Un feuilleton au parfum d’un autre âge passionne une partie de l’Espagne. Il ne manque que le bûcher en place publique. Au 21ème siècle et même si cela semble invraisemblable: un théocrate galonné du Vatican excommunie des sœurs Clarisses pour ne pas s’être mises au garde à vous selon la doxa officielle de Rome avec leur start up religieuse.
Par Cadfael
Les clarisses ne plient pas
À Burgos, une ville espagnole qui avait été la capitale provisoire de Franco en 1936 et qui est aujourd’hui un bastion de l’Opus Dei, un groupe de religieuses clarisses a entrepris de racheter et de rénover un couvent du XIIIe siècle. Ce couvent, situé à Orduña dans le Pays Basque voisin, était inoccupé en raison d’un manque de vocations. En 2020, elles ont convenu d’acheter le couvent pour 1,2 million d’euros, un montant à verser en tranches semestrielles de 75 000 euros selon un accord avec l’évêché de Vitoria. Toutefois, les paiements n’ont jamais été effectués, le Vatican bloquant aussi la vente d’un autre bien immobilier qui aurait servi à financer cet achat. Des sources indiquent que quelqu’un à Rome aurait entravé les efforts de la communauté, suggérant une possible influence « machiste » sur cet ordre féminin.
Le 13 mai, les tensions ont éclaté : les sœurs ont publié un manifeste de 70 pages et une lettre sur les réseaux sociaux, annonçant leur rupture avec Rome. Elles y dénoncent une persécution, alléguant être victimes d’un conflit immobilier de longue date avec leur hiérarchie, comme l’indique un site catholique français. Parmi les 16 membres de cette petite communauté, six des plus jeunes mènent ce mouvement d’indépendance, nommant leur initiative une « start-up ». Les autres membres, se sentant trop âgés, ne participent pas activement.
Rome s’y met
Un haut gradé envoyé par Rome, l’archevêque de Burgos, Mario Iceta, a été chargé de résoudre un conflit mais son intervention n’a fait qu’aggraver la situation. Diplômé des prestigieuses universités de l’Opus Dei, il détient les titres de « Commissaire pontifical et Représentant légal des Monastères de Belorado, Orduña et Derio ». Cependant, ses efforts se sont heurtés à la résistance de jeunes religieuses dans une Espagne qui lutte quotidiennement contre le machisme. Le 4 juin, il a même bloqué leurs comptes bancaires. En réponse, ces femmes déterminées n’ont pas cédé; des représentants envoyés pour récupérer les clés du couvent sont revenus les mains vides. Convoquées devant un tribunal ecclésiastique, elles ont déclaré unanimement, le 21 juin, leur refus de reconnaître l’autorité de ce tribunal, marquant leur séparation volontaire pour se rattacher à la ‘Foi catholique’. Cette annonce a été largement diffusée sur les réseaux sociaux. Le commissaire pontifical, dans une réaction prompte, les a excommuniées, illustrant ainsi un manque flagrant de dialogue et de diplomatie chrétienne. Les 16 clarisses avaient déjà été étiquetées comme schismatiques, rappelant les méthodes répressives de Staline pour éliminer le désaccord doctrinal. Pendant ce temps, les nonnes continuent de gérer leur couvent et de prospérer grâce à leur art de la pâtisserie et des truffes. Elles ont été soutenues par l’évêque de Vitoria, un non-Basque perçu comme peu influencé par l’Opus Dei, et les habitants d’Orduña les ont aidées à s’installer. Malgré son ton conciliant, le commissaire a souligné que l’Église restait ouverte à accueillir les sœurs excommuniées désireuses de revenir, mettant en avant la miséricorde et la réconciliation. Cependant, sa gestion, perçue comme dépassée et autoritaire, n’a pas été bien accueillie dans son diocèse. À Rome, même sous le nouveau nom de dicastère pour la doctrine de la foi, l’esprit inquisiteur semble persister.
Le pire reste à venir
Les manœuvres de Rome ont conduit les clarisses à rejoindre une communauté religieuse ultra-traditionaliste établie depuis des décennies dans le sud de l’Espagne, entre Séville et Cadix. Le chef historique de cette communauté a lui-même été excommunié il y a quelques années par le même commissaire pontifical. D’après le site « katho.de », cette secte pratique des rites inhabituels et son fondateur, connu pour ses visions de Marie, annonce régulièrement la fin imminente du monde. Ils utilisent leur magnifique cathédrale, financée par les dons des fidèles, pour canoniser des figures comme Christophe Colomb ou le dictateur Franco. Cette communauté élit aussi son propre pape et adopte le style vestimentaire des dignitaires ecclésiastiques du XIXe siècle. Récemment, l’un de leurs papes a renoncé à ses fonctions pour entamer une relation avec une nonne de l’ordre. Ils proclament ouvertement que l’église officielle serait infiltrée par des communistes et des francs-maçons, reprenant une théorie conspirationniste similaire au célèbre complot judéo-maçonnique.
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