Est actuellement jouée au TNL (Théâtre National du Luxembourg) la pièce “Les chaises”, écrite par Eugène Ionesco, mise en scène par Gabor Tompa, assisté de Maximilien Ludovicy.
Par Karin Santer
Le rideau se lève sur deux personnages, le Vieux et la Vieille, qui semblent prisonniers d’une pièce ronde, vieillotte, avec un parquet abîmé et des chaises suspendues et collées au plafond. Le Vieux ne cesse de regarder par la fenêtre la mer, les bateaux…Lui, ancien Maréchal des Logis, et elle, la Vieille, ne cessent de ressasser leurs souvenirs, remâchant inlassablement les mêmes histoires, s’appellent par des surnoms comme “mon chou”, “ma crotte”. Ils se parlent avec beaucoup de tendresse et elle lui répète à maintes reprises : “Tu es très doué mon chou. Tu aurais pu être Président chef, Roi chef ou même Docteur chef, Maréchal chef, si tu avais voulu”. Ils semblent se connaître par cœur et s’adorer mais le Vieux a toujours à l’esprit la Belle et la Vieille des désirs fantasmatiques.
Tout en radotant depuis des années les mêmes plaisanteries et les mêmes histoires, ils s’affairent à transporter des chaises au fur et à mesure que les coups de sonnette retentissent sur scène. Voici les premiers qui arrivent, puis d’autres et encore d’autres ! Que du beau monde : un belle dame au chapeau, a priori une ancienne amoureuse, un colonel, un photograveur et même un empereur ! La vieille n’arrête plus d’apporter et d’accumuler les chaises dont la pièce va très vite être encombrée tellement il y a d’invités imaginaires avec lesquels le couple ne cesse de dialoguer. On n’arrête pas de sonner !
Car le vieil homme doit dire quelque chose au monde, il détient un message universel qu’il veut révéler à l’humanité ! Et c’est par la bouche d’un orateur tant attendu que devra être entendu l’ultime message !
Seuls sur scène, ce couple de vieillards, magnifiquement interprété par Patrick Le Mauff et Oana Pellea, sont submergés par toutes ces chaises qui les éloignent et les isolent encore plus, petit à petit, obstruant totalement l’espace scénique et démontrant ainsi, par l’immense talent de ce duo d’acteurs, leur solitude… La scénographie et les costumes à la fois élégants et comiques de Dragos Buhagiar, ainsi que la lumière de Daniel Sestak et les effets sonores de René Nuss, accentuent ce sentiment tragique, à la fois d’encombrement et de solitude.
Représentative du génie de IONESCO, cette pièce interroge sur les questions de la communication entre les êtres, la solitude de l’humanité ainsi que l’amour et la mort !
Un véritable chef d’œuvre !
Cette pièce sera encore jouée au TNL les 1er et 6 avril à 20h ainsi que le 3 avril à 17h.