Anthropologue, c’est après avoir parcouru le monde, notamment avec Médecins Sans Frontières, que Gaëlle Tavernier a eu le déclic pour l’environnement. Manager General du syndicat PRO-SUD et responsable de la Minett UNESCO Biosphère, cette passionnée d’escalade et de découvertes, s’enthousiasme pour l’éducation à l’environnement, voire la menuiserie ! Rencontre sympathique début mai autour d’un savoureux et équitable café chez Jolt à Esch-Belval.
Par Karine Sitarz
Gaëlle, quelle jeune fille étiez-vous ? Comment êtes-vous arrivée au Luxembourg ?
Après une petite enfance en Belgique avec un grand-frère, j’ai grandi dès 6 ans à Surré dans la commune de Boulaide tout en allant à l’école en Belgique. Ma grand-mère, d’origine luxembourgeoise, y habitait une maison que ma mère a retapée et où nous avons vécu ensemble. J’étais toujours dans la nature, à cheval ou à vélo. J’allais au lac de la Haute-Sûre à l’époque fréquenté par les seuls pêcheurs et touristes hollandais. A la fin de l’adolescence, j’ai eu une envie de ville et suis partie à Liège pour mes études.
Qu’est-ce qui vous a poussée vers l’anthropologie ?
J’ai fait un Bachelor en communication et arts visuels à Liège avant un Master en anthropologie médicale à Londres. Entretemps, j’ai vécu deux ans aux Etats-Unis, au nord de la Californie. Je voulais voyager et ai travaillé avec Médecins Sans Frontières en Afrique, Ethiopie, Congo…, et en Amérique latine. C’est ainsi que j’ai découvert l’anthropologie médicale. Après mon Master, je suis repartie sur le terrain.
Pourquoi cet engagement avec MSF ?
Dans les années 2000, on parlait beaucoup des droits de l’homme. J’avais envie de m’impliquer et je voulais découvrir différentes cultures mais pas en touriste. Avec MSF, j’ai mené des campagnes de communication pour changer les comportements face au sida, j’ai travaillé avec des pédopsychiatres au Guatemala pour de jeunes enfants victimes de violences intrafamiliales. De retour à Londres, où je suis restée sept ans, j’ai notamment œuvré sur le terrain du psychosocial avec des 11-25 ans et dans un club d’escalade avec des jeunes repris de justice. C’est là que j’ai eu mon déclic environnemental, j’ai tout quitté pour la Colombie où j’ai de la famille pour faire de l’escalade (ndlr : pratiquée pendant 15 ans) et découvrir le pays, j’en suis tombée amoureuse. Deux ans plus tard, en 2012, j’y suis retournée pour concrétiser un rêve, un film documentaire, « Oro Libre » (2014).
Comment est né ce film ?
J’avais été choquée par l’exploitation minière des multinationales. En faisant des recherches avec des organisations locales, j’ai découvert La Llanada, village dans les montagnes du Sud-Ouest, où l’on extrayait le minerai d’or de manière écologique. J’ai trouvé un producteur au Luxembourg, Iris Productions, et suis retournée dans le pays avec une petite équipe dont le chef opérateur Jean-Louis Sonzogni.
N’avez-vous pas eu envie de poursuivre dans cette voie ?
J’aurais adoré mais mon fils est né en 2014 et s’il y a quelque chose de romantique à faire des documentaires, les réaliser c’est autre chose et en vivre, c’est un luxe !
Le Luxembourg est resté votre point d’attache ?
Oui, il y avait ma famille et c’est un endroit facile pour mon fils. J’ai pris une année pour être avec lui puis j’ai jeté des bouteilles à la mer. Grâce à Nancy Thomas, j’ai démarré ma carrière au Luxembourg, chez IMS comme cheffe de projet pour le Pacte Climat. Puis je me suis mise à mon compte et ai travaillé pour la ville de Differdange dont le maire (ndlr : Roberto Traversini) était Président du syndicat PRO-SUD (ndlr : syndicat régional qui réunit 11 communes). Il voulait monter un dossier de candidature pour que la région Sud devienne une réserve de biosphère UNESCO. Avec Simone Beck et Catherine Decker et une équipe multidisciplinaire, on s’est lancé dans cet incroyable défi. C’était important pour la région qui a longtemps eu une image industrielle triste et qui devient « le centre », une région dynamique tout en étant authentique. Les 11 communes ont été labellisées en octobre 2020. Depuis, je suis coordinatrice de la réserve de biosphère et manager du syndicat PRO-SUD qui revit grâce à ce projet.
Comment rayonne cette biosphère ?
On a un forum régional pour travailler sur la décarbonation de la région, une plateforme de rencontre de techniciens, on mutualise les projets, actuellement une carte bioclimatique de la région. Il y a un volet qui touche les enfants et qui me tient très à cœur, c’est l’éducation à l’environnement. Financé par le Fonds national de la Recherche et coordonné par Lucie Majerus, qui est aussi artiste et designer, il leur propose des ateliers interactifs. Enfin, il y a le grand public en direction duquel on fait la promotion de la biosphère afin de lui faire connaitre cette région Sud (ndlr : 200 km² / 180.000 habitants).
Qu’est-ce qui vous fait courir ?
Apprendre ! Je m’intéresse de près au monde digital, à la recherche UX Design, à l’intelligence artificielle, il y a ici un Digital Learning Hub. Par ailleurs, dans le cadre de l’UniPop (ndlr : Université Populaire Luxembourg), j’apprends la menuiserie au Lycée technique Mathias Adam. Quand on a un boulot intellectuel, c’est important d’avoir un hobby manuel.
Les voyages sont-ils toujours présents dans votre vie ? Une destination coup de cœur ?
J’aime rendre visite à des ami.e.s, prendre le temps pour la Slow Life. Ma destination phare : le Frioul italien, les Alpes carniques au nord-est de l’Italie où je suis en train de restaurer une maison. C’est un coin de paradis, un concentré de biodiversité, une région pas encore exploitée.
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