Française aux origines plurielles, la trentenaire Emilie Allaert, maman de deux jeunes garçons, est entrepreneure après être passée par KPMG, la LHoFT, le Luxembourg Blockchain Lab… Préoccupée par la technologie, l’informatique et la finance, inspirée de Sheryl Sandberg, elle aime créer, transmettre et veut « vivre sans regrets ». La fondatrice et CEO de Digital Minds, qui est par ailleurs membre du comité scientifique de la Fondation IDEA et enseignante vacataire à l’UNI, égrène ses passions, la médecine, la musique mais aussi les briques LEGO auxquels elle joue avec les siens. En toute simplicité, elle met cartes sur table autour d’un chocolat chaud – le chocolat noir, sa gourmandise – lors d’un après-midi de mai chez Lloyd.

Rédaction : Karine Sitarz / Photos : Gaël Lesure

Où et dans quel cadre avez-vous grandi ? Quels étaient vos hobbys ?

Je suis née et j’ai vécu près de Lille, pas loin de la frontière belge. Très jeune, j’ai été attirée par l’art et la musique – une passion des femmes de la famille -, j’ai fait de la flûte traversière, ai pris des cours de guitare et de piano et me suis essayée aux arts plastiques. J’aimais créer avec mes mains, je voulais être chirurgienne pédiatrique, mais dès l’enfance j’ai aussi pris goût à l’informatique. À 10 ans, j’ai eu un petit ordinateur portable et devais coder pour débloquer les jeux.

Que retenez-vous de cette enfance ?

Fille unique, j’ai eu une enfance très cool avec mes parents, mais pendant plusieurs années, au collège puis au lycée, j’ai été victime de harcèlement scolaire. J’ai changé de lycée, j’ai dû me réintégrer et rattraper bien des choses, mais à force de persévérance, j’ai eu mon bac, avec mention. L’adolescence a été compliquée, c’est pourquoi je me suis focalisée sur les études.

Qu’est-ce qui vous a fait choisir des études d’économie ?

C’est à la fin de ma 3e, en stage dans la salle des marchés d’une banque de Lille que j’ai découvert la finance, ça m’a plu. On m’avait dit que les femmes ne travaillaient pas dans ce domaine, mais pour moi, homme ou femme, il n’y a pas de différence. Mes parents m’ont soutenue et encouragée et je me suis ainsi retrouvée en économie au Luxembourg.

Pourquoi le Luxembourg ?

J’ai toujours été attirée par des environnements cosmopolites, ainsi au collège j’avais intégré une section européenne. Je suis venue au Luxembourg pour rencontrer des directeurs d’études. J’ai vite compris que c’était pour moi le lieu d’un nouveau départ. En 2006, à 18 ans, je m’y installais.

Vous avez ensuite rallié la Tchéquie et l’Angleterre…

En venant ici, je savais que je ferais Erasmus. Il n’y avait pas encore de partenariat avec la Tchéquie, mais j’ai pu y aller, j’avais vraiment envie de découvrir ce pays où il y avait la famille de ma grand-mère (ndlr : elle a un grand-père allemand, un autre franco-belge, une grand-mère polonaise, une autre tchèque), d’apprendre la langue, de m’émanciper. Après mon Bachelor, j’ai enchaîné avec un Master en financial management à Durham en Angleterre.

Puis retour à la case départ ?

En 2010, à la fin de mes études, je serais restée en Angleterre s’il n’y avait pas eu la crise financière. Le Luxembourg a été le seul pays à m’offrir un CDI, chez KPMG où Stéphanie Damgé m’a recrutée (ndlr : voir l’interview du mois de mai). J’y suis restée jusqu’à fin 2013, comme conseillère en fiscalité, puis en m’occupant de réglementation américaine avant de rejoindre l’équipe informatique.

Pouvez-vous esquisser la suite de votre parcours…

J’ai rejoint J.P. Morgan Assets Management en 2014, puis un cabinet de consulting, et en 2017, lors de la création de la LHoFT (ndlr : partenariat public-privé pour le développement des technologies financières), grâce au CEO Nasir Zubairi, j’y suis entrée comme responsable opérations et projets. C’était passionnant, il fallait tout créer, c’était l’époque où la blockchain a connu un boom. J’y suis restée cinq années, les trois dernières à mi- temps, l’autre mi-temps pour le Luxembourg Blockchain Lab.

Vous décidez alors de vous lancer dans l’entrepreneuriat ?

Après la naissance de mon deuxième enfant, pouvant m’appuyer sur un bon réseau, j’ai créé Digital Minds, société spécialisée dans les nouvelles technologies. J’aime intervenir pour aider les clients à choisir la bonne technologie et l’implémenter au mieux. Je m’y consacre désormais à plein temps tout en restant ouverte à d’autres propositions.

Quelle facette de votre travail vous séduit le plus ?

Créer des choses, trouver des solutions pour la blockchain notamment, c’est comme pour les ensembles LEGO, il faut partir de rien et faire un tout, construire brique par brique. J’aime agir sur les process, faire un peu de réglementaire, un peu de technologie.

Dans ce monde de la technologie et de la finance, quel accueil avez-vous eu ?

J’ai toujours été entourée de personnes bienveillantes. Il faut être ouverte, mais savoir s’affirmer, ce qui ne me fait pas peur. Si obstacle il y a, j’essaye d’en faire une force.

Vous donnez aussi des cours à l’UNI…

Depuis quatre ans, des cours de comptabilité et de fiscalité et un sur la FinTech. Si j’aime créer, j’aime aussi partager, transmettre et encourager les vocations.

Sur la photo de couverture, vous êtes devant le MeluXina, le superordinateur du Luxembourg situé à Bissen. Racontez-nous.

Je suis profondément passionnée par la technologie, bien au-delà d’un simple métier : c’est une véritable vocation, une part essentielle de ce que je suis. Pour moi, l’évolution technologique est quelque chose de beau, de stimulant. Elle nourrit ma curiosité naturelle et me pousse à apprendre en continu. C’est cette dynamique perpétuelle d’innovation qui m’enthousiasme chaque jour.

J’ai voulu me rapprocher de MeluXina, car cet endroit symbolise à mes yeux le futur. Travailler là où se construit demain, au cœur des avancées technologiques, c’est une manière d’être en phase avec mes valeurs, mon énergie et mon envie de contribuer au progrès. La technologie transforme nos métiers, notre quotidien, et participer à cette transformation est pour moi une source de motivation immense.

De nouveaux projets ?

Professionnellement, j’aimerais développer ma solution DeFi (ndlr : finance décentralisée). Personnellement, après un extraordinaire voyage au Chili, je me verrais bien partir à l’aventure en Australie et en Nouvelle-Zélande, mais avec mes enfants cette fois.

Questions à la volée

  • UN LIVRE DE CHEVET :

Entreprendre pour être libre d’Eric Larchevêque, je lis des livres business, mais aussi des polars, comme ceux de Guillaume Musso.

  • UNE MUSIQUE :

Celle du compositeur italien, Ludovico Einaudi, qui évoque plein de souvenirs personnels ou encore la chanson « One Day » d’Asaf Avidan qui donne du peps.

  • UN RÊVE :

Que les enfants grandissent dans un environnement bienveillant où ils peuvent s’épanouir, qu’ils ne soient pas jugés et que leur job ait un impact positif sur leur vie.

Interview initialement publiée dans le Femmes Magazine numéro 267 de juin 2025.