F4A a vu le jour il y a huit mois à peine, mais rien n’arrête plus Ilana Devillers et Xenia Ashby, les fondatrices de cet ingénieux concept pensé pour réduire le gaspillage alimentaire. Dans la foulée, Ilana Devillers a tenté sa chance pour décrocher le Women of the Year 2019, décerné par la BIL, prix pour lequel elle a fait partie des cinq finalistes.
Nous l’avons rencontrée pour évoquer la genèse de F4A et ses impressions quelques jours après la cérémonie du prix Women of the Year 2019.
Quelle a été votre réaction lorsque vous aviez appris votre nomination ?
J’ai été très surprise ! Je ne m’y attendais pas du tout. J’avais déposé ma candidature sans trop y croire, notre société est tellement jeune (elle est opérationnelle depuis huit mois, ndlr.) !
Comment s’est déroulé la ‘finale’ ?
C’était assez difficile pour moi, car il fallait présenter un pitch mêlant la cheminement de la société et mon histoire personnelle. Et si je n’ai aucun souci à évoquer la genèse de F4A, parler de moi est beaucoup plus compliqué (rires) ! Fort heureusement, j’ai pu bénéficier du soutien du coach Pedro Castillo, qui m’a été d’une grande aide. Avec lui, j’ai dû répéter mon pitch au moins 250 fois (rires) !
Avez-vous été déçue de ne pas décrocher le prix de Women of the Year 2019 ?
Absolument pas ! Non seulement car j’admire énormément Stéphanie Jauquet, son parcours exceptionnel et les concepts incroyables qu’elle a créés. Les Cocottes, par exemple, illustrent à merveille les valeurs que nous défendons. C’est une femme extraordinaire, qui m’inspire énormément et me pousse à aller plus loin.
Et plus largement, avoir été nominée est juste incroyable à notre niveau d’existence. Cela prouve bien que l’on peut être CEO de l’année, quels que soient son genre et son âge (Ilana a 26 ans, ndlr.). Cette nomination livre un message ultra positif et encourageant pour tous ceux et celles – surtout celles – qui, comme nous souhaiterait se lancer dans l’entrepreunariat.
Enfin, cette nomination valorise certes mon travail, mais bien plus encore, celle de toute mon équipe, d’autant que ce concours est arrivé à un moment délicat pour F4A où nous avions mille et une choses à gérer en même temps. Mais nous nous en sommes sortis, tous ensemble. Cette nomination récompense tous mes collaborateurs.
Revenons sur votre parcours. S’il n’y avait qu’une seule chose à retenir, ce serait ?
L’expérience que nous a apportée ce F4A. Devenir entrepreneur, alors que nous n’avons pas encore 30 ans, nous paraît incroyable. C’est certes très stressant, mais exceptionnel. Nous avons eu également la chance de pouvoir lui donner vie, ici, au Luxembourg, qui est un pays génial pour les startupers. Les connexions se font très facilement, du fait de sa petite taille. Même les démarches administratives y sont facilitées.
Devenir entrepreneur était une évidence ?
C’est un concours de circonstances. Je me destinais à devenir avocate en droit des affaires. Quelques stages en cabinet ont suffi à me faire comprendre que ce métier n’était pas pour moi. Même si, lorsque l’on est entrepreneur et que l’on doit vendre son projet, les ressorts sont presque les mêmes que ceux utilisés lors d’une plaidoirie.F4A est né face au constat de l’incroyable gaspillage alimentaire engendré par les grandes surfaces. Quand nous étions étudiantes, il était fréquent que nous soyons contraintes de « mal » nous nourrir à partir du milieu du mois, pour cause de budget serré. En 2015, le scandale des supermarchés qui javellisaient les invendus proches de la DLC (date limite de consommation, ndlr.), pourtant propres à la consommation; nous a mis la puce à l’oreille. Certains de nos amis organisaient des dîners mitonnés à partir de denrées récupérées dans les poubelles des grandes surfaces : nous n’avons jamais été malades pour autant. Nous nous sommes alors dit qu’il y avait quelque chose à faire.
