Le phénomène R’n’B Dua Lipa, 22 ans, et le rappeur Stormzy, 24 ans, ont éclipsé mercredi soir les poids lourds de la pop en remportant les principales récompenses des Brit Awards, marquées par un hommage aux victimes de l’attentat de Manchester.
Le rappeur londonien Stormzy réalise le doublé parfait en récoltant les prix du “meilleur album britannique”, pour son tout premier opus “Gang Signs & Prayer”, acclamé par la critique, et du “meilleur artiste masculin britannique”.
Sur scène, il a tenu des propos très durs à l’encontre de la Première ministre britannique Theresa May à laquelle il reproche la gestion de l’incendie en 2016 de la Tour Grenfell à Londres, qui a fait 71 morts. “Yo, Theresa May, où est l’argent pour Grenfell? Tu croyais qu’on avait oublié Grenfell?”, a chanté Stormzy lors d’un rap freestyle.
Dans un précédent slam, il avait reproché aux Brit Awards d’être “très blanches”, ce qui avait entraîné des changements profonds au sein du comité de vote de ces récompenses. Le rapper s’est imposé notamment devant Liam Gallagher (ex-Oasis) et Ed Sheeran. Ce dernier, rouleau compresseur des ventes d’albums, repart quasi-bredouille de la cérémonie organisée à Londres, malgré quatre nominations.
Toujours pourra-t-il se consoler avec le prix du “succès international”, artistiquement moins significatif, pour son album “Divide”, qui s’est écoulé comme des petits pains. Dua Lipa, une des rares musiciennes à avoir dépassé le milliard de vues sur YouTube, a elle remporté les Brit Awards de la “meilleure artiste féminine britannique” et de la “révélation britannique”. Dans la première catégorie, elle était opposée à Paloma Faith, qui a remporté le prix en 2015, Kate Tempest, Jessie Ware et Laura Marling.
Voir “davantage de femmes”
Née à Londres de parents Albanais du Kosovo, Dua Lipa est passée par le mannequinat, adolescente, avant de se lancer dans la musique. Sorti mi-2017, son album “Dua Lipa” a reçu des critiques plutôt élogieuses, le magazine spécialisé NME soulignant la qualité de sa voix et sa maturité d’artiste, malgré son âge. Recevant sa récompense, elle a dit espérer voir “davantage de femmes sur cette scène, davantage de femmes gagner des récompenses, davantage de femmes mener le monde”.
Lors d’une séquence empreinte de gravité et d’émotion, les Brit Awards ont rendu hommage aux victimes de l’attentat-suicide qui avait tué 22 personnes le 22 mai 2017 à la Manchester Arena à l’issue du concert de la chanteuse américaine Ariana Grande. Cette dernière n’ayant pu venir pour des raisons de santé, c’est Liam Gallagher, originaire de Manchester, qui s’est chargé de chanter pour les victimes en interprétant “Live Forever”, un titre d’Oasis.
A l’instar de la cérémonie des Grammy en janvier aux Etats-Unis, de nombreux artistes ont en outre arboré une rose ou un pin’s blanc en signe de solidarité au mouvement anti-harcèlement et pour l’égalité des femmes. “C’est fantastique que (cette cause) soit maintenant au premier plan”, a déclaré la chanteuse Paloma Faith. “Je pense que je n’ai jamais rencontré de femme célibataire qui n’ait jamais été victime d’un genre de sexisme ou de harcèlement sexuel”.
Critiques anti-Brit
Le Brit Award du “meilleur groupe britannique” a récompensé Gorillaz, le projet expérimental de Damon Albarn. Lors d’une brève prise de parole, l’ancien chanteur de Blur a fait une référence à peine voilée au Brexit. “Ce pays est un endroit charmant (…), mais ne le laissez pas s’isoler”, a-t-il dit.
Le prix du “meilleur groupe international” est allé au groupe de rock américain Foo Fighters. La formation de l’ancien batteur de Nirvana David Grohl a fêté sa récompense en jouant “The sky is a neighborhood”, tiré de leur dernier album “Concrete and Gold” (2017), l’occasion d’entendre un peu de distorsion dans une soirée dominée par hip-hop et R’n’B.
La chanteuse néo-zélandaise Lorde a reçu elle le prix de la “meilleure artiste internationale”, le rappeur américain Kendrick Lamar étant couronné dans la catégorie masculine. Côté musique live, la soirée a été animée par les performances de Justin Timberlake ou encore d’un duo réunissant Rag’n’Bone Man et Jorja Smith. Les Brit Awards avaient été dominés en 2017 par David Bowie, qui avait raflé à titre posthume les récompenses d’artiste et d’album (“Blackstar”) britanniques de l’année.
Avant la cérémonie à Londres, les Brit Awards s’étaient attirés les critiques du quotidien The Telegraph, qui a fustigé, comme d’autres l’avaient déjà fait lors d’éditions précédentes, le triomphe du “populaire sur l’intéressant” et du “commercial sur le courage”.