Quel bonheur d’avoir pu passer les soirées des 16 et 17 novembre au Grand Théâtre avec « Les Gardiennes » !

Par Karin Santer ©  Luc Jennepin

Dans cette pièce écrite et mise en scène par Nasser Djemaï, assisté de Rachid Zanouda, on découvre l’intérieur du petit appartement de Rose, âgée de 80 ans, plus exactement de sa salle de séjour composée de ses livres, ses multiples bibelots, ses tapis, totalement occupé par ses voisines devenues amies qui s’y sont installées, non pas pour se l’approprier, mais tout simplement pour être avec Rose.

Car, suite à une mauvaise chute, Rose a perdu, non seulement l’usage de ses jambes mais également de la parole de sorte qu’elle est totalement dépendante, se retrouvant clouée dans une chaise roulante.

Hannah, Suzanne et Margot ont ainsi décidé d’accompagner et d’assister Rose pour tout ce dont elle a ou aurait besoin. Elles assurent, partant, son quotidien,  prennent soin d’elle, exécutent toutes ses tâches ménagères, préparent ses repas, la sortent pour la promener tous les jours. Le but est de vivre et de vieillir ensemble.

En effet, elles sont toutes des anciennes ouvrières du textile, qui ont passé leur vie à militer dans la même organisation syndicale, qui ont tout vu et tout connu et plus rien ne peut les effrayer !
Elles sont libres, ayant toutes perdu leur mari et n’ayant plus d’enfant à charge, ceux-ci ayant quitté la maison depuis des années déjà…

Elles sont heureuses de s’organiser comme bon leur semble, c’est à dire UNIES les unes aux autres « comme des petites abeilles autour de leur reine ».

Quelle violence subie de plein fouet par toutes ces petites abeilles lorsque débarque Victoria, la fille de Rose avec toutes ses certitudes. En effet, Victoria, jeune quadragénaire fraichement divorcée,  avec deux enfants, radiologue de profession, entend tout régler en proposant à sa mère d’aller vivre dans une institution médicalisée.
Car pour Victoria qui se bat pour que sa vie soit réglée comme du papier à musique, il n’y a pas à tergiverser et ça ne doit pas traîner ! C’est donc tout décidé : sa mère sera placée en Ehpad et son petit appartement sera vendu !

Une lutte alors s’engage entre Victoria et les gardiennes qui vont s’organiser pour saccager son plan  et le mettre en échec. Les affaires personnelles de Victoria vont commencer à disparaître les unes après les autres telles que ses clés de voiture ou celle de sa chambre d’enfant.

Passant dans un univers fantastique avec une scénographie et les costumes de Claudia Jenatsch, assistée de Dominique Rocher et de Salomé Bagou, les Gardiennes vont se transformer en fées ou en sorcières, toutes de noir vêtues avec de longues et magnifiques chevelures, et vont pouvoir lutter et résister…

S’opposent alors deux mondes, celui de Victoria avec son pragmatisme qui pensait bien faire en plaçant sa mère Rose dans une institution sérieuse qui pourrait assurer son bien être et son suivi médical, et le monde des amies de Rose, ces vieilles dames incroyablement résistantes, qui ne comprennent pas Victoria alors que l’on peut rester chez soi, entourée, aidée et aimée au lieu de finir sa vie dans un Ehpad !

Victoria va t-elle devenir elle aussi une gardienne à l’issue de cette lutte sans merci ? Des gardiennes interprétées par de formidables comédiennes que sont Claire Aveline, Coco Felgeirolles, Martine Harmel, Sophie Rodrigues et Chantal Trichet.

Une magnifique pièce d’une grande humanité et ça fait du bien !