Erasmus est sans doute le programme européen le plus emblématique. Créé en 1987, il offre aux étudiants la possibilité d’effectuer des échanges avec d’autres pays de l’Union européenne. Aujourd’hui, ce pilier de la coopération européenne est menacé par des coupes budgétaires envisagées à Bruxelles…

Par Cadfael

Un succès incontestable

Erasme de Rotterdam (1466?-1533), voyageur et érudit de la Renaissance, figure majeure de l’humanisme, militait pour une Europe en paix. « Le monde entier est notre patrie », affirmait-il. Cette vision a inspiré le programme qui porte son nom, permettant à 15 millions de participants de quitter les murs de leur Alma Mater pour explorer d’autres chemins académiques. Ce projet est devenu l’un des plus grands succès de l’Union européenne, incitant des étudiants à sortir de leur zone de confort et à découvrir de nouvelles perspectives.

Rebaptisé Erasmus+, le programme soutient l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport en Europe. Doté d’un budget de 26,2 milliards d’euros, il a vu son financement presque doubler par rapport à la période précédente (2014-2020). Entre 2021 et 2027, Erasmus+ met l’accent sur l’inclusion sociale, les transitions écologiques et numériques, ainsi que sur l’engagement des jeunes dans la vie démocratique.

L’argent mais pas l’esprit                                                                     

Le programme Erasmus, symbole de la coopération académique européenne, a été mis à mal en Hongrie, où le pouvoir pro-russe de Viktor Orbán s’est attaqué à son fonctionnement. En 2022, la Commission européenne a exclu 30 institutions hongroises, dont 21 universités, des financements Erasmus et Horizon, le programme de recherche et d’innovation de l’Union.

Cette décision est motivée par une accumulation de conflits d’intérêts et des violations des principes de liberté académique et de transparence. Des politiciens de la majorité gouvernementale siégeaient dans les instances dirigeantes académiques, une situation jugée incompatible avec les standards européens.

Les tensions ne s’arrêtent pas là. Selon Euronews (20 novembre), la Hongrie a accumulé des amendes pour non-respect des obligations européennes en matière de droit d’asile, après un jugement de 2022. Ces amendes, retard inclus, s’élèvent désormais à 360 millions d’euros. En parallèle, l’Union européenne a gelé conditionnellement 6,3 milliards d’euros de fonds destinés à la Hongrie en raison d’irrégularités dans l’attribution des marchés publics et de manquements dans la lutte contre la corruption. Ce montant s’inscrit dans un ensemble plus large de 19 milliards d’euros bloqués, comme le rapportaient Les Échos en juin dernier, pour des déficiences persistantes dans le respect de l’État de droit.

Dans un arrêt qualifié de “violation sans précédent et exceptionnellement grave du droit de l’UE”, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, le 13 juin dernier, infligé à la Hongrie une amende de 200 millions d’euros à payer en une seule fois, assortie d’une pénalité d’un million d’euros par jour pour chaque jour de non-respect de son jugement de 2022. Une tentative de débloquer ces fonds par l’exécutif bruxellois a été contrée par une action en justice du Parlement européen, mécontent de la situation.

Face à la pression financière, des négociations sont en cours pour une libération partielle des montants gelés, alors que la Hongrie cherche désespérément des ressources pour répondre à ses besoins économiques. Le bras de fer entre Budapest et Bruxelles demeure toutefois intense, symbolisant un affrontement plus large sur l’avenir des valeurs européennes.

A la trappe les réductions budgétaires

Dans un élan de rationalisation budgétaire, l’exécutif bruxellois avait proposé des réductions touchant les dépenses communautaires. Mais au lieu de s’attaquer au train de vie de l’administration européenne, le Conseil des ministres a préféré rogner sur des postes sensibles : santé, éducation, aide aux catastrophes naturelles, entre autres. Une décision qui a suscité la colère du Parlement européen.

Lors de la session plénière du 23 octobre, les députés ont annulé les coupes opérées par le Conseil et proposé des augmentations significatives sur les priorités identifiées : recherche, santé, éducation et climat. Parmi les mesures rectifiées, une réduction de 295 millions d’euros pour Erasmus+ s’est finalement transformée en une rallonge de 70 millions d’euros. Une victoire essentielle pour de nombreuses villes universitaires, où ce programme est vital. En Espagne, par exemple, 150 000 étudiants bénéficient cette année du dispositif.

Ce rééquilibrage budgétaire témoigne des priorités du Parlement face à un Conseil souvent critiqué pour ses approches conventionnelles. Laissons à Érasme lui-même, à travers un passage de L’Éloge de la Folie (1511), le soin de commenter cette tranche de vie européenne :

« Je ne simule pas sur mon visage ce que je ne ressens pas dans mon cœur. Je suis partout semblable à moi-même. […] (demeurent ceux) acharnés à revendiquer le personnage et le titre de sage, qui déambulent comme des singes sous la pourpre ou des ânes sous la peau d’un lion. Ils ont beau se contrefaire, il y a toujours un bout d’oreille qui dépasse et trahit. »

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