Depuis le décès de Masha Amini, jeune kurde arrêtée par la police des mœurs iranienne pour “port de vêtements inappropriés”, les vidéos de protestation se multiplient sur les réseaux sociaux. On y découvre des femmes venues des quatre coins du globe se couper les cheveux en signe de solidarité et de contestation. Un geste loin d’être anodin, auquel les femmes ont déjà eu recours par le passé, que ce soit pour lutter contre le racisme, les inégalités, et les injonctions, ou pour s’émanciper.
Du ‘natural hair movement’ aux longues mèches coupées ou rasées pour lutter contre différentes formes d’injustice, les cheveux sont depuis longtemps considérés comme un symbole de protestation. En témoigne la multiplication des vidéos montrant des femmes venues des quatre coins du globe se succéder les unes après les autres pour renoncer à leur longue chevelure, à l’image d’une cinquantaine d’artistes françaises (parmi elles : Juliette Armanet, Isabelle Adjani, Pomme, Jane Birkin ou encore Marion Cotillard), en guise de solidarité avec Masha Amini, décédée trois jours après avoir été arrêtée par la police des moeurs pour avoir porté un voile mal ajusté. “Je me suis coupé les cheveux… J’espère un jour où les femmes de mon pays pourront rire, danser, pleurer, respirer et vivre librement”, a écrit la jeune femme sur TikTok.
Ce n’est pas la première fois dans l’Histoire que les cheveux sont érigés en symbole de rébellion, voire d’insoumission, quelles qu’en soient les raisons… C’est même un geste récurrent, entrepris pour lutter contre les inégalités, les injonctions, et, on l’a vu, contre toutes formes de discriminations et de violences. Au début du XXe siècle, le phénomène ‘garçonne’, caractérisé par une silhouette androgyne et des cheveux courts, n’était-il pas déjà lié à la volonté des femmes de s’émanciper, et de revendiquer l’égalité des sexes ?
Se couper les cheveux, un geste militant
En Iran déjà, par le passé, des femmes se sont rasé la tête pour montrer leur soutien à différents mouvements, mais aussi pour protester contre le port du voile. En 2016, la page ‘My Stealthy Freedom’, créée par une journaliste d’origine iranienne vivant à Londres, a publié la photo d’une jeune femme ayant fait le choix de se raser la tête pour ne plus avoir à porter le voile. “J’ai vendu mes cheveux pour aider ces adorables petits anges atteints de cancer. Quand je sors dans la rue, je me dis ‘Pas de cheveux, pas de police des mœurs !’ Il n’y a plus aucune raison pour que ceux me disant toujours de me voiler les cheveux m’arrêtent à présent”, avait-elle alors écrit pour accompagner un cliché sur lequel elle apparaissait rasée et dévoilée.
L’an dernier, aux Jeux Olympiques de Tokyo, c’est l’archère sud-coréenne An San qui s’est retrouvée malgré elle au centre d’une nouvelle salve de protestation. La championne olympique a reçu sur les réseaux sociaux des injures et des menaces en raison de sa coupe de cheveux, courte, que certains n’estimaient “pas assez féminine”. Action, réaction… Une internaute a initié un mouvement contraire, donnant lieu à une multiplication de vidéos montrant des femmes se couper les cheveux en direct sous le hashtag “#women_shortcut_campaign”.
Les cheveux, un symbole politique et culturel
Il n’est parfois pas nécessaire d’aller jusqu’à couper ses cheveux pour les ériger en symbole d’une lutte contre les discriminations et les inégalités. Dès les années 1960 et 1970, la coupe afro est popularisée par de nombreuses activistes, dont Angela Davis et Nina Simone, lui donnant une symbolique à la fois culturelle et politique. Il s’agit alors d’ériger les cheveux naturels des femmes et des hommes noirs en symbole de l’émancipation et de l’affirmation culturelle des Afro-américains.
Un mouvement qui perdure aujourd’hui, à travers différents noms dont le “natural hair movement”, en raison de la persistance des discriminations et préjugés liés aux cheveux des femmes, hommes, et enfants noirs. Rappelons que le CROWN Act, une loi visant à interdire les discriminations capillaires aux Etats-Unis, n’a été adopté par la Chambre des représentants qu’en mars dernier. Sans cette loi, il reste possible aujourd’hui de refuser l’accès à l’emploi, à l’éducation, voire au sport, à des personnes en raison de la texture de leurs cheveux, ou de certaines coiffures comme les tresses, les dreadlocks, ou encore les vanilles.
Qu’on les coupe, qu’on les montre tels qu’ils sont, ou qu’on les rase, les cheveux ont bien plus qu’une dimension esthétique, permettant depuis des décennies de lutter contre toutes les formes d’inégalités. Et quelque chose nous dit que ce n’est – malheureusement – pas fini.