologies informatiques, de logiciels et de hardware progresseront de 6% en 2021 par rapport à l’année précédente. Cela représente un chiffre global annuel de 3.9 trillions de dollars. La raison majeure en est l’impact du Covid et les nouveaux modes de travail et de vie qu’il entraine.
Toujours selon Gartner, la plus petite part de ce montant colossal ira en investissements dans des datacenters avec 228 milliards de dollars. La transformation digitale sera le point marquant. Le choix de voir sa vie impactée par du cloud computing, des applications business invasives, une sécurité informatique à gros risques, l’hyperautomation et des applications assez pernicieuses d’analyse et de prédiction des comportements des consommateurs s’est imposé dans les faits.
Rien n’est gratuit.
L’empreinte carbone des utilisations mail, Pc, téléphones représente 3.7. % des émissions de gaz à effet de serre selon la BBC de mars 2020. Ce qui serait équivalent à ceux émis par le total des voyages aériens avant la pandémie selon un chercheur de l’université de Lancaster.
Les centres de calcul consomment entre 2 et 3 % de l’utilisation mondiale d’énergie. En plus de l’effet de serre lié à leur fonctionnement, les datacenters produisent des déchets électroniques difficiles à recycler, on estime que cela représente 2% des déchets mondiaux et 70% des déchets toxiques mondiaux selon une analyse datant de décembre 2018 de la société californienne « Supermicro », spécialisée dans les solutions de structures informatiques vertes. (www.thebalancesmb.com/e-waste-recycling-facts-and-figures-2878189)
Une des conséquences de la pandémie est une demande de services digitaux qui explose ce qui aiguise les appétits des Amazon, Microsoft et Google. En 2020 selon le business media londonien « CRN » vingt-sept milliards de dollars ont été dépensés rien que par Amazon Web Services (AWS) dans les hypercentres de calcul. Google et Microsoft suivent, imités par ORACLE, Alibaba, Facebook.
Le nombre de datacenters gérés par les trois géants se monte à environ 600, chiffre qui a doublé depuis 2015. Ce sont Amazon et Google qui comptent pour la moitié des 111 hypercentres de calcul ouverts les deux dernières années, dont 52 ont été mis en ligne l’année dernière, malgré la COVID.
Ils surfent sur la vague des changements brutaux dans les modes de travail induits par le COVID, que ce soit en matière de vidéoconférences, bureaux virtuels, éducation, loisirs. Actuellement 219 de ces hypercentres sont à l’état de projet avancé. On notera qu’aux Etats-Unis, face aux abus de marché, des auditions devant le Congrès sont en cours en vue d’un éventuel démembrement des trois.
De grands énergivores.
Le choix politique d’aller vers un tout-électrique soi-disant plus propre est politiquement problématique, car cela exige de nouvelles ressources. Selon un article de Reuters du 1er mars dernier le gouvernement de Jo Biden est confronté à ces choix difficiles afin de tenir ses promesses d’une énergie verte qui nécessite de nouvelles ressources minières. Il faudra très probablement ouvrir de nouvelles mines d’extraction de lithium, charbon, terres rares, cuivres et ainsi sacrifier l’environnement ainsi que des sites sacrés de natifs. A titre d’exemple, le projet du gouvernement Biden de mettre la flotte gouvernementale américaine, c’est-à-dire 640.000 véhicules au tout-électrique exigera une multiplication de la production américaine de lithium par douze. Il en sera plus ou moins de même en ce qui concerne l’extraction de cuivre, nickel et cobalt. Le prix à payer pour satisfaire les visions de quelques gourous technologiques autoproclamés est lourd et très probablement erroné.
Des secrets bien cachés.
Selon « Computerworld » 40 % de l’énergie utilisée par les datacenters vont dans le refroidissement des calculateurs, fonctionnement aux conséquences problématiques.
Dans une contribution datée du 1er avril dernier Bloomberg relevait un des coûts soigneusement occultés des datacenter de Google à savoir la quantité colossale d’eau utilisée pour refroidir les calculateurs. En août 2019, Alphabet Inc., conglomérat de sociétés appartenant à Google, se proposait de construire un de ces centres en Arizona. Pour cela ils exigeaient une garantie que la communauté puisse leur offrir 3.8 millions de litres d’eau par jour, pouvant aller à 15 millions par jour si nécessaire. Au Texas selon Bloomberg, Google veut construire un autre de ses datacenters qui selon les autorités nécessiterait 57 milliards de litres d’eau par an, pompant aussi bien l’eau à usage domestique que d’irrigation agricole. Pour Bloomberg le choix est clair : de l’eau contre du cash.
Une analyse de « Fluence corporation », société new-yorkaise de gestion d’eau explique que les 800 data centers californiens nécessitent pas loin de 400 milliards de litres d’eau par an.
Les Google et Cie promettent de tenter d’aller vers des structures moins gourmandes en utilisation de l’eau et de l’énergie.
Et chez nous ?
Selon « Data Center Map » nous avons 13 centres de calcul au Luxembourg dont le plus important à Bissen est celui de Luxconnect qui selon eux montre une efficience énergétique acceptable. Avec le projet Google et le refus récent de la justice de ne pas rendre public la consommation d’eau du nouveau hypercentre de calcul de Google (LW du 10 mars) on est en droit de se poser des questions légitimes. Les réserves d’eau du pays ne sont pas inépuisables.
Actuellement sur le site l’ « Administration de gestion de l’eau » on peut lire : « La situation actuelle (de la nappe phréatique N.d.l.R.) reste précaire. Par conséquent, une amélioration durable de la situation pendant l’année hydrologique en cours est improbable. L’Administration de la gestion de l’eau reste vigilante quant à l’évolution de la situation. » écrite-elle en se basant pour cela sur une analyse du List de février 2020.