Saviez-vous que le «itsi bisti, tout petit bikini», chanté par Dalida en 1960, fêtait aujourd’hui ses 70 étés? Les années passent et le maillot de bain le plus sexy jamais inventé ne prend pas une ride. Retour sur un succès qui n’était pourtant pas gagné d’avance.
Pièce adorée et honnie, le bikini occupe une place centrale dans nos vestiaires. Et pourtant, il s’est en fallu de peu pour que ces quelques centimètres carrés de tissu ne soient définitivement brûlés.
C’est en1946, le 5 juillet précisément que Louis Réard, annonceur et sponsor à la Fête de l’eau durant laquelle était élue la plus belle baigneuse de la piscine Molitor, dévoile le sulfureux maillot de bain. Une hérésie à l’époque où le balnéaire n’est encore réservé qu’à une élite dans une France de l’après-guerre où la pudibonderie sévit encore. Deux triangles de tissus, simplement maintenus par une ficelle sur les hanches? Bien trop osé. Seule Michèle Bernardini, une danseuse du Casino de Paris et ami du créateur du bikini accepte de le porter, tandis que les modèles refusent de défiler si peu vêtu.
La révolution «bombe anatomique»
Il faut dire que l’objet s’accompagne en plus d’un nom pour le moins scandaleux puisque le terme Bikini est également le nom d’un petit atoll du Pacifiquz dans lesquels les Américains ont fait exploser la bombe atomique quelques jours à peine avant le concours de la piscine Molitor. Véritable flop, mais Louis Réard croit en son produit et réitère dès 1948 avec une campagne sur les plages françaises. Mais le bikini choque toujours autant : il est interdit sur plusieurs plages, et n’a droit de cité ni en Italie ni en Allemagne ni en Espagne.
Et Dieu créa… Brigitte Bardot
C’est aux stars de l’époque que le bikini doit ses toutes premières sorties officielles. Ce qu’il perd en potentiel sulfureux, il le gagne alors sexitude, devenant une arme massive de séduction. Il y a bien sûr Brigitte Bardot – mythique, sur la plage de l’Hôtel Carlton durant le Festival de Cannes en 1953, et son bikini vichy dans Et Dieu Créa la Femme en 1956. Puis ce fut au tour d’Ursula Andress de réhabiliter le sulfureux maillot de bain, en 1963 dans James Bond 007 contre Dr. No. Coup de maître, puisque l’actrice fera bien plus que de le démocratiser. Elle lui apportera une nouvelle image, éloignée de celle de faire-valoir de femmes-objets, comme il pouvait en souffrir jusqu’alors. Ursula Andres, soixante-huitarde avant l’heure, fait voler les codes en éclat et lui apporte, enfin ses lettres de noblesse.
Dès 1968, il s’impose sur les plages familiales et dans les cœurs des femmes, 10 ans après que Vogue l’ait élu «vêtement de l’année».
Pièce angulaire de la libération de la femme?
Le bikini marque une étape cruciale dans l’histoire de la mode. En l’espace 20 années, il s’est hissé au rang de pièce mythique, au même titre que la petite robe noire, que la veste Chanel, le jean ou le trench.
Mais le Bikini a surtout incontestablement contribué à l’émancipation féminine. Quand Louis Réard tente de l’imposer, l’on est encore aux balbutiements, la femme française n’a obtenu le droit de vote que depuis 1944. Visionnaire de génie, l’homme va contribuer à libérer la femme et son corps.
Pourtant, au sommet de sa gloire, c’est un nouveau carcan qu’il va imposer au corps féminin, celui de la minceur et du corps parfait. Comme le déplore l’écrivaine Éliette Abécassis «avec le bikini, on a ‘décorseté’ la femme, mais on lui a remis un autre corset, celui du corps parfait, jeune, mince. (…) Cette libération de la femme s’est (in fine) accompagnée d’une nouvelle servitude».
Depuis 70 ans, le bikini soulève toujours autant les polémiques et déchaîne les passions. En témoigne le phénomène du burkini – contraction entre les termes burqa et bikini – qui ne parvient à trouver sa place. S’il est un signe de l’ouverture à la multiculturalité pour certains, il représente une régression pour d’autres qui le taxent de sexiste…
Mais dans nos cœurs, il rime toujours avec plage et soleil. Sent le sable chaud et le vent des alizés. Et, parfois, cela suffit à nous faire rêver.