Le 26 avril 1777, Lafayette s’embarqua à bord de son bateau Victoire depuis un port de la côte basque pour aider les troupes de George Washington, commandant en chef de l’armée continentale. Aujourd’hui, grâce au nouveau commandant en chef, sur les sentiers de l’âge d’or, près de 250 ans de relations d’amitié avec les États-Unis ont volé en éclats.

Texte : Cadfael

Les nouveaux oligarques

Une nouvelle variante d’oligarques façon Washington émergerait-elle après la prise de l’appareil gouvernemental américain par des autocrates d’inspiration divine ? Détenteurs de pouvoirs économiques et politiques qu’ils utilisent en fonction de leurs objectifs, la notion d’État de droit ne semble pas les froisser.

George Monbiot, scientifique, chroniqueur et environnementaliste, écrivait dans les colonnes du Guardian le 18 février dernier : « C’est dur à imaginer, mais nous ne pouvons pas exclure un effondrement systémique des États-Unis. La dégradation du gouvernement fédéral par Donald Trump et Elon Musk peut déclencher une série de crises convergentes et cumulatives ayant pour conséquence des effondrements sociaux, financiers et industriels. »

Les systèmes complexes (comme les économies ou les sociétés humaines) possèdent des caractéristiques qui les rendent soit résilients, soit fragiles. Un système, dont les processus deviennent synchrones, devient fragile : les chocs s’amplifient à vitesse accélérée et contaminent le reste. Une rupture en un point peut se transformer en désastre global.

Le 9 mars dernier, Fortune titrait :  « Il n’y aura plus personne pour faire confiance aux traités américains et le yen japonais est devenu la nouvelle valeur refuge. »

Où sont les Démocrates ?

En novembre, Eurasia Review, proche des milieux d’affaires libéraux, écrivait – probablement dans une tentative d’exorciser une catastrophe annoncée – : « Trump représente un homme et un mode de pensée ; il semble invraisemblable qu’un seul homme puisse détenir le destin du monde entre ses mains. /…/ Les temps modernes sont caractérisés par une diffusion du pouvoir dans la société, sans centre de pouvoir central à l’instar d’un roi. À sa place, il y a des réseaux de micro-centres de décision connectés entre eux de manière non autoritaire. »

On notera que Musk a été chargé de créer un nœud technologique centralisé capable de gérer toutes les données de l’État. Malgré tout, certains observateurs américains estiment que les États-Unis demeurent une démocratie : la liberté de parole, les droits individuels ainsi qu’un système judiciaire indépendant y survivent pour l’instant.

Cependant, la défense des valeurs démocratiques peine à s’organiser. Le Parti démocrate semble absent du jeu ; désarçonné, il cherche une réponse qui ne vient pas. Kamala Harris s’interroge sur l’endroit où elle va se présenter aux prochaines élections, n’ayant plus aucun mandat électif. À 83 ans, l’infatigable sénateur Bernie Sanders, l’antéchrist aux yeux de Trump, est le seul à reconstruire un pôle structuré d’opposition.

Le 4 mars, Trump a fait un show devant les chambres du Congrès. Les Démocrates exhibaient silencieusement de petites pancartes avec les slogans « Musk vole », « Sauvez Medicaid », « Protégez nos vétérans » ou encore « Faux ». Seul un élu démocrate du Texas, âgé de 77 ans, a eu le courage de se lever et de crier : « Vous n’avez pas le droit de couper Medicaid. » S’appuyant sur sa canne, il a été expulsé par un garde armé.

Commentaire d’un grand chroniqueur sur la chaîne CBS devant un public de plus de 2,5 millions de spectateurs : « Finalement, le premier discours de Trump devant le Congrès était conforme à ses six premières semaines en charge : rempli de mensonges utiles, applaudi par des idiots inutiles. »

Comrade Trump

En attendant, des Ukrainiens meurent sur les champs de bataille, car « Comrade Trump », comme le désigne la très sérieuse revue Foreign Policy du 11 mars, joue avec l’accès au renseignement et au matériel militaire. Spécialiste du tout et de son contraire, il avait auparavant expliqué que l’Ukraine ne survivrait probablement pas. Poutine appréciera l’obséquiosité de son nouvel allié.

Selon un ancien directeur de la CIA, cité dans les médias américains, « nous avons, ces dernières semaines, donné tout ce que les Russes désiraient le plus ardemment ». Washington se tournant contre l’Ukraine et l’Europe, cette dernière se réveille avec une gueule de bois et semble enfin comprendre que sa culture, reposant sur la démocratie et l’État de droit, mérite mieux que des gesticulations pour sa défense.

Face à l’aspect délétère de la politique de Washington, les parapluies nucléaires européens ressortent. La RFA, actuellement sans gouvernement formellement en charge, aimerait bénéficier de ceux de la France et du Royaume-Uni, à défaut de posséder l’armement nucléaire. Il en va de même pour la Pologne.

Rappelons qu’en 1994, Clinton a persuadé l’Ukraine, alors troisième arsenal nucléaire au monde, de remettre ses armes aux Russes en contrepartie de garanties de sécurité américaines, britanniques et russes. Tortueux, les sentiers de la gloire sont à ce prix.

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