En matière de technologies, l’industrie de la mode a souvent un coup d’avance. On l’a vu avec le métavers, et cela se confirme aujourd’hui avec l’avènement de l’intelligence artificielle. Si les principaux acteurs du secteur n’ont pas encore exploré toutes les fonctionnalités de ChatGPT, certains ont déjà recours à l’IA pour présenter de nouveaux produits ou créer des couvertures de magazines futuristes.

Le futur de la mode se dessine doucement mais sûrement. Si la plupart des marques de prêt-à-porter se sont déjà engagées en faveur d’une mode plus vertueuse, elles n’en ont pas oublié les nouvelles technologies et leurs infinies possibilités. On l’a vu dès le début du mois de mars, lors du défilé automne-hiver 2024 de la marque Coperni, avec des mannequins qui défilaient aux côtés de robots chiens. Une première qui n’est pas sans rappeler que les industries de la mode et du luxe n’ont pas renoncé à faire du métavers leur nouveau terrain de jeu, et continuent d’explorer ses nombreuses fonctionnalités. En témoigne la tenue, fin mars, de la seconde Metaverse Fashion Week qui, si elle n’a toujours pas rencontré son public, ne cesse d’innover et de s’améliorer pour devenir une (vraie) réalité.

Des mannequins pixelisées

Entre deux percées dans ces mondes parallèles, l’industrie de la mode semble faire une pause – ou presque – pour s’intéresser à l’intelligence artificielle. Il faut dire que l’agent conversationnel ChatGPT se veut aussi innovant que futuriste, et entend bien bouleverser notre quotidien – tout comme celui de nombreuses industries. Dans la mode, il pourrait devenir indispensable pour générer des contenus sur les réseaux sociaux, des descriptifs produits, ou encore se muer en véritable personal shopper, mais ce n’est pas tout. Plus largement, l’intelligence artificielle, quelle qu’elle soit, pourrait faire de l’ombre aux mannequins grâce à une nouvelle génération de photos semblant tout droit sorties du futur.

Le magazine Vogue Singapore fait figure de pionnier en la matière avec pas moins de trois mannequins intégralement créées par l’IA dans son numéro du mois de mars : Aadhya, Melur, et Faye. Le tout généré en collaboration avec l’artiste et directeur de la création Varun Gupta, basé à Mumbai. Une première ! Si les photos créées par l’IA semblent ces derniers temps se multiplier à vitesse grand V sur les réseaux sociaux, au point que certains s’interrogent désormais sur l’origine de chaque cliché publié, il s’agit là de la première couverture d’un magazine féminin réalisée de cette façon – à l’exception du magazine américain Cosmopolitan qui a proposé une couverture similaire en juin 2022 mais avec un astronaute, et non un mannequin. Et, on peut aisément le penser, ce ne sera certainement pas la dernière.

Vecteur d’inclusivité ?

Quelques jours plus tard, Levi’s a également frappé fort en annonçant un partenariat avec le studio de mode numérique Lalaland.ia, dans le but de créer des modèles personnalisés générés par l’IA. Si l’objectif n’est bien évidemment pas de remplacer les mannequins humains, la marque de prêt-à-porter a fait savoir dans un premier temps qu’il s’agissait “d’augment[er] le nombre et la diversité de [ses] modèles pour [ses] produits de manière durable”. Une annonce qui n’est pas passée inaperçue, et qui a même fait grincer des dents, certains utilisateurs des réseaux sociaux reprochant à la marque d’utiliser l’argument de l’inclusivité pour se lancer dans ce type d’usages alors qu’elle aurait pu le faire via des mannequins physiques.

Des critiques auxquelles Levi’s n’a pas tardé à répondre : “Notre récente annonce d’un partenariat avec Lalaland.ai n’a pas représenté correctement certains aspects du programme. Nous en assumons la responsabilité. Nous ne considérons pas ce projet pilote comme un moyen de faire progresser la diversité ou comme un substitut aux véritables mesures qui doivent être prises pour atteindre nos objectifs en matière de diversité, d’équité et d’inclusion, et il n’aurait pas dû être présenté comme tel. Chez Levi Strauss & Co, nous nous sommes engagés à créer un lieu de travail, une entreprise et un marché où les personnes de toutes origines ont la certitude qu’elles seront vues, que leur voix sera entendue et que leurs contributions seront les bienvenues”, peut-on lire dans un communiqué.

Ce projet pilote, qui devrait voir le jour “plus tard dans l’année”, permettra à la marque américaine de présenter ses produits vendus en ligne sur des mannequins du futur, entièrement générés par l’IA. Une véritable révolution qui, si Levi’s ne le précise pas, est (aussi) censée permettre à la marque de faire les économies d’une véritable mannequin et d’une séance photo, sans compter sur le temps qu’une telle organisation demande à l’année. Une pierre deux coups, en somme. Si l’exploration de l’intelligence artificielle n’en est qu’à ses prémices, nul doute que la mode ne tardera pas à s’emparer – voire s’accaparer – de ce nouveau terrain de jeux qui s’annonce aussi créatif que lucratif.