Tandis que les parfums gourmands et fruités perdent de la vitesse, les jus hespéridés et frais ont fait exploser leur potentiel désirable cette saison.

A cette occasion, nous sommes allées à la rencontre de Jacques Cavallier-Belletrud, Maître Parfumeur de Louis Vuitton, qui a revisité la notion de Cologne, avec une collection de trois fragrances inspirées de la Californie.

Qu’est-ce qui a inspiré ces nouvelles fragrances ?

Los Angeles a inspiré ce projet. C’est une ville magique et la Californie est fantastique. Le ciel bleu, particulièrement en hiver, possède une lumière extraordinaire qui provoque un état d’esprit singulier. J’ai été inspiré par ce contraste. A Grasse, on voit à la fois la Méditerranée et les montagnes. C’est pareil en Californie, il y a l’océan mais aussi le désert tout proche.

Pourquoi souhaitiez-vous, pour cette collection, vous concentrer sur Los Angeles, plutôt que n’importe quel autre lieu dans le monde ?

Les Parfums de Cologne représentent l’esprit festif de Louis Vuitton, un esprit de luxe et d’optimisme. Il n’y avait donc pour moi pas meilleure inspiration que Los Angeles et la Californie. Les Parfums de Cologne sont vraiment inspirés par la culture et le mode de vie californiens.

Qu’aviez-vous sur votre « moodboard » pendant la création des Parfums de Cologne ?

En tant que Maître Parfumeur, la fraîcheur est l’une de mes obsessions. Le concept de cette collection tient vraiment au principe de fraîcheur. Sur le marché des parfums, les eaux de Cologne sont fraîches, mais elles ne tiennent pas longtemps sur la peau, ce qui peut être assez frustrant. Je rêvais de créer une collection de Colognes qui seraient à la fois infiniment fraîches tout en ayant une bonne tenue. Pour cette raison, j’ai appelé cette collection les Parfums de Cologne. 

Avez-vous mis au point de nouvelles techniques pour réaliser ces trois parfums ?

Avec toutes les techniques à notre disposition aujourd’hui, il est désormais possible de faire tenir plus longtemps sur la peau différents matériaux bruts. Pour Louis Vuitton, nous utilisons en exclusivité des matériaux bruts que j’ai choisis : nos agrumes viennent de Calabre, par exemple, et d’autres ingrédients viennent de Grasse. Plus précisément, je peux par exemple retravailler la fraîcheur d’une bergamote si je veux souligner son amertume ou au contraire son côté fruité. Je peux donc utiliser deux ou trois bergamotes pour atteindre des objectifs différents.

Ces parfums sont-ils destinés aux Californiens, filles et garçons, et si non, à qui les destinez-vous ?

La fraîcheur n’est pas un concept genré, elle appartient à tout le monde. Lorsque nous avons lancé les sept premiers parfums pour femme, beaucoup d’hommes les ont achetés pour eux-mêmes. Ils m’ont montré des choses que j’ignorais encore. J’ai vu des hommes japonais porter Apogée, avec son muguet ; des Américains porter Turbulences, qui est une tubéreuse ambrée. Je ne savais pas que mes parfums étaient si masculins. Mais le concept de masculinité a explosé : les hommes, et particulièrement les hommes jeunes, veulent cette expérience lorsqu’ils choisissent un parfum. 

Comment organisez-vous votre processus de création lorsque vous travaillez sur plusieurs projets en même temps ?

J’ai l’habitude de travailler sur plusieurs projets en même temps, mais chacun de ces projets se trouve à un stade de développement différent. Par exemple, le thème de la fleur d’oranger de Sun Song a été prêt assez vite. Je pense que l’expérience acquise en travaillant sur l’un des parfums illumine les autres. Pendant que je travaillais sur Cactus Garden, j’étais aussi en train de composer Afternoon Swim. J’ai fait extrêmement attention à les situer dans des gammes différentes, parce qu’il aurait été facile, par exemple, d’utiliser la même fraîcheur. Je voulais travailler sur ces parfums ensemble mais en donnant à chacun une identité particulière.

Avez-vous des conseils pour éviter l’angoisse de la page blanche ?

Lorsqu’on est trop profondément investi dans la création de quelque chose, tout peut se mélanger et on ne voit plus la réalité. Parfois, il faut simplement arrêter de travailler pendant quelque mois puis revenir à sa tâche avec un nouveau regard, un nouveau nez ; on peut alors constater si ce qu’on a produit est bon, ou non. Le luxe, c’est d’avoir le temps de créer.

Comptez-vous créer plus tard d’autres Parfums de Cologne ?

C’est une collection, donc nous y ajouterons peut-être d’autres parfums dans le futur. Rien n’est interdit chez Louis Vuitton, donc ce processus n’est pas achevé.

Retrouvez l’interview dans son intégralité dans l’édition 204 de juin de Femmes Magazine.

Crédit photo: ©Sébastien Zanella