Texte par Cadfael

Le Monténégro, petit pays au passé agité et au présent tumultueux cherche sa voie vers l’Europe. Est-ce la bonne ?

Joli et pauvre

Le Monténégro, petit pays de 622 000 habitants, avec de belles plages méditerranéennes et des villages romantiques possède un passé historique riche est mouvementé. Ancien état de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, il s’est détaché de la Serbie par référendum en 2006 et a demandé en 2010 à devenir membre de l’Union Européenne. Dans l’attente de cette admission, le pays est devenu membre du marché régional commun lancé fin 2020, regroupant les six pays de la région des Balkans occidentaux souhaitant adhérer à l’UE et visant à éliminer entre eux, d’ici 2024, les barrières au commerce et à coordonner les politiques d’investissement.

Depuis 1917, le pays est membre de l’Otan, s’attirant le courroux de la Russie, qui avertissait par la voix d’une de ses diplomates que ce genre d’initiative avait un fort potentiel de confrontation. 

Les ressources du pays viennent à plus de 20% du Produit National Brut, du tourisme. Avant la Covid, le pays recevait trois fois plus de touristes que le pays n’avait d’habitants. Le reste provenant de l’agriculture et de l’énergie.  Depuis la pandémie l’économie est au plus bas et le chômage au plus haut, les trois quarts des emplois étant générés dans les services. 

Une aide lourde en matière de COVID

Sur l’ensemble des Balkans l’aide médicale européenne en matière de Covid correspond à un volume de 1,9 milliards. Le Monténégro a bénéficié d’un don de 53 millions pour le secteur médical dont 3 millions en matériel et équipements de première urgence.

Mais voilà que le jeu géostratégique de la Chine perturbe tout. Malgré un support massif, les hésitations initiales de Bruxelles ont coûté cher en matière d’image de marque. Dès le début de la pandémie la Chine était spectaculairement présente en termes d’aide ce qui  fait que de nombreux pays des Balkans sont devenus prochinois, même si les dons de l’Europe ont été près de quatre-vingts fois supérieurs à ceux de la Chine.

Besoin chronique d’argent et liaison dangereuse

Jusqu’en 2020, le Monténégro a reçu plus de 1,3 milliards d’euros de l’Union Européenne dans le cadre de divers programmes de pré-accession que ce soit sous forme de prêts ou d’aides. Et cela ne suffit pas. 

En 2014, le pays a signé un emprunt avec l’Import-Export Banque de Pékin d’un montant 944 millions de dollars sur une période de vingt ans, avec une période de grâce de six ans. La première échéance est due en juillet 2021. Ce prêt est censé financer une autoroute qui relie le pays à la Serbie, donnant ainsi une ouverture méditerranéenne à Belgrade. La Serbie est actuellement le pays des Balkans qui est le plus lié à la Chine. Il suffit  de regarder la présence de Huawei qui à Belgrade, implante un millier de caméras avec une technologie de reconnaissance faciale, probablement la même que celle installée en pays Ouigour, ainsi qu’un méga centre de traitement de données, sans parler du réseau 5G. 

Le milliard chinois du Monténégro a juste suffi à réaliser un tronçon techniquement difficile de 41 kilomètres construit par des sociétés chinoises avec du personnel et des matériaux de construction chinois. Une analyse approfondie de la très parisienne Fondation Jean Jaurès souligne les côtés opaques ayant présidé au montage du crédit et qui seraient « une source avérée de corruption ».

Le 16 avril le ministre monténégrin des Finances dans une interview au Financial Times a demandé à Bruxelles de l’aider à rembourser la première échéance chinoise. Bruxelles a opposé une fin de non-recevoir, en suggérant qu’ils étaient prêt à étudier des alternatives afin de compléter le tracé entamé. Les experts craignent que l’incapacité à servir sa dette amène des saisies de biens étatiques par la Chine. Et une influence encore plus forte sur certains politiciens ceci dans un cadre de « gouvernance médiocre (corruption, faible indépendance des médias, crime organisé et politisation du système judiciaire qui nuit à l’exécution des contrats et au traitement de l’insolvabilité) » comme le définit le dernier rapport de la Coface qui date de février 1921.

Vous avez dit corruption ?

La lutte contre la corruption, exigée par Bruxelles ne porte guère de fruits même si des efforts sont faits. Le procureur spécial anti-corruption, soutenu par l’UE, n’en finit pas d’enquêter sur l’actuel président de la République.

Le « corruption perception index » de 2020 publié en 2021 par le « World Data Atlas » ne montre que de très faibles améliorations depuis 2012 où il était à 41 % pour actuellement se trouver à 45 %. Un chiffre 100% voudrait dire zéro de corruption et un  0% signifie hautement corrompu. Il est établi annuellement par des milieux d’affaires et des analystes pays. Pour la même époque 2020 ce même index était à 80 points pour le Luxembourg contre 85 % en 2015 !

Une dernière plaie du Monténégro et non des moindres est une guerre les gangs mafieux qui s’entretuent pour le contrôle des trafics drogue sur l’Europe. Elle a fait au moins 45 morts depuis 5 ans et ceci travers toute l’Europe. La semaine dernière les forces de sécurité portugaises ont arrêté deux membres d’une de ces organisations criminelles saisissant des armes, des véhicules volés et des faux papiers.

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