Quel est le concept de F4A – pour Food 4 All ?
Notre idée est de lutter contre le gaspillage. Aussi, nous faisons la promotion de produits proches de la DLC situés dans différents points de vente, grâce à notre application et notre site. Le Pall Center leur consacre un corner, tandis que l’on peut les retrouver dans plusieurs rayons, à des endroits distincts dans les enseignes Delhaize. Nous sommes en négociations avec deux autres chaînes pour le printemps. C’est en bonne voie.
Votre projet aurait-il pu voir le jour sans les nouveaux outils digitaux ?
Oui, mais cela aurait été plus long, plus fastidieux. Les réseaux sociaux sont clairement la clé de la réussite en 2019. Ils nous permettent de créer un lien direct avec le consommateur, où qu’il se trouve.
Huit mois après avoir lancé F4A, où en êtes-vous ?
Notre application, d’abord lancée sur Google Play, est désormais également disponible sur l’AppStore. Et la petite nouveauté, c’est que pour tout téléchargement, un arbre est planté grâce à Reforestation.org. Notre application est utilisée par quelque 800 personnes chaque jour et notre communauté atteindra très prochainement la barre des 4000 followers. Nous sommes très heureux de cette progression !
Vous faites partie de la génération des « millenials ». Dès lors, quel est votre rapport à l’idée de hiérarchie ?
Elle existe bien sûr au sein de F4A, du fait des statuts, mais cela s’arrête là. Nous sommes cinq – bientôt six, notre premier employé va bientôt arriver – mais nous sommes tous au même niveau. Le respect est une valeur fondamentale pour nous. Je pense en effet que la hiérarchie classique n’a plus lieu d’être en 2019 ; au contraire, il a été prouvé que – pour notre génération – elle se révèle même anti-constitutive. Nous sommes une génération créative, qui avons vécu de l’intérieur l’avènement des réseaux sociaux. Facebook est né en même temps que nous !
Manager est-il une question de genre ?
J’ai remarqué que malgré la tendance actuelle à la hausse de postes de management occupés par des femmes, les parités ne sont toujours pas respectées, que ça soit dans le leadership ou le management. Il faudrait inverser cela (sourire).
De quelles qualités un bon manager doit-il faire preuve ?
La première, et la plus importante, est l’empathie. Ensuite, il doit être cadré et ordonné dans son travail pour bien driver ses collaborateurs et savoir prendre des décisions rapides. Enfin, il doit avoir le sens de l’équipe.
Avoir un réseau solide est-il une condition sine qua non pour réussir ?
C’est fondamental. Luxembourg, encore une fois, est un pays formidable pour cela. Il y a de nombreux réseaux, hyper qualitatifs. Nous avons des événements toutes les semaines, ou presque, et, à chaque fois, nous faisons des rencontres formidables, très riches, qui nous donnent de nouvelles idées, nous ouvrent l’esprit.
Comment réussissez-vous à jongler entre vie privée et vie professionnelle ?
C’est très compliqué. Avant de lancer la société, nous étions persuadées que nous arriverions à gérer. La réalité ? On passe 80% de nos journées au bureau et on continue d’y penser une fois rentrées à la maison (rires) !
Quels sont vos projets ?
Continuer de progresser, de renforcer notre présence à l’international et de fédérer ! Nous venons d’accueillir deux nouveaux collaborateurs, un web développer et un business developper, et nous espérons pouvoir grandir davantage prochainement. Nous allons ouvrir prochainement de nouveaux points de vente, dont le prochain sera inauguré le 26 juin prochain. Il s’agira d’un Proxi Delhaize, rue de Strasbourg, qui va de pair avec notre vision du commerce qui doit se réinventer pour être plus central et plus proche des consommateurs. Et cela nous permettra de renforcer notre présence au centre-ville.
Nous sommes également ravis de voir qu’il y a une demande internationale pour notre concept, c’est une belle reconnaissance et surtout la preuve que notre business model fonctionne (sourire).
Et nous préparons un gros projet pour septembre ! Vous serez surpris !
L’application peut être téléchargée sur Google Play et sur l’AppStore.
www.f4a.icu