Comme l’exprimait le vice-président Vance dans son discours destructeur tenu à Munich le jour de la Saint-Valentin : « Il y a un nouveau shérif à Washington. » Cette rhétorique de cow-boy face à une élite européenne devrait sonner le réveil de l’Europe.

Texte : Cadfael

Qui sauve son pays ne viole aucune loi

Cette ultime pensée de Trump, relayée sur X et par la Maison-Blanche, est empruntée à Napoléon. Le néo-empereur américain serait-il au-dessus des lois ? En décembre, Musk avait publié une représentation de lui en légionnaire romain, déclamant des théories ahurissantes sur la Rome antique. Il se voit en « Sulla moderne », ce dictateur du Ier siècle av. J.-C. qui fit assassiner des centaines d’opposants.

Les nouvelles en provenance des États-Unis sont stupéfiantes. Les licenciements massifs de fonctionnaires touchent potentiellement des centaines de milliers de personnes. Selon CNN, 300 membres de l’Agence nationale de sécurité nucléaire ont été virés. Ils contrôlaient les stocks d’ogives nucléaires du pays, l’élément clé de la dissuasion. L’équipe de Trump met la pression sur la chaîne CBS et exige 20 milliards d’indemnités sous prétexte d’ingérence pendant la campagne électorale.

Trump a également annulé une loi de 1977 interdisant la corruption par les entreprises américaines. La corruption de dirigeants et de responsables, tant sur le sol américain qu’à l’étranger, ne sera plus punissable. Les gros contrats avec les multinationales n’en seront que plus intéressants.

Le même jour, selon Fox News, « Sulla », étalon hors pair appliquant sa politique pro-nataliste pour contrer le déclin de l’humanité, était épinglé par une jeune blogueuse d’extrême droite de 26 ans, qui affirmait venait d’avoir eu un enfant avec lui. Ce serait le treizième pour ce grand stratège, qui s’applique à la consolidation d’une Amérique blanche et religieuse.

Dans le même temps, selon les médias, il perdait un contrat de 400 millions en Tesla blindées pour l’administration Trump face aux protestations du public et de la presse. L’intéressé déclarait « ne pas avoir été informé du contrat ».

Le désastre de Munich

Le 14 février, le vice-président Vance tenait à Munich son premier discours face à l’élite européenne de la défense, réunie pour la 61ᵉ conférence sur la sécurité, un rendez-vous incontournable en la matière. Cette rencontre portait l’espoir d’un possible dialogue transatlantique sur la paix en Ukraine.

Ne mentionnant pratiquement pas ce sujet, Vance a sermonné un auditoire figé, soulignant qu’« il y a un nouveau shérif à Washington ». Reprochant aux Européens de museler la liberté d’expression et d’être des démocraties faibles, il a pris la défense de l’extrême droite européenne, en particulier de l’AfD en Allemagne, face à un public européen impassible.

Ignorant les politesses diplomatiques d’usage, il a snobé Scholz tout en recevant la présidente de l’AfD, la même qui avait réussi le tour de force d’affirmer avec Musk qu’« Hitler était communiste ». Scholz et les ministres présents ont réagi avec froideur, soulignant que l’Allemagne ne se laissait pas dicter la marche de ses affaires intérieures et interdisait toute ingérence étrangère, surtout en période électorale.

Un ancien caporal des Marines donneur de leçons

La prestation de Vance, détenteur de l’équivalent européen d’un bachelor en droit et ancien caporal du corps des Marines, où il servait en qualité de reporter et photographe, a révélé une profonde inculture de l’Europe. Les déclarations erratiques des membres de sa délégation se déchiffrent comme une volonté d’aboutir à un cessez-le-feu négocié directement entre Trump et Poutine. Cette vassalisation de l’Europe, via un modèle de duopole disparu depuis la guerre froide, se fait aux dépens d’une Ukraine européenne.

Ce désastre diplomatique de Munich n’est pas sans rappeler la couardise des Européens qui, en septembre 1938 dans la même ville, se prosternaient devant les exigences de « Herr Hitler ». Y aurait-il un remake du pacte Ribbentrop-Molotov (23 août 1939) à la sauce Trump ? Ce pacte avait marqué une (courte) lune de miel entre Staline et Hitler, pavant la voie à l’agression de la Pologne.

La conflictualité des envoyés de Trump dessine un réalignement brutal au sein des alliances traditionnelles. La réunion d’urgence organisée par Macron lundi dernier n’a guère renforcé l’unité européenne. L’Allemagne, troisième puissance économique mondiale, en pleine période électorale, nécessite un accord de son parlement pour engager des troupes.

L’Élysée, désargenté, n’a pas jugé utile d’inviter le Luxembourg, cofondateur de l’OTAN en 1949, qui prône l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN et l’UE. Le très agile M. Macron a également oublié les pays baltes, la Suède et la Finlande, pourtant directement concernés par les gesticulations moscovites.

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