Faut-il être mère pour être femme ? Et si l’envie ne vient que tard ? Songer à enfanter passé quarante, est-ce une hérésie ? Et ne pas vouloir d’enfant, un drame ? Confrontée à l’injonction à la maternité, la blogueuse française Garance Doré s’est livrée, vendredi dernier, dans un billet intime et juste.

La quadra a choisi la newsletter de l’actrice féminine et engagée Lena Durham, Lenny Letter, pour s’exprimer. Derrière cette confession, Garance Doré dénonce les diktats et la pression que subissent les femmes.

Une envie venue sur le tard

Garance Doré a 39 ans quand elle se sépare de son blogueur de compagnon Scott Schuman (auteur de The Sartorialist, ndlr.) et qu’elle songe à la maternité. Depuis 10 ans, elle s’est consacrée à sa carrière. Pionnière de l’ère du blogging, voilà une décennie que la Française raconte chaque jour, sur Atelier Doré, sa vie quotidienne, ses voyages, évoque ses coups de cœur de modeuse et ses tips beauté. Elle a bâti un empire, qu’elle souhaite à présent transmettre. Timing parfait pour elle, qui se réjouit de cette nouvelle page de sa vie : « Mon Dieu, ce serait parfait, je me suis dit. J’emploierais une super nounou, je continuerais à vivre ma vie comme je l’entends, où je l’entends, sans aucun homme pour interférer dans mes plans. Que c’était malin, que c’était moderne. » Sauf que la vie la rattrape, et c’est sans compter sur son coup de foudre avec le chanteur américain Chris Norton qui lui fait repousser de deux ans ses projets de maternité. Elle est âgée de 41 ans lorsqu’elle et son mari entreprennent de fonder une famille. Consciente qu’elle est en dehors des clous, elle consulte une gynécologue pour l’aider dans sa démarche pour devenir mère.

La naissance d’une obsession

Ce n’est qu’à ce moment qu’elle se rend compte que son âge est un problème. Dans son témoignage, Garance évoque le nombre incommensurable de fois où elle s’est entendu dire : « à votre âge ». En sous-texte, son irresponsabilité à vouloir enfanter à 40 ans passés.

La première insémination est un échec. L’obsession de devenir mère, elle, nait à ce moment. Garance raconte qu’elle est prête à tout pour devenir mère. Si elle refuse toutefois une opération jugée trop lourde, tout est bon à prendre. Elle change son mode de vie du tout au tout, essaye d’assainir ce corps qui refuse de porter la vie. Elle désespère « J’étais un zombie, qui obéissait à quiconque avait un tout petit peu plus de connaissance que moi. L’acupuncture, les herbes chinoises, les hormones, la méditation, les stéroïdes, les chamans… À cette époque, vous m’auriez dit de boire du sperme, de le bouillir et d’en faire du thé, je l’aurais probablement fait, parce que quelqu’un m’aurait dit que ça a marché avec son cousin. »

Une année durant, l’amour devient un acte mécanique, au moment de l’ovulation. Son couple bat de l’aile, la dépression, elle aussi, pointe le bout de son nez.

Le déclic

Consciente que sa vie part à vau-l’eau, elle avoue s’en remettre à un psychiatre qui lui atteste que son corps peut enfanter. Le blocage n’est pas physique. Elle décide alors de lâcher prise, d’arrêter les injections, qui ont laissé son ventre couvert d’hématomes, et une autre FIV à laquelle, elle le sait, son couple ne survivrait pas. Son mari, tout aussi éprouvé par cette année en enfer l’approuve « Je ne t’ai pas choisie pour porter mes enfants. Je suis avec toi parce que je t’aime, lui assure-t-il. […] Je serai heureux si nous avons des enfants. Heureux si nous n’en avons pas. »

Se libérer des diktats

Garance Doré ne sort certes pas indemne de cette épreuve, mais désormais, elle est convaincue que le poids infligé aux femmes autour de la maternité est énorme. Et dangereux. Qu’il est urgent de se libérer de l’injonction à la maternité, et bien plus, de tous les diktats qui conditionnent la condition féminine et sans lesquels l’accomplissement n’est qu’un doux rêve. « Il faut que ça s’arrête, scande-t-elle dans son billet. On peut être accomplie sans ‘shiny job’. On peut être accomplie sans ‘shiny wedding’. On peut être accomplie sans ‘shiny baby’ . »