Texte par Cadfael

Pékin reprend en main Hong Kong, ancienne colonie anglaise, quitte à violer les engagements pris au moment du transfert de compétences.

Jimmy Lai, symbole et avertissement

Vendredi dernier, selon l’agence Reuters, la justice prochinoise de Hong Kong a incarcéré  le milliardaire hongkongais Jimmy Lai Che-Ying. Son crime : réunions non autorisées. En deux procès différents, il a écopé de 14 mois de prison, toutes peines confondues. Comme tous les régimes dictatoriaux la Chine aime les apparences de légalité. Pékin tente de plier les défenseurs les plus célèbres des droits de l’homme et des libertés de l‘ancienne colonie anglaise.

Fondateur de la marque de mode « Giordano » , de « Next-Digital », société de médias avec « Next Tv » et « Next animation studio », cotée en bourse de Hong Kong ainsi que du  quotidien « Apple Daily », Jimmy Lai est un soutien actif du parti démocratique, ce qui ne fait pas de lui un « patriote » aimé de Pékin qui installe tranche par tranche, l’ordre et la loi communiste. D’autres procès menacent M. Lai, des grands classiques des régimes autoritaires, à savoir collusion avec une puissance étrangère (en l’occurrence les États-Unis) et fraude en relation avec l’immeuble dans lequel M. Lay a les bureaux de son quotidien « Apple Daily ». Vu les nouvelles lois sur la sécurité intérieure que Pékin a fait passer avec le support actif de Mme Lam, cheffe de l’exécutif, les peines encourues vont jusqu’à la prison à vie.

Avec lui deux autres figures de proue très médiatiques, activistes de la première heure ont été condamnées mais non incarcérées.La première est l’avocat Albert Ho, 82 ans, fondateur du parti démocratique, spécialiste des droits de l’homme  et des droits démocratiques considéré comme le père des engagements pour les droits de l’homme à Hong Kong. La seconde, s’appelle Margaret Ng, 73 ans, une double nationalité anglaise et hongkongaise, diplômée de Cambridge et de Boston, avocate, ancienne membre du conseil législatif de Hong Kong, journaliste et militante endurcie des droits de l’homme. Ils ont eu une suspension de peines vu leur âge. Sept autres têtes du mouvement ont été condamnées et certains devront exécuter leurs peines.

Pacta sunt servanda ?

Un des plus anciens principes du droit international ne semble pas avoir prise sur les managers politiques de Pékin. La rétrocession de la colonie britannique à la Chine, considérée comme un « simple » transfert de compétences a eu lieu à zéro heure du 1er juillet 1997, terminant 156 ans de règne anglais sur ce territoire qui comportait à l’époque 6.5 millions de personnes.

Le principe négocié sur lequel repose l’accord entre la Chine et le Royaume-Uni est celui du « un pays , deux systèmes ». On notera que Pékin considère que la République de Chine, c’est-à-dire Taiwan, tombe également sous cette règle.

Un accord qui prévoit 50 ans d’exceptions

L’accord prévoit que le système socialiste de la République Populaire de Chine ne devait pas être appliqué à Hong Kong. Cette loi-constitution garantissait que Hong Kong garderait son système d’économie marchande capitaliste, son système législatif, ses droits et libertés pour 50 ans, c’est à dire jusqu’en 2047 sous le statut de « région administrative spéciale ». Sa politique étrangère relève de Pékin. Il en va de même de l’interprétation de cette loi constitutionnelle qui est de fait une loi chinoise soumise aux interprétations, c’est à dire au bon vouloir du maitre de Pékin.

Le chef de l’exécutif de Hong Kong, actuellement Mme Lam, est élu par un comité électoral local largement contrôlé par Pékin selon le Figaro du 23 mars 2017, choix ensuite entériné par l’Assemblée Nationale Populaire Chinoise.

Engagements non tenus

En 2014 le suffrage universel promis devait être instauré, ce qui a mené vers les premières grandes manifestations. C’est le dernier gouverneur anglais de Hong Kong, l’homme politique anglais Chris Patten, un proche de Madame Thatcher, qui avait initié ces reformes afin de donner une autonomie majeure aux habitants du territoire. L’actuel Mme Lam, cheffe de cet exécutif est considérée comme intégralement soumise à Pékin par la presse internationale.

En réalité les hongkongais ont peu d’influence sur l’interprétation de la mini constitution qui demeure du ressort d’un des organes du congrès national du peuple. Malgré tout, les libertés demeurent actuellement plus importantes que celles des citoyens de la Chine continentale. Reste à savoir pour combien de temps au vu de l’emprise grandissante de Pékin sur Hong Kong. La Chine continentale semble faire peu de cas des accords passés, surtout ceux concernant sa « région administrative spéciale ». 

Il est étonnant de voir à quel point la notion de démocratie et de droits de l’homme semble faire peur aux hiérarques chinois. Ce ne sera pas en mettant en prison de « dangereux criminels » tous âgés de plus de 70 ans et qui se battent avec la parole et l’écriture que l’image de la Chine, qui se détériore à vue d’œil, se rétablira. Au vu de ce qui se passe à Hong Kong, Taiwan a bien des soucis à se faire ainsi que tous ceux qui commercent avec l’empire du milieu.

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