Par Cadfael

Erasme de Rotterdam, (1467-1536) surnommé le prince des humanistes, a donné de manière indirecte son nom au plus grand programme d’échange d’étudiants jamais mis en place en Europe et qui fonctionne avec toujours plus de succès. Humaniste, Erasme était également érudit, mais pas tolérant au sens où nous l’entendons aujourd’hui.

Erasmus, une belle idée

C’est probablement parce que Erasme de Rotterdam, à une époque où les déplacements et échanges n’étaient pas aussi rapides et faciles qu’aujourd’hui, a beaucoup voyagé entre Paris, les Pays bas l’Angleterre, la Suisse, l’Allemagne pour y mener une vie intellectuelle riche et prolifique que le programme d’échange européen a été baptisé ainsi.

1987 constitue l’année de lancement d’Erasmus, acronyme de « European Region Action Scheme for the Moblity of University Students ». Initialement, 11 pays y participaient : l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Irlande, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. Ce dernier était à l’époque encore membre de la Communauté économique européenne. Une Union européenne à 12 et dont le fonctionnement autorisait encore certains espoirs pour ceux qui croyaient aux mythes européens des pères fondateurs. Le Luxembourg n’y participait pas, car il n’avait pas d’université.  Celle-ci sera fondée en 2003.

Avant Erasmus, les jeunes femmes et hommes qui voulaient faire des études supérieures, ce qui de loin n’était pas la règle, devaient quitter, du moins temporairement, le nid douillet de maman et se frotter à une expérience de vie autrement plus formatrice. Au Luxembourg pour faire des études on s’exilait vers des pays avec lesquels existaient des liens de reconnaissance, en règle générale des pays européens. Les associations d’étudiants luxembourgeois dans ces pays ont permis de créer des liens forts qui encore aujourd’hui vont bien au-delà d’une camaraderie de nostalgiques. Réservées souvent aux milieux aisés, car il fallait subvenir aux coûts de la vie, les études à l’étranger formaient de fait des élites marquées par leurs racines académiques communes et leurs soirées dans des brasseries enfumées.

Erasmus, outil de démocratisation

Erasme a démocratisé d’une certaine manière les semestres d’études à l’étranger par l’octroi de bourses, largement insuffisantes, pour des étudiants désargentés. 3000 étudiants des pays de la communauté formaient la première cohorte de cobayes, une sorte de pionniers la plupart du temps étaient bien gâtés par les universités d’accueil dans lesquelles la conscience d’une expérience fondatrice était très forte. Le succès était au rendez-vous pour utiliser une des phrases standard du journalisme populaire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Durant les 35 dernières années, 12 millions de personnes, jeunes et adultes ont participé au projet Erasmus +. Le signe + a été rajouté en 2014 pour montrer un projet renforcé qui ne se limite plus seulement aux pays de la Communauté économique européenne élargie à l’Union européenne, mais inclut des pays tires de toute la planète.

Au fil des années, une autre ouverture s’est faite vers un élargissement des personnes éligibles. Peuvent être considérés comme admissibles, selon la Commission européenne des étudiants des cycles supérieurs, de la formation professionnelle, des enseignants et des volontaires. En ce moment, la Commission essaye d’ouvrir avec un certain succès, vers d’autres institutions académiques sur des programmes de recherche intégrés. Ils se veulent « promouvoir des valeurs européennes communes et une identité européenne renforcée ». Elle ambitionne d’aider « les établissements d’enseignement supérieur à faire un bond important, en termes, de qualité, de performance, d’attractivité et de compétitivité internationale ». L’appel a attiré 350 établissements d’enseignement supérieur issus de 33 états. 50 de candidatures ont été retenues.

Erasmus + continue de grandir

Selon les sources de la Commission européenne, le budget d’Erasmus en plein COVID, était de 3.78 milliards d’Euros dont, selon eux, un budget de 200 millions pour la transition digitale. Le programme à 44.000 enseignants de s’exiler de leur cher lieu d’origine pour étudier à l’étranger et renforcer tous les liens possibles avec leurs collègues étrangers grâce à  des séjours de 2 a 12 mois pour les étudiants et de 2 jours à 2 mois pour les enseignants. Au palmarès des pays de choix, en 2018-2019 on trouve en premier lieu l’Espagne avec 53.000 étudiants suivie de l’Allemagne (35.000) de la France (31000) avec ensuite le Royaume-Uni et l’Italie.

Sur le plan pratique, les choses ne sont pas toujours aussi simples pour les étudiants érasmistes. Entre des périodes d’examen non synchrones d’universités obligeant les étudiants à faires des acrobaties de déplacement et des accès aux résultats d’examens difficiles, on note malgré tout un manque de coordination parfois ubuesque. Il semblerait qu’Erasmus n’ait pas réussi à éradiquer le souffle mandarinal de la « souveraineté académique ».

Il faut espérer qu’Erasmus créera des liens durables qui dépassent les cultures et les régions et surtout les cabrioles politiques sectaires afin de renforcer un courant humaniste tolérant et de créer une chaine d’union capable d’inspirer les destins de l’Europe.