La tentative d’assassinat sur le premier ministre slovaque Robert Fico le 15 mai dernier marque-t-elle le retour de l’ultraviolence dans les processus politiques des démocraties post-soviétiques ?

Par Cadfael

L’assassinat comme moyen de la politique

Après avoir reçu dans l’abdomen une des cinq balles qui lui étaient destinées, le premier ministre slovaque est « hors de danger ». Elles ont été tirées par celui qui est défini sans plus de précisions comme un retraité de 71 ans, poète amateur, qui aurait peut-être travaillé comme agent de sécurité dans un centre commercial. Selon la BBC du 20 mai, les autorités soulignent maintenant qu’il n’aurait peut-être pas agi seul. Fico, l’ancien communiste, est souvent qualifié de « figure de discorde en Slovaquie » par la presse nationale et internationale. Un membre de l’opposition a commenté à Associated Press : « Je dirais qu’en partie aussi ses actions au cours des mois et des années précédents ont provoqué la situation dans notre pays et la tension […] parmi la population ». En 2018, l’assassinat du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée, qui enquêtaient sur des affaires de corruption au sein du gouvernement et d’entrepreneurs alliés, avait forcé Fico à démissionner suite aux gigantesques manifestations dans plus de 50 villes du pays. Un entrepreneur, qualifié de cerveau et de membre de la mafia, a été acquitté à deux reprises du meurtre du couple, comme précédemment de l’assassinat de trois procureurs, pour « manque de preuves ».

Vers une dictature ?

Depuis le retour au pouvoir de celui qui était déjà premier ministre de 2006 à 2010 et de 2012 à 2018, la Slovaquie a amorcé un virage de 180° en passant de soutien de l’Ukraine à, alliée de Poutine, un problème de plus pour l’Otan et l’Union européenne. Arrivé au pouvoir avec une très faible majorité, Fico a fait voter des lois qui réduisaient les peines encourues pour corruption et viol, projet bloqué partiellement par la cour constitutionnelle. Actuellement, il tente de museler l’audiovisuel étatique. Par la même occasion, son gouvernement a réussi à démanteler, après 20 ans de fonctionnement, le « Bureau des procureurs spéciaux » spécialisé dans le combat contre la corruption et la criminalité financière. Le 19 mars dernier, pour son dernier jour d’activité, l’office a mis sous accusation le chef de cabinet de Fico pour corruption dans des contrats d’État. En avril dernier, les élections présidentielles en Slovaquie ont donné la majorité à un allié de Fico soutenu par les fractions pro-russes dures. Le pays est profondément divisé, sa politique pro-Poutine ne correspondant manifestement pas aux aspirations démocratiques des citoyens slovaques. Le juriste Fico serait-il rattrapé par son passé de membre actif du parti communiste dans l’ancienne Tchécoslovaquie alors membre du Pacte de Varsovie ? Après la chute du mur, ne s’est-il pas enrôlé dans le parti qui succédait à l’ancien parti moscovite ?

Et Bruxelles ?

Les avertissements répétés de Bruxelles amortiront-ils cette dynamique pro-russe, anti-Otan et anti-UE ? Quel poids donner aux épîtres de Bruxelles lorsque la grande prêtresse est elle-même en délicatesse avec la justice dans ce que les médias appellent le « Pfizergate » : des irrégularités dans les contrats de vaccins pour 35 milliards d’euros avec Pfizer. Deux plaintes ont été déposées contre Mme von der Leyen, l’une par le New York Times devant la Cour européenne de justice et l’autre devant le tribunal de Liège par un collectif incluant des ONG, des partis politiques, des citoyens, la Pologne et la Hongrie. Il y est question d’« usurpation de fonctions et de titres », de « destruction de documents publics », de « prise illégale d’intérêts » et de « corruption ».

Une lente montée des violences.

Julie Doyon, professeur à la Sorbonne, écrit à propos du premier régicide français, celui de Henri III en 1589 : « Le meurtre s’inscrit dans un champ culturel qui l’a rendu pensable et faisable. » Aujourd’hui, ce champ est bien présent et parasite le périmètre de démocraties souvent déliquescentes. Les menaces sur les dirigeants politiques se multiplient. Selon Euractiv : « Il s’agit notamment du président serbe Aleksandar Vučić, du président de la République serbe de Bosnie-Herzégovine Milorad Dodik et du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui sont pro-russes, et du Premier ministre du Kosovo Albin Kurti et de Donald Tusk, qui ne le sont pas. »

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