Texte par Cadfael

L’acronyme GAFA désigne quatre des entreprises les plus puissantes du monde de l’internet (et du monde tout court !) à savoir : Google, Apple, Facebook et Amazon. Le 6 octobre dernier le Comité Judiciaire de la Chambre des Représentants sous présidence démocrate publiait un rapport choc de plus de 400 pages intitulé « Enquête sur la concurrence au niveau du marché́ digital ».

L’économie digitale sous la loupe

Depuis juin 2019, le Comité enquête sur « sur l’économie digitale et en particulier les menaces représentées par la domination d’Apple, Amazon, Facebook et Google ainsi que sur leurs pratiques d’affaires ». Les témoignages reçus et collectés constituent 1.3 millions de documents. Le comité a grillé pendant 6 heures chacun des quatre CEO « Leurs réponses étaient souvent évasives, ne répondant pas aux questions et faisant surgir des interrogations sur le fait qu’ils se croyaient hors d’atteinte d’une supervision démocratique » souligne le rapport.

Le rapport constate textuellement que des sociétés qui étaient de « petites startups insignifiantes » qui se battaient pour rester en vie. Elles se sont transformées en un type de monopole que l’Amérique n’avait plus vue depuis l’époque des barons du pétrole et des milliardaires du rail. Et de citer une phrase d’un des juges de Cour Suprême du siècle dernier disant . « Nous devons faire un choix. Nous pouvons avoir soit une démocratie ou soit la richesse concentrée entre les mains de quelques-uns, mais nous ne pouvons pas avoir les deux ». On notera que le New York Times estime la capitalisation boursière des quatre sociétés à cinq trillions de dollars.

Les Big Techs vues comme une menace

C’est la première fois que la Chambre des représentants souligne de manière aussi directe que les Big Techs représentent une menace du fait de leurs pratiques commerciales qualifiées d’anti compétitives : ils rendent internet plus cher, moins privé et moins libre. Ce rapport soutenu tant par les Républicains que par les Démocrates, se place dans un contexte de méfiance grandissante envers les activités des sociétés de la Silicon Valley et de leur impact sur la société́ américaine. À cela il convient de ne pas perdre de vue l’échéance électorale du 3 novembre 2020 et les changements qu’elle apportera d’une manière ou d’une autre.

Des lois puissantes

Après la condamnation de Microsoft pour violations des lois anti-trust en 1998, ce rapport marque une première grande offensive contre la toute-puissance des « big-techs ». La condamnation de 1998 avait engendré la séparation de Microsoft en deux entités différentes.

La Chambre des Représentants se base dans sa démarche sur un texte juridique voté le 8 octobre 1914, le « Clayton Antitrust Act ». Il complétait et renforçait un autre texte datant de 1890, le « Sherman Act », qui était partiellement inefficace en la matière. Un autre effet du « Clayton Antitrust Act » aura été de légaliser sur le plan fédéral les syndicats, les grèves et les boycotts. La Chambre des Représentants espère par cette première approche de démanteler ces monopoles pour raviver une réelle concurrence sur les marchés du numérique.

Que leur reproche-t-on ?

Le reproche qui leur est fait est d’être une sorte de chiens de garde des monopoles qu’ils défendent de fait en commun, contrôlant les prix ainsi que la distribution de biens et des services. Une situation qui rend les activités en dehors de cette sphère extrêmement difficiles. Pour intégrer ces marchés, les acteurs doivent passer soit par App Store, soit par le site d’Amazon sur lequel ils sont lourdement taxés. Le rapport cite un niveau de taxation de 30% pour ceux qui ne veulent pas passer d’accord préférentiel avec les maisons mères.
À titre d’exemple on reproche à Google de détenir le monopole en matière de recherche et de publicité́ sur le web. La société userait de tactiques anti-compétitives telles que le l’acquisition et l’utilisation d’informations de sociétés rivales afin de renforcer sa propre position, ce que Google dément.

Facebook nie que l’acquisition à coups de milliards de sites comme Instagram et WhatsApp soit anti-compétitives. Il est reproché à Apple que toute application doit passer sous les fourches caudines de l’Appstore et que cela constitue un moyen de contrôle absolu sur le marché. Ainsi cette situation  est prohibitive pour des start-up sur le plan financier et si elles désirent devenir indépendantes. En ce qui concerne Amazon un des exemples cités est que trois millions de détaillants passent par l’application dont 37 %  ont comme seul revenu Amazon.

De l’oxygène pour le monde

Ce rapport marque le début d’un processus long qui, à terme redonnera une certaine compétitivité au web, américain et non américain. Au vu de l’histoire récente le pouvoir des GAFA constitue une menace potentielle pour le bon fonctionnement de la démocratie politique et économique. Le peu de résonance que l’enquête américaine trouve dans les milieux européens est étonnant, comme si cela ne les concernait pas. Restera le problème des géants chinois qui, comme des poissons dans l’eau, (pour paraphraser le président Mao) prospèrent sous l’œil bienveillant du maître de Pékin.

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