Le Grand-Duché demeurera probablement encore longtemps dans le viseur des journalistes d’investigation pour son appareillage juridique offrant des options permettant de diminuer la pression fiscale au nez et à la barbe des autres pays.
Texte : Cadfael
Une vieille ritournelle
Certains reprochent au pays d’avoir un des systèmes financiers les plus opaques au monde et d’avoir fait partie d’un « axe de défiscalisation » en Europe. Selon eux, le fait d’ouvrir des sociétés à Luxembourg n’aurait qu’un but : « les déconnecter de leurs avoirs et de créer une opacité rendant la vie difficile aux autorités en matière d’enquête »..Pour le Luxembourg, les enjeux sont élevés, car la quasi mono-industrie bancaire et financière représente en grande partie la richesse du pays.
En 2018, le pays a établi le registre des bénéficiaires économiques effectifs opérationnel depuis le 1er mars 2019. Selon le site du gouvernement, il devrait permettre « l’identification des bénéficiaires effectifs par le public et les autorités nationales en charge de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. »
OpenLux, un flop ?
Open lux est une enquête menée sous la direction du Monde avec dix autres partenaires média parmi lesquels on peut citer le collectif de journalistes OCCRP, WOXX, Süddeutsche Zeitung, Le Soir, etc, que du beau monde. Les Parisiens ont scruté 3.3 millions de documents luxembourgeois touchant 140 000 sociétés basées à Luxembourg. Une question reste posée : comment le quotidien de la gauche, bien-pensante française, a-t-il financé cette opération et les capacités de calcul nécessaires ? Il reçoit bon an mal an autour de 19 millions d’euros d’aides de la part de la République. Dans son capital, on retrouve une belle brochette d’entrepreneurs et de banquiers français proches de l’Élysée et qui ne sont pas tous connus pour leur rigueur fiscale. « L’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne » souligne le peu de répercussions d’OpenLux dans les médias français, et pour cause, leurs propriétaires étant eux-mêmes détenteurs de sociétés offshore au Luxembourg.
Le Luxembourg selon Le Monde était un des premiers à appliquer les directives européennes en la matière. Cette servilité ex ante du pays face aux exigences d’organisations et de groupes de pression internationaux n’aura servi qu’à se faire bastonner bien avant les autres. Selon ses détracteurs, le Luxembourg apparaîtrait comme ayant rendu l’accès aux données exceptionnellement difficile et aurait empêché en dernier ressort que les bénéficiaires économiques réels soient directement identifiés.
Une belle pépinière de Baby Boss
Le 10 février dernier le site de l’OCCRP dans son bulletin hebdomadaire <occrp.org> déroulait OpenLux et détaillait des choses instructives sur la ‘Ndrangheta et son incrustation à Luxembourg, des clans mafieux russes, la Lega nord et de sa caisse occulte et autres.
Ainsi le pays a l’immense chance d’avoir 291 mineurs qui possèdent ou contrôlent des participations significatives dans des sociétés luxembourgeoises. Ainsi un bébé de 1 an possède des parts dans une des grandes exploitations charbonnières du désert de Gobi. Un gamin de 11 ans profite de juteux contrats d’états avec le Turkménistan et la Chine. Un jeune russe possède des investissements lourds dans des fonds de pension canadiens et californiens ; ses avoirs se montent à des milliards. Une société est détenue par l’épouse d’un des oligarques azerbaïdjanais et ses trois enfants de 17, 9 et trois mois à la date d’enregistrement, se retrouve à Luxembourg du moins sur le papier.
En dehors de toute question d’éthique fiscale, il demeure celle de cette servilité de certains politiciens qui se croient obligés d’être plus royalistes que le roi et d’aller au-devant, de manière quasi obséquieuse, des moindres désirs émis par Bruxelles ou d’autres. Par- là, ils embêtent surtout l’entrepreneur normal qui doit se plier à un surplus d’exigences administratives et bancaires coûteuses en temps et en argent, dégâts collatéraux en provenance de bénéficiaires économiques exogènes ne faisant guère partie du tissu économique local. Le Monde recense 55 000 compagnies off-shore, dont 17 000 Françaises. 90% sont contrôlés par des non-résidents luxembourgeois. Le tout représente 6 trillions d’euros selon le quotidien. Le départ pour le moins curieux de l’ancien ministre des Finances, permettra-t-il de redresser la barre et de rendre une normalité aux hommes et femmes qui font vivre le pays au quotidien, loin des réseaux internationaux.
Un avenir opaque ?
La crise ukrainienne, si elle venait à persister, forcera probablement le gouvernement luxembourgeois, allié fidèle de l’OTAN et serviteur de Bruxelles, à des arbitrages difficiles, face a ces avoirs d’oligarques russes et autres, bienvenus au Luxembourg, mais dans le collimateur des grandes oreilles américaines. Ainsi en prévision des sanctions américaines et européennes, qui viendront immanquablement, certains maroquins de banquiers deviendront urticants. Selon le quotidien « Kieler Nachrichten », du 7 février dernier, le yacht du président russe, le « graceful » de 82 mètres, qui mouillait pour maintenance depuis septembre dernier à Hambourg dans les chantiers navals du constructeur Blohm + Voss, juste à côté d’une corvette militaire en cours d’assemblage, a brutalement quitté les eaux territoriales du pays pour aller vers celles de Kaliningrad. Une saisie dans le cadre de sanctions internationales aurait été douloureuse.