La théocratie iranienne soumet toute notion de droit à une interprétation coranique conférant une légitimité d’ordre divin à un système répressif faisant aujourd’hui des femmes et des jeunes les principales cibles.

Par Cafdael

Calm down

Cinq jeunes filles ont brièvement dansé sur cette chanson du chanteur nigérian Rema en public et sans hijab dans un faubourg de Téhéran. Elles ont eu aux yeux du régime l’outrecuidance de se filmer et de tout télécharger sur tik tok et telegram le 8 mars dernier, journée internationale des femmes. Le film a été vu des centaines de milliers de fois ces dernières semaines. Selon des sources contradictoires, elles auraient été immédiatement traquées et détenues pendant 48 heures en vertu de lois sur l’obscénité. Elles auraient été forcées à faire repentance, la tête recouverte du hijab obligatoire, repentance diffusée par la police. Selon Radio Free Europe les chances sont fortes pour que ce film policier soit un fake du gouvernement.

Il est interdit aux femmes de danser en public et encore moins sans hijab. Depuis l’assassinat brutal de Mahsa Amini le 16 septembre dernier et l’exécution par pendaison de plusieurs manifestants, les mollahs au pouvoir sont aux abois. Selon les groupes de défense des droits de l’homme, les démonstrations de femmes et de jeunes pour une liberté civile ont au moins fait 500 morts, dont 71 enfants.

Pas de droits de l’homme et encore moins pour les femmes

L’universalité des droits de l’homme est niée par la constitution iranienne qui se veut nationale et religieuse. Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 31 juillet 2001 rendu à l’unanimité a constaté que « la charia, reflétant fidèlement les dogmes et les règles divines édictées par la religion, présente un caractère stable et invariable. Lui sont étrangers des principes tels que le pluralisme dans la participation politique ou l’évolution incessante des libertés publiques. » En 2006 un des ayatollahs au pouvoir avait publiquement déclaré que les « droits de l’homme sont une arme contre l’Islam ». Dans ce périmètre du primat de la charia sur les droits de l’homme, les droits des femmes se réduisent à peu de choses.

Un système à la recherche d’alliances

La semaine dernière l’Iran et le « Grand Satan Arabie Saoudite » ont réinstauré des relations diplomatiques par l’entremise de la Chine. Ryad ayant fait décapiter en 2016 un religieux chiite de renom critique envers le régime saoudien, les deux pays étaient en froid. Parallèlement les mollahs renforcent leurs relations en direction de la Russie en livrant du matériel de guerre. Tout cela dans le contexte d’une nouvelle période de glaciation entre l’Iran, l’Union européenne et les États-Unis. Celle-ci est due en partie aux protestations occidentales, suite au non-respect des droits de l’homme et à la brutalité de la répression durant les manifestations antigouvernementales. De plus l’obsession de l’Iran à construire sa propre bombe atomique constitue un risque majeur pour la stabilité géopolitique. Ces tensions se sont aggravées dramatiquement ces dernières semaines au risque de provoquer une intervention ciblée d’Israël, premier pays visé par Téhéran.

Broyer pour mieux formater

L’Iran, que le « Transparency Corruption Index 2022 » place à la 147e place sur 180 pays analysés, s’attaque avec système aux jeunes. Dans les instances gouvernantes, la perception de la valeur des jeunes générations pour la stabilité du régime est fondamentale et la répression est d’autant plus féroce. Dans un rapport daté du 16 mars, Amnesty International dénonce les traitements infligés à ces jeunes. Depuis les 6 mois que durent les manifestations depuis l’assassinat de Mahsa Amini « les services de sécurité iraniens ont commis des actes de torture horribles parmi lesquels des passages à tabac, de la flagellation, des électrochocs, des viols et d’autres violences sexuelles sur de jeunes manifestants dont certains n’avaient que 12 ans. » Nous apprend le rapport d’Amnesty. Une volonté claire d’humiliation et de punition brutales se lit dans le comportement des diverses unités de répression. Les filles sont détenues par des agents de sécurité homme mélangés aux prisonniers masculins sans respect pour leur féminité. Tout soin leur est refusé après les « interrogatoires ».

« Ils m’ont suspendu et j’avais l’impression que mes bras se détachaient. J’ai été forcé de dire ce qu’ils voulaient, car ils m’ont violé avec un tuyau d’arrosage et ensuite ils ont pris mes empreintes de force » a témoigné un jeune à sa mère. Un autre témoignage mentionne un centre de détention où on a mis des jeunes et des adultes les jambes écartées pour leur administrer des décharges électriques sur les parties génitales. Des jeunes qui avaient tagué sur un mur « femmes, vie et liberté » ont été kidnappés par des agents en civil, emmenés dans des entrepôts et torturés et violés pour ensuite être abandonnés, inconscients, dans un endroit désert. Selon Amnesty le pouvoir iranien a admis avoir mis en détention 22.000 personnes dont plusieurs milliers seraient des jeunes.

Emprisonnés et torturés, ces jeunes courageux qui demandent la liberté et le respect des droits de l’homme, ressortent cassés de ces prisons avec des blessures physiques et mentales indélébiles. L’Iran se prépare un avenir qui sent le soufre.