Texte par Cadfael

Selon l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies, l’Union Européenne est devenue le second marché en importance pour la cocaïne avec une valeur à la vente annuelle de 9.1 milliards d’euros pour 4 millions de consommateurs, sur un marché global de 30 milliards. L’héroïne représente 7.4 milliards sur ce marché de la mort.

Un marché de la mort qui se porte bien

Dans une interview donnée au site « inews » du 28 juillet 2020, Roberto Saviano, l’auteur de « Gomorra », et qui ne vit plus que sous protection policière 24 heures sur 24, nous montre à quel point l’économie de la cocaïne est lucrative : le coût du kilo de cocaïne varie de 2000 dollars en Colombie, en passant à 15.000 au Mexique et 70.000 au Royaume Uni. Ensuite chaque kilo est reproportionné en 3000 doses qui rapporteront 210.000 dollars le kilo à Londres. Ces chiffres permettent de comprendre un des ressorts des énergies criminelles se trouvant derrière les chaines sophistiquées de production, de transport, de distribution et in fine de réinjection des bénéfices dans les circuits économiques et financiers de l’économie normale, car tant que le bénéfice n’est pas blanchi, il n’existe pas.

La cocaïne est un bien de négoce, comme l’or ou le parmesan, avec comme différence que de sa production jusqu’à sa vente, elle produit des bénéfices colossaux. Qu’elle tue des milliers de personnes de tout âge et de toute catégorie socio-professionnelle, ne concerne ni les trafiquants et ni les blanchisseurs. Elle dispose d’un marché captif qui ne fait qu’augmenter, y toucher c’est devenir addict. L’âge de la première prise est descendu à 15 ans. Il semblerait que par ces temps de pandémie le marché explose.  Jamais autant de cocaïne n’aura été saisie que ces dernières années. Comme le cite Saviano dans un autre ouvrage « Extra Pure » : « De nouvelles bourgeoisies mafieuses gèrent aujourd’hui le trafic de la coke. (…) Un Monopoly aux dimensions planétaires. (…) La cocaïne est la réponse universelle au besoin de liquidités. L’économie de la coke croît sans limites et se glisse partout. »

Le site d’Interpol confirme que le trafic de drogue compte pour la moitié de tous les crimes transnationaux et qu’il procure des sources financières à d’autres activités criminelles et au terrorisme.

Des saisies de plus en plus importantes

Dans la presse internationale du 24 février on apprenait que seize tonnes de cocaïne avaient été saisies le 12 février dans des conteneurs à Hambourg et dans la foulée encore sept tonnes à Anvers venant du Paraguay. L’annonce était faite par les douanes allemandes qui précisent que la valeur à la revente était de l’ordre de 600 millions d’euros pour la cocaïne pure et coupée elle rapporterait entre 1.5 et 3.5 milliards d’euros. Les lots devaient être acheminés à la même adresse aux Pays-Bas selon la police néerlandaise à l’origine du tuyau. L’enquête se poursuit en Belgique, RFA et Pays-Bas.

Le port de Hambourg est devenu une importante plaque tournante pour la coke. Celui d’Anvers reste la première porte d’accès aux marchés européens. Depuis les 4,7 tonnes record saisies en 2013 les volumes se sont multipliés par quatorze selon le gouvernement belge. La Colombie, le Brésil et l’Equateur sont actuellement les principaux expéditeurs, tandis que l’Espagne et les Pays-Bas sont les deux grandes portes d’entrée après la Belgique.

Selon la presse ibérique, en Espagne, le trafic de drogue progresse et se transforme à vive allure. Au-delà des chiffres élevés des saisies révélés par les bilans 2020 des prises effectuées en 2019 (1,5 million de plants de cannabis, près de 38 tonnes de cocaïne et de 350 tonnes de haschisch) et des milliers d’arrestations (20.437) pour trafic de drogue, les trafiquants s’adaptent rapidement.

Déjà en novembre 2019, la presse espagnole se faisait l’écho d’une saisie de drogue au large des côtes de Galice à bord d’un mini sous-marin avec 3000 kg de cocaïne. Le présumé cerveau serait actuellement détenu par les espagnols.

Une collaboration policière efficace

En mars de cette année les autorités espagnoles informaient qu’une méga-opération impliquant plus de 300 agents, réalisée en collaboration avec les Colombiens, les Hollandais, les Portugais, les Britanniques, les Américains et Europol avait permis la saisie d’un « sous-marin » de neuf mètres de long, équipé de deux moteurs de 200 chevaux chacun destiné à assurer le transbordement à partir d’un navire ancré au large. Chaque rotation aurait permis l’importation de deux tonnes de cocaïne. De ce bâtiment construit dans la province de Malaga, semi-immergé, on ne distinguait qu’une sorte de tourelle peu visible. L’opération permettra également de démanteler dans la région de Barcelone un laboratoire très sophistiqué destiné à la fabrication finale du coke et probablement de drogues de synthèse. Dans la province de Murcia ils ont saisis un bateau en fibre de verre avec quatre moteurs de 350 chevaux chacun estimé à 300.000 euros ainsi que 7.000 litres d’essence, des documents, de l’argent liquide et des montres de luxe, ce que dans ce milieu on semble aimer. Cette opération permettra 52 détentions. A la même période la police espagnole démantèle le plus important réseau de distribution de cocaïne avec une saie de 600 kilos. L’organisation est décrite comme violente. On saisira une vingtaine de véhicules évalués à 250.000 euros et 700.000 euros en cash ainsi que des armes. Dirigée par deux frères marocains on comptera parmi les détenus un avocat. Le maître agissait en tant que  conseil légal et financier du groupe.

En Belgique également

Il y a une semaine selon « Le soir », une grosse opération en Belgique impliquaient plus de 1600 agents perquisitionnant 200 d’habitations, le tout avec la participation d’une unité spéciale de la police luxembourgeoise. Elle donnera lieu à la saisie de 17 tonnes de cocaïne et 1.2 millions en liquide. Il aura fallu deux ans de travail pour mettre 48 personnes sous les verrous. Les Hollandais ont fait de même, saisissant de fortes sommes d’argent liquide, des armes, des uniformes de police. Cette opération serait en relation avec la pénétration des forces de sécurité au sein d’un réseau de téléphone cryptés (SKY ECC) comptant 170.000 utilisateurs envoyant quotidiennement 3 millions de messages. Le réseau servait à des fins de trafic et d’assassinats par certains.

Y a-t-il une morale ?

Roberto Saviano écrit : « Pour moi, le mot « narcocapitalisme » est une bouchée qui ne fait que grossir. Je ne parviens plus à l’avaler. » Une des solutions est d’avoir une collaboration exemplaire au niveau des forces de répression dotés de moyens sophistiqués à la hauteur du défi. L’autre s’appelle prévention et éducation.

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