Texte par Fabien Grasser

Le Luxembourg a atteint le « Jour du dépassement » ce lundi 15 février. Par leur consommation, ses habitants ont dépensé ce que la Terre peut leur fournir en ressources sur un an. Ce résultat classe le pays parmi les plus mauvais élèves de la planète en matière écologique.

Gratuité des transports publics, mobilité douce, maisons passives, économie circulaire : depuis des années, le Luxembourg déploie une palette de mesures destinées à réduire son empreinte écologique. Mais rien n’y fait : le Grand-Duché demeure à son échelle le deuxième pays au monde le plus gourmand en ressources naturelles. Un classement qui place les habitants du pays parmi les plus gros pollueurs et destructeurs de biodiversité de la planète.

Ce lundi 15 février, le Luxembourg a atteint son « Jour de dépassement », c’est-à-dire la date à laquelle « la consommation de ressources naturelles dépasse les quantités que la Terre peut lui fournir durablement tout en les régénérant chaque année ». Seul le Qatar fait pire, l’émirat ayant franchi ce cap le 9 février. Dans les pays voisins, il sera atteint le 30 mars en Belgique, le 5 mai en Allemagne et le 7 mai en France.  Au niveau mondial, « le jour du dépassement » se situera en août. Ces dates sont calculées chaque année par Golbal Footprint Network, un think tank international.

L’équivalent de huit planètes

Vu sous un autre angle, cela signifie que si chaque pays consommait autant que le Grand-Duché, il faudrait l’équivalent de huit planètes pour satisfaire les besoins de la population mondiale. Pour conserver la planète intacte à leur échelle, les habitants du pays auraient dû cesser toute consommation depuis lundi.

Jusque récemment, ce classement était attaqué sur ses résultats, jugés biaisés en raison de la situation particulière du Luxembourg: un petit pays dont la population active compte un grand nombre de travailleurs frontaliers. Comme pour les émissions de CO2, il était commode d’incriminer le « tourisme à la pompe » auquel s’adonnent les habitants des régions voisines et les transporteurs en transit.

La critique n’est pas totalement infondée mais n’explique pas seule ce résultat catastrophique. Dans un rapport publié en 2020, le Conseil supérieur pour un développement durable (CSDD) relève que la consommation d’énergie représente « environ 60% de l’empreinte luxembourgeoise », soit 4,75 planètes. Sur ce total, le tourisme à la pompe représente 1,75 planète. « Restent ainsi 3 planètes imputables aux habitants du Luxembourg », déduit le CSDD, dont l’une des missions est de conseiller le gouvernement sur les questions de développement durable.

Un niveau de vie élevé

« Le Luxembourg possède un niveau de vie élevé. La consommation de biens y est donc plus élevée que dans les pays voisins », poursuit sobrement le rapport qui passe au crible certaines habitudes.

Ainsi, la consommation de viande au Luxembourg représente à elle seule 0,67 planète, note le CSDD. D’après le ministère de l’Agriculture, chaque résident en a ingurgité en moyenne 85 kg en 2017, dernière année pour laquelle les données sont disponibles. Au niveau mondial, la moyenne se situe autour de 43 kg. L’accroissement de la production de viande est aujourd’hui l’une des principales causes de la déforestation dans le monde. Or, pour de nombreux scientifiques, la raréfaction des forêts explique la survenue de plus en fréquente de pandémies de coronavirus. Chassés de leurs habitats naturels, les espèces hôtes des virus, comme les chauves-souris, cohabitent toujours plus étroitement avec les humains, augmentant d’autant le risque de transmission dont l’un des vecteurs est aussi l’élevage industriel.

Créer un « PIB bien être »

Au-delà du constat, le rapport du CSDD propose des pistes pour une consommation moins destructrice. Certaines peuvent être mises en œuvre à titre individuelle comme réduire l’achat d’articles de luxe, les voyages en avion ou le visionnage de vidéos en streaming, un usage très énergivore. Les entreprises sont pour leur part appelées à diminuer l’usage du papier dans une économie dominée par les services et à développer le télétravail – ce qui est désormais chose faite.

Réduire de façon conséquente et durable l’empreinte écologique implique cependant un changement radical de paradigme : « remise en question du modèle de croissance » et création d’un « PIB bien être » au lieu du seul PIB, préconise le CSDD. En l’état actuel, ces recommandations resteront néanmoins à l’état de vœu pieux, les politiques voyant dans la croissance la seule issue possible à la crise économique provoquée par le Covid-19.

Sources :

Global Footprint Network : https://www.footprintnetwork.org/

Rapport du Conseil supérieur pour un développement durable : https://csdd.public.lu/content/dam/csdd/fr/actualites/2020/Le-samedi-22-aout-2020-marque-le-Jour-du-Depassement-Mondial.pdf

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