Mettre du rouge à lèvres. Un geste banal pour certains qui peut pourtant se révéler contraignant pour d’autres, qu’ils aient une mobilité réduite du bras ou de la main. Mais le secteur cosmétique entend bien pallier ce manque à l’aide des nouvelles technologies, et rendre le maquillage enfin accessible pour tous. Explications.
Longtemps oubliées par les marques, tous secteurs confondus, les personnes en situation de handicap semblent enfin sortir de l’invisibilité. Après l’industrie de la mode, qui tente par des lancements timides, mais bel et bien réels, de proposer des vêtements plus inclusifs, c’est au tour de celle de la beauté de se réinventer pour permettre au plus grand nombre de prendre soin de sa peau, et surtout de rendre l’expérience maquillage plus simple et agréable. Chose banale pour beaucoup, mais qui se révèle bien plus difficile pour ce que l’on nomme la plus importante minorité au monde.
Plus d’un milliard de personnes vivent aujourd’hui avec une forme de handicap, soit près de 15% de la population mondiale, d’après l’OMS, et si tous ne rencontrent pas des difficultés à se maquiller, nombreux sont celles et ceux pour lesquels, du fait d’une mobilité réduite, appliquer du mascara ou du rouge à lèvres peut relever du parcours du combattant. Mais les nouvelles technologies pourraient rapidement changer la donne. Si la beauty tech se mettait jusque-là essentiellement au service de la personnalisation et de la vente en ligne, elle se révèle aussi indispensable pour rendre la beauté plus inclusive. En témoigne la dernière innovation présentée par un géant du secteur au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, qui a ouvert ses portes ce jeudi 5 janvier.
Des “mouvements intelligents”
La force de frappe des réseaux sociaux est telle qu’elle pousse aujourd’hui les marques à s’engager sur tous les plans, notamment sociaux et environnementaux, sous peine de voir ses cibles de prédilection s’échapper vers d’autres horizons. Résultat, nombreux sont les secteurs, dont la mode et la beauté, qui œuvrent pour être toujours plus inclusifs. L’Oréal compte parmi les acteurs des cosmétiques qui se sont engagés depuis plusieurs années à rendre le handicap visible, via de nombreux programmes, mais aussi ses égéries et porte-parole L’Oréal Paris, parmi lesquelles Aimee Mullins dès 2011, mais aussi Bebe Vio et Marie Bochet.
Dans le cadre du CES 2023, le groupe fait un pas de plus vers l’inclusivité avec la présentation d’une innovation destinée à faciliter l’expérience beauté des personnes à mobilité réduite. Baptisée HAPTA, celle-ci se matérialise sous la forme d’un “applicateur de maquillage intelligent, portable et de haute précision” qui devrait permettre dès 2023 aux personnes ayant une mobilité réduite du bras ou de la main de mettre du rouge à lèvres avec plus de facilité.
Actuellement en cours de développement, cet applicateur devrait être doté d’une technologie créée par la société américaine Verily, pensée pour permettre aux personnes à mobilité réduite “d’utiliser [des] couverts de façon plus stable”. L’appareil connecté et portable repose sur une “combinaison de mouvements intelligents” capable de reproduire ceux d’une routine de maquillage via toutes sortes d’accessoires personnalisables. Cela peut aller du “maniement d’emballages” à “une application précise [d’un] produit” comme un mascara ou un rouge à lèvres, par exemple.
“HAPTA est équipé d’une fixation magnétique qui pivote à 360 degrés et offre une flexibilité de 180 degrés, pour une utilisation ergonomique et facile. Une fonction ‘clic’ permet de définir intuitivement la position souhaitée, de la maintenir pendant l’utilisation et de verrouiller le réglage pour une utilisation ultérieure. [L’applicateur] est livré avec une batterie intégrée permettant un usage continu durant une heure”, détaille L’Oréal dans un communiqué.
Un premier pas vers l’inclusivité
Il faut le reconnaître, l’industrie de la beauté ne s’est encore que très peu ouverte au handicap. En 2019, quelques mois avant le début de la pandémie de Covid, la marque Grace Beauty s’était distinguée pour avoir lancé une série d’accessoires destinée à faciliter l’application du mascara. L’idée ? Trois poignées différentes pour permettre aux personnes à mobilité réduite d’optimiser leur expérience maquillage. Des innovations qui avaient fait grand bruit, mais qui n’ont vraisemblablement pas permis à la marque en question de gagner en visibilité, ses dernières publications sur les réseaux sociaux datant d’avril 2019 et son e-shop n’étant désormais plus accessible.
À l’initiative d’un couple, Laurent et Sophie, l’institut de bien-être et de beauté Dulcenae a lui aussi contribué à rendre la beauté plus inclusive, accueillant hommes et femmes qui ne se sentent pas de pousser les portes d’un institut classique, car n’embrassant pas les fameuses normes d’une industrie qui peine à briser certains stéréotypes. Ici ce sont des socio-esthéticiennes qui délivrent les soins personnalisés à chaque client, quels que soient sa problématique et son besoin, avec l’objectif de lui offrir un moment de détente et de bien-être, mais aussi d’améliorer sa confiance en soi. Un lieu qui accueille tout le monde, mais s’ouvre plus particulièrement à celles et ceux qui ont un handicap physique, une maladie, un problème de peau tel que de l’eczéma, ou présentant un surpoids ou une obésité.
Encore rares, ces initiatives témoignent pourtant de la nécessité de rendre la beauté plus inclusive, et ce à très grande échelle. L’applicateur de maquillage de L’Oréal est un nouveau pas en ce sens. Il fera l’objet d’un lancement dans le courant de l’année via l’une des marques phares du groupe, Lancôme, sous la forme d’un applicateur de rouge à lèvres dans un premier temps. “D’autres applications de maquillage seront proposées ultérieurement”, précise le géant des cosmétiques.