Fin novembre, ciel gris et bas, le jour décline. Il est 15h30 quand je franchis la porte de l’atelier d’Ezri Kahn, embaumé par la senteur douce de la bougie Bibliothèque Byredo qui se consume. Le labo est épuré, mais chaleureux et inspirant, à l’image du créateur qui l’habite.

C’est au cœur de sa maison, en bordure de forêt à Hesperange, qu’Ezri Kahn a choisi d’installer son atelier. Voilà deux ans que le créateur belgo-israëlien y a posé ses étoffes et ses patrons, mais l’aventure de la couture, elle, a débuté il y a bien des années.

Pourtant, c’est un peu par hasard qu’il y entre. C’est la danse qui le fait vibrer lorsqu’il était plus jeune. Son père voit cela d’un autre œil et impose au jeune Ezri de faire des études en parallèle. Il tente, sans trop y croire, l’examen d’entrée à l’école Francisco Ferrer à Bruxelles, où il est reçu. Signe du destin? Peut-être, mais cela ne l’empêche pas de consolider ses bases, en poursuivant son cursus dans la très renommée Académie d’Anvers. Oui, oui, celle-là même par laquelle sont passés Dries Van Noten ou Ann Demeulemeester…
Puis les postes s’enchaînent, tels une farandole ou presque, et lui font découvrir toutes les facettes du métier. Premier assistant chez Azzedine Alaia, quatre années durant «une belle expérience, où j’ai beaucoup appris. La technique, la créativité, mais ça n’était pas assez pour moi, il me fallait me confronter à la réalité du marché». Il retourne à ses premières amours quelque temps, et s’affaire à la création de costumes pour une troupe, joue les mannequins… et s’étourdit de toutes ces rencontres qui jalonnent son chemin. Pourtant, il se lasse, et décide d’aller voir du côté de l’architecture d’intérieur. Il entre dans un réseau de grande distribution et y reste huit ans, change de boîte, puis décide de se revenir à la mode et de se mettre à son compte. D’abord en Suisse, à Zurich, avant, enfin, d’arriver à Luxembourg. Un coup de cœur, personnel, il va sans dire, mais également culturel pour cette patrie, proche de ses racines.

Ezri Kahn est un créateur heureux, même s’il admet que ça n’est pas toujours facile de vivre de la mode au Grand-Duché, où les gens sont pour la plupart obnubilés par la masse, les marques et les enseignes. Un postulat qui le contrarie au plus haut point, lui qui souhaite placer l’humain avant le vêtement. Car c’est bien la l’ADN du style Ezri Kahn. Des pièces sur mesure, qui viennent sublimer la femme. Son corps, bien sûr, mais également sa personnalité. Chaque cliente est une rencontre, un lien se tisse. Il observe. Sa façon de porter le vêtement, de se mouvoir. Ses formes, que les détails viendront souligner. «Le vêtement doit être un écrin, et non une carapace.» Faire du sur-mesure lui permet également de conseiller ses clientes, et de créer une relation privilégiée avec elles pour révéler leur beauté. «Un beau vêtement est un luxe pour soi-même. Il est important de se faire plaisir, de faire en sorte de se sentir belle.»

Son style se reconnaît dans la simplicité. Bien plus difficile à réaliser que des volumes, nous explique-t-il. A l’image de la robe de mariée qu’il a dessinée et réalisée expressément pour notre couv’ de janvier. «Un défi, c’est vrai, mais j’aime ça! Plus on est près du corps et plus le travail est pointilleux, exigeant. C’est un travail de sculpture, presque.» Ses pièces fétiches? Le manteau, enveloppant. Et la robe ballerine – la danse n’est jamais loin – avec un décolleté profond dans le dos, qui suggère et est sexy sans être ostentatoire. «C’est tellement plus sexy de suggérer que de tout dévoiler…»

Pour finir, je lui ai demandé quels étaient les basiques à avoir obligatoirement dans son dressing: une jupe, un chemisier blanc, une robe noire, un beau manteau et un imper’. «Et surtout, il faut que ces pièces fonctionnent ensemble.» Des belles pièces, et non une garde-robe pleine à craquer, Ezri invite à une vision simple et accessible du luxe…

 

Moodboard

Son inspiration: Dior, les créations d’après-guerre, pour le côté structuré. Le mystère et la pudeur qui émanent des vêtements, également.

Son parfum: Bel-Ami d’Hermès, dont j’aime l’odeur qui évoque le cuir.

Un endroit: Les montagnes. Pour me sentir seul et isolé, face à la grandeur de la nature. Pour me faire me sentir tout petit…

 

Photos: Christian Wilmes