Il y a plusieurs mois,le gouvernement a renoncé à la légalisation du cannabis récréatif par une vente contrôlée en magasin. La réforme inscrite dans l’accord de coalition de 2018 est victime des retards pris dans son élaboration en raison de la crise sanitaire, mais aussi de pressions internationales. Le projet n’est pas tout à fait abandonné puisque les amateurs de pétards seront à l’avenir autorisés à cultiver quatre pieds de cannabis à leur domicile pour un usage strictement privé. Une première en Europe.
Fabien Grasser
Un quart de la population fume du cannabis
Le cannabis est de loin la drogue illicite la plus consommée au Luxembourg et, plus généralement, dans l’Union européenne. En 2019, 23,3% des Luxembourgeois âgés de 15 à 64 ans avaient fumé de l’herbe ou de la résine de cannabis au moins une fois dans leur vie, indique l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). De ce point de vue, le Grand-Duché se situe dans la moyenne européenne où l’on estime à 78 millions le nombre d’adultes ayant déjà tâté du joint. Les taux de prévalence les plus élevés sont observés en France (44% de la population adulte), au Danemark (38%) et en Espagne (37%) tandis que les taux les plus faibles sont enregistrés à Malte (4%), en Roumaine et en Hongrie (6% chacun).
Au Luxembourg, ce taux est le plus élevé dans la tranche d’âge des 25 – 34 ans avec 36% de consommateurs. Seul 1% de la population en ferait un usage quotidien (ou au moins 20 jours par mois). La fumette est davantage le fait des hommes (27%) que des femmes (19%). Au niveau européen, le nombre d’usagers tend à augmenter d’année en année, observe l’OEDT qui constate également la mise sur le marché de produits de plus en plus forts quant à leur teneur en THC (la molécule psychoactive du cannabis) et met en garde contre l’apparition de dérivés de synthèse pouvant présenter un danger immédiat pour la santé.
Un paquet de mesures fourre-tout
L’autorisation de cultiver et consommer du cannabis à domicile ainsi que l’abandon de poursuites devant la justice correctionnelle pour la détention de petite quantité s’inscrit dans un « catalogue de 27 mesures sur la problématique de la criminalité liée aux stupéfiants au Luxembourg », présenté le 22 octobre.
Parmi les mesures qui seront mises en œuvre figure un approfondissement de l’information et de la prévention auprès des lycéens afin de les dissuader de consommer des stupéfiants. Le ministère de la Santé, de son côté, réorganisera et mobilisera des moyens supplémentaires pour la prise en charge des toxicomanes, un volet qui concernera donc davantage l’usage des drogues dures que du cannabis.
Côté police, les agents auront la « possibilité d’éloigner par la force si besoin, une personne qui entrave ou bloque l’entrée d’un bâtiment public ou privé, et entrave la liberté de circuler d’autrui ». Autrement dit, les policiers pourront empêcher la formation ou la persistance de points de deal à l’entrée des immeubles. Si cette disposition est directement liée à la problématique des stupéfiants, il n’en va pas de même d’autres mesures annoncées le 22 octobre, s’inscrivant plus largement dans un renforcement de l’arsenal sécuritaire. Les effectifs seront renforcés, les patrouilles sur le terrain multipliées et une concertation plus étroite sera mise en place avec les communes pour lutter contre l’insécurité. Le catalogue prévoit par ailleurs d’équiper de bodycams les policiers en patrouille afin d’enregistrer leurs interventions. Cette initiative est loin de faire l’unanimité dans les rangs policiers. Dans le domaine sécuritaire toujours, le ministre des Affaires étrangères avait annoncé le 22 octobre une modification de la loi pour « dissuader des personnes éloignées du territoire luxembourgeois d’y revenir et commettre de nouveaux délits » ainsi qu’une réorganisation du centre de rétention pour y détenir davantage « d’hommes célibataires ». Bref, des mesures sans lien direct avec la problématique du cannabis.